Dans une indifférence synchronisée et générale, le Pacte de Marrakech sur les migrations était en discussions. Un texte pour des « migrations sûres, ordonnées et régulières » qui a été approuvé le lundi 10 décembre 2022 au Maroc. Ce texte devrait encore être ratifié le mercredi 19 décembre lors de l’Assemblée générale des Nations unies. Je n’avais vu aucune réaction africaine à propos du pacte de Marrakech sur les migrations. Ni même depuis le debut de la discussion à New York.
Silence radio en Afrique pourtant particulièrement concernée par cette sensible question. Pourtant ce document de 41 pages soulève de réelles controverses en Europe y compris en France. En Europe les nationalistes et libéraux s’insurgent contre ce pacte. Même certains milieux nationalistes nous reviennent avec leur bonne vieille et fausse théorie sur l’invasion organisée de l’Europe, etc.
Et si les africains demandaient la régulation de l’invasion de l’Afrique ? Ce pacte méritait plus de discussions en Afrique. Il pose aussi le problème de la cristallisation du débat sur les migrations. Il y aurait seulement 3% de la population qui a migré que, par conséquent, 97% vivent dans le pays dans lequel ils sont nés.
Quels sont les impacts économiques des migrations dans les deux sens ? Pourquoi l’Afrique accepte toujours le siège du “pestiféré” ? Aujourd’hui je vois des pays européens se retirer de ce fameux pacte. Autriche, Australie, Chili, République tchèque, République dominicaine, Hongrie, Lettonie, Pologne et Slovaquie.
On peut et doit changer ce narratif. L’Afrique est le continent envahi. Pas le contraire. Nos structures de recherche devraient aider à mieux saisir ces nouvelles tendances pour changer de paradigmes et ces faux narratifs.
Nos mouvements sociaux et politiques aussi. Nos” nationalistes” panafricanistes, cheikh antaistes, etc. Pourquoi devons-nous laisser les gens nous tailler des pactes même “éthiques” pour nous sauver aujourd’hui en 2023 ? L’extrême droite en Europe affirme que c’est pour organiser le remplacement des travailleurs européens par les migrants (sic). Dans le texte on parle de rendre les périples migratoires moins dangereux, « sauver des vies » par une action internationale coordonnée, lutter contre les passeurs et la traite des personnes.
Cette déresponsabilisation et infantilisation des africains incapables de retenir leurs enfants. Nos opinions publiques se taisent. En 2020, Antonio Guterres, a exhorté à ne « pas succomber à la peur ou aux faux narratifs » sur la migration. Même s’il n’y croit un mot, ce bureaucrate onusien a raison. Durant cette réunion, 160 des 193 pays représentés à l’ONU étaient annoncés à Marrakech. Et aucune réaction chez nous, en Afrique. Même pour porter la contradiction aux extrémistes du nord. Pourtant, ce Pacte était en négociation pendant plusieurs mois.
Avons-nous honte de prendre notre part des 80.000 migrants qui sont décédés ces dernières années ? Pourtant tout le monde voit les pressions des européens sur les pays de départ et de transit. On voit les “murs” qu’ils tentent d’ériger maintenant à la source. Le sahel et le Maghreb sont devenus le laboratoire de l’intervention européenne dans la lutte contre les migrations.
On voit la complexification de l’obtention de visas dans l’espace Schengen. Le découragement par des moyens économiques (hausse des frais d’inscriptions dans les universités, etc.). Pourtant la question des français installés en Afrique est presque un sujet tabou. Car on risque d’être traité de xénophobe. Quid de l’apport des migrants en Europe. On est si tolérant voire si complexé qu’on ose aborder ces questions. Je ne suis pas à l’aise avec ces cadres conçus pour protéger l’Afrique contre elle même. Et le silence de nos élites.
Voila la prouesse de passer à coté de la plaque sur les questions essentielles. Et notre intelligence collective épouse les contours d’une feuille morte emportée par la “une” des médias et des “bruits entretenus”. Qui manipule qui ? Si on troque nos priorités contre celles des autres, on passsera notre temps à regarder les autres se battre dans leurs contextes et selon leurs priorités. Il n’existe pas de formes anti-politiques de lutte.
Ndukur