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L’Afrique pourra-t-elle inventer son modèle de développement? (par Dr. Abdourahmane SARR)

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Les autorités du pays, sur avis de ferme opposition de la BCEAO, viennent d’interdire la mise en œuvre de notre projet de monnaie nationale complémentaire au FCFA (www.sofadel.com), un moyen d’échange destiné aux populations non bancarisées et à nos villes. Ce projet du Mouvement pour la Renaissance la Liberté et le Développement (MRLD Moom Sa Bopp, Mënël Sa Bopp) a fait la synthèse d’expériences internationales, et devait permettre l’inclusion financière des populations et aider à la mise en place d’un fonds d’investissement et de garantie sous leur contrôle démocratique. Avec l’appui des maires de grandes villes ciblées (Dakar, Saint-Louis, Ziguinchor, Kaolack, et Thiès), le projet avait l’ambition d’être le trait d’union entre les besoins des populations à la base et leurs capacités de production sous-utilisées. Ceci, dans un contexte où le FCFA ou toute autre monnaie sous régionale future leur est ou leur sera difficile d’accès pour faire le lien et la réalité des difficultés de financement des collectivités locales. Dans le cadre d’une charte de gouvernance démocratique que nous avons mise à la disposition des autorités, les populations allaient participer à la gestion de leurs économies locales par la maîtrise de leurs circuits financiers locaux et compléter le système financier classique auquel elles n’ont pas accès.

Le projet, d’une dimension nationale, cadre avec les lois et règlements de l’UEMOA, est bien adapté à notre contexte, et est compatible avec les principes internationalement reconnus de l’économie sociale et solidaire. Malheureusement, la BCEAO a considéré que les expériences internationales ne justifient pas notre projet à cause de notre contexte sociologique, celui des lois et règlements de l’UEMOA, et de l’analphabétisme de nos populations. Nous ne partageons pas cet avis et considérons qu’en face des avantages certains de notre projet, les sénégalais pouvaient innover, contextualiser les expériences internationales, et maîtriser les risques.

Nous du MRLD, réitérons que la grande priorité du Sénégal demeure la nécessité de faire en sorte que les populations se prennent en charge elles-mêmes là où elles vivent en développant leurs économies locales par la maîtrise du fait monétaire dans un état décentralisé. Pour que cette décentralisation soit porteuse de développement, elle devra s’accompagner d’une nouvelle vision des politiques publiques adossées aux valeurs d’autonomie et de responsabilité à la base. Vivre ces valeurs à la base sera difficile tant que les économies locales seront stagnantes et que les capacités de production existantes ne permettront pas de satisfaire (directement ou indirectement) les besoins des populations.

Entre des capacités existantes et des besoins il faut de l’argent et le FCFA et le système financier classique n’arrivent pas à faire ce lien pour 90% de la population sénégalaise qui n’est pas bancarisée. Cette population est devenue la cible des compagnies de téléphonie mobile usant de leur position privilégiée de détentrices de licences de téléphonie pour leur offrir des incitatifs que d’autres prétendants à cette manne financière, comme les banques, ne peuvent offrir. Les banques quant-à-elles, par le bais de la tutelle du système financier classique, sont assurées que la contrepartie de la monnaie électronique émise sera déposée chez-elles puisqu’elles sont détentrices du monopole de réception des dépôts du public. Cette stratégie de bancarisation par le système financier classique prendra du temps. Les populations quant-à-elles, par le biais d’un moyen d’échange, une monnaie nationale complémentaire, sous forme de bons d’achat ou de titres de valeur électronique qu’elles achèteraient d’une société qui les représente, auraient pu être maitresses de leur épargne. Elles auraient pu orienter cette épargne vers le financement de leur développement en partenariat avec les acteurs susnommés ainsi que dans le cadre de leurs responsabilités sociétales. Les conditions de réussite de cette troisième alternative sont la libre solidarité et la responsabilité collective définies dans la charte de gouvernance du projet. L’état aurait pu les aider à réaliser leur inclusion financière.

Des sociétés étrangères ont déjà saisi cette opportunité que nous avons identifiée depuis des années. Elles vont capturer une bonne partie de la grande manne des transferts des sénégalais de l’extérieur qui sont principalement envoyés aux populations non bancarisées pour être retirés en cash et/ou échangés contre des biens et services de consommation courante. Usant de leur présence massive dans plusieurs secteurs complémentaires, ces sociétés livreront une concurrence déloyale aux entreprises sénégalaises dont la coordination sera difficile sans un mécanisme comme celui que nous avons proposé ou l’état.

Les populations africaines doivent prendre leur destin en main et se donner les moyens de leur développement dans l’autonomie et la responsabilité individuelle et collective. Elles doivent amener leurs états à leur reconnaitre ce droit. C’est de cette alternance idéologique dont notre pays a besoin. Pour nous, il s’agit du libéralisme classique porteur de liberté et de responsabilité dans la libre solidarité et la démocratie économique. Nous avons pris l’engagement de contribuer à cette alternance idéologique en faisant adopter une charte de gouvernance démocratique d’une monnaie nationale complémentaire par nos institutions.

Dr. Abdourahmane SARR
Président du MRLD, Moom Sa Bopp/Mënël Sa Bopp

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