Six chefs d’Etat africains, Macky Sall, Ibrahima Boubacar Keita du Mali, Ali Bongo Ondimba du Gabon, béninois Boni Yayi du Bénin, Faure Gnassingbé du Togo, Mahamadou Issoufou du Niger, étaient présents à Paris hier dimanche avec leurs pairs occidentaux, pour dénoncer le terrorisme qui a frappé la capitale française au cours d’une marche qui a réuni quelque deux millions de personnes. Si cette solidarité et cette empathie peuvent être saluées au regard de ce que la solidarité internationale est devenue une exigence face à une internationale terroriste de plus en plus meurtrière, il demeure qu’elles posent problème du fait qu’elles ont enjambé un préalable incontournable.
En effet, toute solidarité efficiente devrait d’abord être l’expression d’une solidarité avec soi même, car faut-il le rappeler, nul respect d’autrui n’est possible si on ne se respecte pas soi même. Et là, dans la manifestation de sa solidarité avec Paris contre le terrorisme, l’Afrique a failli. Aucune solidarité nationale encore moins continentale ne se sont en effet spontanément exprimées quand le Mali dans sa partie septentrionale a été sous la coupe réglée de forces terroristes obscurantistes qui ont détruit des mausolées, coupé des mains, exécuté des innocents, instauré un ordre diabolique qui interdisait aux jeunes de fumer la cigarette, d’écouter la musique , de jouer au football. Aucune solidarité nationale encore moins continentale ne se sont spontanément exprimées lorsqu’on a interdit aux jeunes filles d’offrir leurs visages à la caresse du vent et de s’habiller comme elles le voulaient, l’Union africaine, la Cedeao ayant brillé par leurs carences.
Nulle solidarité nationale et ou continentale spontanée non plus, lorsqu’ au Kenya quelques illuminés armés de kalachnikov ont attaqué une grande surface commerciale et exécuté plusieurs clients. Ce qui s’est passé à Paris interpelle l’Afrique. On n’aura de cesse de le répéter au Kenya, au Cameroun, au Mali, l’Afrique aura déserté ses responsabilités, en se faisant remarquer par un silence et une inefficacité problématiques. Au Nigéria, désormais première puissance économique, le président Goodluck, « Badluck » lui irait mieux, a été au dessus de l’imaginable.
Alors que 200 jeunes filles étaient enlevées et le sont encore, que leurs mères abandonnées et esseulées par les pouvoirs publics bravaient la police pour pouvoir exprimer leurs détresses, il n’a rien trouvé de mieux que de marier en grande pompe sa fille et de se montrer plus préoccupé par une hypothétique réélection. D’ailleurs, faut -il rappeler, les premières indignations exprimées à travers le slogan » Ramenez nous nos filles », sont venues d’occident avant que quelques clameurs protestataires ne se fassent enfin entendre d’Afrique. Renversant! Mais il n’y a pas que les Etats, il y a aussi les sociétés civiles qui ont été aphones sinon à la remorque des indignations occidentales. Et voilà que, samedi dernier, dans la ville de Maiduguri, capitale de l’Etat de Borno, au moins 19 personnes ont péri, et 18 blessées, lorsqu’une bombe fixée sur une fillette d’une dizaine d’années a explosé dans un marché bondé. Ce n’est pas faire de l’auto flagellation que de poser un regard froid sur une certaine manière de faire prompte à dénoncer les autres , à se victimiser au nom d’une Afrique humiliée.
L’Afrique est humiliée parce qu’elle s’humilie elle-même. Il ne faut pas se voiler la face, si le monde était à Paris hier dimanche pour défendre la liberté, c’est parce que Paris s’était d’abord soulevée la première à travers des manifestations fortes et spontanées pour dénoncer toute cette horreur qui a souillé son sol.
S’il est étonnant voire choquant pour nombre d’Africains d’observer certains de nos présidents se mobiliser à Paris, c’est parce qu’ils montrent le peu de considérations qu’ils ont pour le continent. Respecter Paris et le monde, c’est se respecter soi même. Et cela passe par une solidarité nationale et continentale agissante et vibrante autour de nos valeurs et de nos convictions, en direction de tous les pays qui subissent la folie meurtrière du terrorisme comme c’est le cas au Nigeria, au Niger, au Cameroun, au Kenya, etc.
L’Afrique ne pourra pas se sortir de l’impasse politique, économique, sociale, culturelle dans laquelle elle patauge si elle n’a pas conscience que c’est par un regard sans concession posé sur elle, sur ses forces et faiblesses, qu’elle pourra construire son destin. En somme, il n’y a aucun complexe à nourrir vis-à-vis de l’occident car les premières victimes des terroristes ce sont les Musulmans eux-mêmes. Ce sont eux qui meurent au Pakistan où plus d’une centaines d’élèves ont été massacrés, en Afghanistan, en Syrie… et partout ailleurs en Afrique.
Vieux Savane
sudonline.sn