C’était à la fois le 31 octobre de tous les espoirs et de tous les dangers pour la Côte d’Ivoire. Pour l’heure, c’est l’étendard de l’espoir qui flotte joyeusement dans le ciel de cette Eburnie (surnom donné à la Côte d’Ivoire), qui attend, mi-sereine, mi-inquiète, les résultats de l’historique élection présidentielle de sortie de crise…
Incontestablement, les Ivoiriens ont remporté, dimanche dernier, une grande et belle victoire sur la fatalité. Sortis massivement pour choisir celui qui, des quatorze candidats en lice, présidera aux destinées de leur pays, ils ont administré la preuve que le doute pouvait être levé. Et d’éloquente manière ! Sans violences, sans incidents graves, dans la paix et la sérénité. C’est sûr, le dimanche 31 octobre 2010, les Ivoiriens ont réussi un double pari historique. Tenir effectivement l’élection présidentielle ajournée à six reprises depuis cinq ans et dans laquelle on ne croyait plus vraiment, d’une part, et montrer aux yeux du monde qu’ils sont capables de dépassement de soi, d’autre part. Il y a donc là un repère à fixer pour l’avenir, dans la longue marche vers plus de culture démocratique dans nos pays.
Cependant, en applaudissant les Ivoiriens et la Côte d’Ivoire pour ce qui vient d’être accompli, il y a tout de même lieu de rester vigilants et de faire en sorte que, maintenant, les vieux démons n’investissent pas à nouveau le forum. Car, en effet, au-delà de l’acte de voter -et de voter dans le calme et la sérénité- c’est surtout lorsque survient les résultats de la consultation que, bien souvent, les uns ne sont plus d’accord avec les autres. Sur rien. Les sourires de circonstance disparaissent, le « jusqu’auboutisme » reprend, parfois, ses droits, et affleurent de toutes parts, à tort ou à raison, des mouvements suscités et/ou spontanés pour tout remettre en cause. La gestion du conflit électoral et de la délicate période postélectorale est une phase cruciale de tout processus électoral et il faut d’ores et déjà espérer que dans le cas d’espèce, la Côte d’Ivoire saura à nouveau émerveiller le monde par son sens de la mesure et sa posture, définitive, de nation de paix.
On se souvient, en effet, comme si c’était hier, d’octobre 2000, où c’est la rue qui a réglé le « hold-up » opéré alors par Feu le Général Robert Guéï sur les résultats de l’élection présidentielle. Depuis lors, « l’Eléphant d’Afrique » patauge dans une mare sociopolitique calamiteuse, de laquelle elle fait le pari de sortir définitivement, par les urnes. Cette élection présidentielle vient donc à point nommé pour solder tous les comptes du passé, pour laver le linge sale de la guerre et de la division dans les urnes de la paix et du développement. Il faudrait que les ténors de la classe politique ivoirienne continuent de s’en convaincre, sans s’octroyer à l’avance, la carte qui devrait être la leur sur le nouvel échiquier national. Chacun doit donc s’amender et cultiver cette humilité que doit inspirer le verdict des urnes, pour épargner à la Côte d’Ivoire, un nouveau piège sans fin.
Du reste, les leçons togolaise et kényane, où les stigmates des violences postélectorales restent présents dans les corps, dans les esprits et dans les cœurs sont assez suggestives de cet autre drame qui mine les processus électoraux africains. Aussi, au moment où l’on semble s’acheminer vers un inévitable et redoutable second tour pour cette présidentielle que d’aucuns voyaient pliée en un tour de main, chacun doit-il savoir raison garder et mettre la Côte d’Ivoire au-dessus de tout. Gageons qu’après avoir subi les affres de la guerre et souffert le martyr dans leurs chairs, les Ivoiriens, toutes catégories et toutes tendances confondues, inaugureront, ici et maintenant, une ère véritablement nouvelle, de paix et de quiétude, pour ce pays d’Afrique de l’Ouest, et pour le continent tout entier…
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