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Le maslaa, une manière bien sénégalaise de noyer le poisson (Par BOSSE NDOYE?).

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Appliqué à bon escient dans une société de plus en plus judiciarisée, le principe véhiculé par l’adage : « Un bon arrangement vaut mieux qu’un bon procès, » ne peut qu’y être bénéfique. Car en plus d’aider à désengorger les tribunaux – surtout quand ils y sont en nombre insuffisant -, il permet d’y maintenir une certaine paix et une cohésion sociale. D’autant que les procès créent souvent des dissensions entre les parties en conflit s’ils ne suscitent pas tout bonnement entre elles de la haine sinon de l’animosité.

Mais au Sénégal ce principe est drapé dans les habits du  maslaa, qui n’est souvent rien d’autre qu’une manière subtile et non moins hypocrite d’étouffer certains problèmes plutôt que de la  tentative de leur trouver des solutions encore moins  celle de prévenir leur répétition ou survenue.

Pourtant l’idée du Maslaa est très noble. Défini par le Dr. Massamba Guéye comme étant « une attitude positive de bienséance qui permet à la personne de pouvoir négocier tous les conflits, toutes les situations pour que, socialement, il y ait une vérité qui éclate[1] », il  a été malheureusement vidé de sa substance et dévoyé de sa trajectoire dans le pays tant sa pratique est entachée de compromission et sournoiserie.

Ainsi, quand survient par exemple un viol dans une famille, l’incident est rapidement étouffé par maslaa afin d’éviter qu’il ne s’ébruite. Bien qu’il soit compréhensible que les gens veuillent laver leur linge sale en famille,  dans certaines situations pardonner et oublier sont souvent synonymes d’encouragement. Car si l’auteur des faits est un pervers malade, il demeurera toujours tel un loup dans une bergerie. Dès lors les risques de récidive deviennent élevés tant dans la famille qu’ailleurs.

Quand un politicien ayant détourné l’argent du contribuable est emprisonné, certains parmi ceux qui réclamaient haut et fort justice et impunité dans le pays entreprennent par maslaa des démarches pour le libérer ou pour qu’il ne purge pas totalement sa peine, dussent-ils aller voir  les autorités morales et religieuses, le président de la République pour demander leur intercession. Ils avancent souvent comme arguments : Senegaal kenn manu ko xar ñaar, dëkk bi ñëpp ay mbokk la ñu, nit dafay baale, sa waay mu ngi bëgg yàgg si kaso bi…. Autant dire qu’ils se cachent sous le manteau du  maslaa pour demander tout  le contraire de ceux qu’ils exigeaient. Cette contradiction bien sénégalaise est dénoncée par Malick Fall dans La plaie : «  Mais qu’est-ce que la prison dans le pays où la pitié absout tous les détenus. Voyez un voleur pris la main dans le sac. C’est une ruée générale, des quolibets (…) des coups de poing, des jets de cailloux. Sans l’intervention de la police, le malhonnête serait proprement étrillé. Mais qu’au commissariat, le voleur soit gardé, voici la foule s’apitoyant sur le sort du malheureux. On intercède (…) On le délivrerait les armes à la main. Insondable et cher peuple[2]. »

Concernant  l’affaire  Waly Seck et iman Kanté, pour  louable que soit  le retrait  de la plainte par la famille du leader du Raam Dan, à la suite du  maslaa entrepris par quelques imam- sans qu’il le leur fût demandé par le principal concerné -, il ne demeure pas moins que certaines interrogations ont lieu d’être posées. D’autant plus que  Waly Seck n’en est pas à son coup d’essai. Les affaires entre autres du sac de femme, du sous-vêtement perforé – et récemment celle du T-Shirt LGBT et les excuses qui s’en sont suivies sont si fraîches dans les mémoires que pour nombre de Sénégalais le chanteur agit  soit  par « je m’en foutisme » soit d’après une stratégie bien étudiée pour dérouler sournoisement quelque plan en feignant l’ignorance ou la naïveté.

Pour ce qui est de l’iman Kanté, bien qu’on puisse ne pas être  totalement d’accord sur le fond de son discours  ayant entraîné la plainte de Waly, ses interrogations demeurent légitimes. Ils le sont d’autant que  « Notre société actuelle est ébranlée dans ses assises les plus profondes, tiraillée entre l´attrait des vices importés et la résistance farouche des vertus anciennes[3]comme le soulignait Mariama Bâ dans Une si longue lettre il y a plus de 3 décennies. De plus, sans mentionner l’auteur qu’il est, en tant qu’imam devant tout au moins traiter des maux qui assaillent notre société lors de son khoutba hebdomadaire, il ne pas se taire sur ce qu’il juge « condamnable » dans le pays. La tentative de le censurer est impensable. Par conséquent il est dans son rôle de jeter un coup attentif et critique sur ce qui se passe autour de lui. L’a-t-il bien fait?  Chacun peut avoir sa réponse à cette question.

Qui plus, il suffit d’être un tantinet observateur  pour voir que le tissu des valeurs est en train de s’effilocher dans le pays et que des forces bien organisées agissent en sourdine pour  que certaines pratiques généralement condamnées par nos différentes cultures et différentes religions soient acceptées, voire légalisées dans le pays. L’affaire Oxfam n’est que la partie visible de l’iceberg de leurs plans.

. En définitive, il serait utile de rappeler cette pensée d’Edmund Burke : « Pour triompher, le mal n’a besoin que l’inaction des gens de bien. » Dès lors l’on devrait pouvoir débattre de tout si l’objectif  est de chercher des solutions et de faire avancer le pays. La censure des « objecteurs de conscience » serait du pain bénit pour les forces obscures tapies dans l’ombre qui n’attendent que le moment propice pour agir. Et Tourner le dos à un problème n’est pas la meilleure façon de lui faire face. Or tel que pratiqué dans le pays, le maslaa est souvent une fuite en avant. Celui des imams a été  une bonne chose dans la mesure où la plainte de Waly a été retirée. Pour autant il a peut-être empêché que le débat de fond  sur l’homosexualité et d’autres questions qui agitent doucement mais sûrement la société soient posés.

BOSSE NDOYE

Montréal

[email protected]


[1] https://www.piccmi.com/Ces-mots-et-expressions-qui-font-le-Senegal-MASLA-Une-attitude-positive-aujourd-hui-galvaudee_a2091.html

[2] Malick Fall, La plaie p.102-103

[3] Une si longue Lettre, p.106

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