Que le pouvoir nous a changé Wade ! Qu’il nous l’a vraiment fait paraître sous une version caricaturale, souvent théâtrale, mais parfois dramatique, d’un homme qui sublime aujourd’hui tout ce qu’il avait brûlé hier ! Qui ne se souvient pas des saillies verbales décapantes, des paroles corrosives de l’opposant, en campagne électorale, parcourant les contrées du Sénégal pour demander aux populations si elles n’avaient pas accueilli ou vu passer «Monsieur Forage» (Abdou Diouf) et «Madame Moulin» (Elisabeth Diouf) ?
Aujourd’hui, c’est ce même Wade au rêve accompli de président de la République, candidat problématiquement déclaré à sa succession, qui refait son parcours d’antan, pour inaugurer aujourd’hui des forages, entre autres petits ouvrages qu’un simple chef de direction d’un ministère pouvait étrenner. A Fimela, son sobriquet raillant Abdou Diouf, il l’a affecté maintenant à son ministre Oumar Sarr, alors même que c’est lui qui se trouve dans les habits de «l’inaugurateur de forages». Il ne pouvait quand même pas nous dire qu’il est devenu le Monsieur Forage. Nos rates en seraient dilatées de rires.
Elisabeth Diouf n’aura pas, elle, la chance de rire de cette dérision de l’histoire, comme le Président Diouf. Viviane Wade, tout occupée à se faire une santé «spirulinée» sur les maladies des indigentes femmes sénégalaises, ne peut pas hériter du titre de «Madame Moulin» que son époux d’opposant avait donné à celle qui l’a précédée au Palais infecté de cafards. Mais, comme en famille rien ne se perd, tout se redistribue, c’est au fils Karim que revient le titre prestigieusement moqueur de «Monsieur Forage». La preuve par le moulin qu’il a offert au réseau des femmes de l’Association pour le développement de l’arrondissement de Fimela dans la région de Fatick.
Avec les Wade par rapport aux Diouf, tout change pour que rien ne change ou bien tout change pour que tout change en pire. Me Wade est devenu le Monsieur Forage qu’il aimait railler publiquement et sans retenue. Mme Wade trouve maintenant bien du plaisir à se faire appeler Mme la Première Dame, une appellation qu’elle disait particulièrement détester. Reste Karim, dans un registre inclassable, puisque, sur ce plan-là, aucun Diouf-fils n’a nourri, même l’ambition secrète de succéder à son papa de Président. C’est peut-être pourquoi il s’est retrouvé à faire du «Monsieur Moulin» à la place de «Madame Moulin».
Dans quelques jours, on sera en pleine campagne électorale, et alors chacun reconnaîtra son Monsieur Forage, son Monsieur Moulin et sa Madame… Spiruline.
Soro DIOP, lequotidien.sn
