Dans un conte populaire, lorsque le lion, l’hyène et le lièvre sont allés mendier, on leur a offert un taureau, un bélier et un bouc. De retour chez eux, le roi lion ordonna à l’hyène de procéder au partage. Cette dernière, pour ne pas être lésée dit au roi. « Oncle lion, ce partage s’impose de lui-même. Vous êtes le roi, c’est à vous de prendre le taureau, moi je suis votre adjoint, je prends le bélier et le lièvre qui est notre petit prend le bouc » Non content de ce partage, le lion bondit et d’un coup de pâte, écrasa l’hyène sous le regard tremblant du lièvre. Il se tourne alors vers celui – ci et lui demanda de procéder au partage. Leuk, le lièvre se lève, jette un petit coup d’œil sur le cadavre de l’hyène qui gisait sous leur pied et dit : Oncle roi lion, je pense que ce partage s’impose de lui-même. Vous, vous êtes le roi, vous devez prendre le taureau pour votre déjeuner, le soir vous allez diner avec le bélier et au réveil, en guise de petit déjeuner, vous prenez le bouc. Séduit, le lion lui demanda : Mais, monsieur, le lièvre où est ce que tu as appris ce beau partage ? Et le lièvre dit : Je l’ai appris de mon grand frère l’hyène.
Président, ce conte pourrait être suffisamment édifiant par rapport à ce qui se passe dans le pays. En effet, par les temps qui courent, il y’a trop de sujets à délectation que vous offrez à vos détracteurs. Or, votre parcours, votre lucidité, votre connaissance du Sénégal et du sénégalais et la fraiche jurisprudence Karim Wade auraient du vous donner quelques lueurs vous empêchant de prendre ou de cautionner certaines décisions et pratiques. En effet, ce n’est pas la première fois que des proches de grands responsables soient nommés à des postes de responsabilité. Maguette Diouf a été ministre de son frère Abdou Diouf comme Andrien Senghor l’a été pour le premier président du Sénégal des indépendances. Cela a été considéré comme un fait ordinaire.
C’est sous l’ère Wade que ce droit et cette confiance reconnus et accordés à nos dirigeants ont été vivement secoués. Quelles en étaient les raisons ? On a prêté au président Wade, à tord ou à raison, des intentions formelles de dévolution monarchique du pouvoir. Le contexte politique ayant profondément changé entre la période de Senghor/Diouf et celle de Wade, des politiciens, pour des raisons d’intérêt personnels, ont attisé le feu, ameuté le peuple qui se croyait abusé. Le régime de Wade s’écroula sous les pieds d’un peuple en furie, certains diront qu’il aura été victime d’une large conspiration. Le peuple reprit alors son dû qu’il déposa glorieusement dans vos mains. Vous n’étiez peut être pas le plus compétent. Mais vous aviez réussi à être celui qui a le plus rempli d’espoir le cœur de vos compatriotes. Alors, ne videz pas cet espoir, excellence.
A votre arrivée, la bourse des espoirs bondit et atteint un niveau jamais égalé dans l’histoire de notre pays. Certaines pratiques, en raison de ce que je viens de dire, pensait – on, à juste titre, allait être à jamais révolues. Tirée par votre patriotique slogan « la patrie avant le parti », le peuple est séduit et vogue dans un rêve longtemps caressé. Mais, hélas, pour certains, ce rêve ne tiendra pas longtemps et commencera à s’effriter dès que votre frère accèdera, même si c’est par la voie du suffrage, à la tête du conseil municipal de Guédiawaye, ville dont beaucoup disent qu’il n’est pas originaire. Et comme si l’histoire nous imposait un éternel recommencement, Ablaye Baldé est emporté par l’euphorie des premiers jours de l’état de grâce. Parmi tous les maires que comptent l’APR et ses coalisés, Alione Sall apparaît comme le plus compétent, le plus lucide, le plus apte à diriger l’AMS, comme le fût un certain Karim WADE. Cette ascension fulgurante donne du frisson au férus de « la patrie avant le parti » et ceux qui, nombreux, à vos côtés, combattaient le népotisme.
Voilà que, comme si tout cela ne suffisait pas, Aliou Sall, votre frère, dont les épaules commencent à s’alourdir de « grades » après avoir été éclaboussé par la clameur soulevée par le pétrole, est bombardé puissant directeur de la caisse de dépôt et consignation dont ont dit qu’elle est un gouffre à milliards. Et là, Président, vous semblez avoir abattu les cartes au moment où une partie du peuple, à tord ou a raison, n’a pas encore fini de ruminer sa colère occasionnée par votre renoncement suite à votre promesse en rapport avec la réduction de votre mandat, comme un certain Wade avec le fameux « maa waxoon waxeet » qui finira par l’emporter. Tout cela, en peu de temps, commence à faire trop pour un peuple qui avait placé en vous tous ses espoirs mais qui sait se faire respecter au moment opportun. Combien de sénégalais, dans la grande cour des alliés et au-delà et qui sont aussi compétents qu’Aliou Sall ou plus pouvaient être choisis ? Qu’est ce qui se cache derrière ce choix ? Comme avec Wade, les supputations s’amplifieront jusqu’au jour du scrutin. Pourtant, vous pouviez bien vous passer de ces situations inutiles.
Comme dans notre conte, il aurait suffi de tirer les fraiches, récentes et bruyantes leçons de l’ère Wade pour s’éviter toutes ces critiques, suspicions, jugements, menaces et défis. Si vous aviez tiré les enseignements de cette tumultueuse fin de gouvernance de Wade, vous n’alliez même pas faire de campagne lors de la prochaine présidentielle si chargée d’incertitudes. Si vous aviez choisi comme allié le seul peuple, ce dernier allait être votre directeur de campagne et se chargerait de vous installer, de la plus belle des manières, au sommet de la présidence, en vous remettant sur un plateau d’argent ce deuxième mandat qui oscille et dont la quête pourrait être laborieuse. Hélas, il paraît qu’en Afrique, nous ne savons pas tirer les leçons des enseignements des événements récents. On préfère laisser l’histoire passer et repasser. Vous vous êtes lancé un défi tout seul, alors, relevez-le.
Falilou Cissé, conseiller en développement communautaire.
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