«Toute candidature, pour être recevable, doit être présentée par un parti politique ou une coalition de partis légalement constitués». Telles sont en substance les dispositions constitutionnelles (art. 28) régissant la recevabilité des candidatures à la présidentielle, et que le projet de révision constitutionnelle, adopté le 19 mars dernier en Conseil des ministres, voudrait chambouler en requérant désormais de tout candidat à la magistrature suprême un parrainage d’au moins 1% des électeurs inscrits sur le fichier électoral, répartis dans au moins sept régions, à raison de 2000 signatures minimum par localité. Soit 65 mille parrains exigés à chaque candidat, eu égard au volume actuel du fichier électoral, qui vient de franchir le cap des six millions et demi d’inscrits.
Il est évident que les présentes appréhensions de l’opposition tiennent moins au périple auquel se livreront volontiers leurs états-majors respectifs, pour les collectes de signatures, qu’aux problématiques critères de «conformité» sur lesquels ils n’ont absolument aucune prise et contre lesquels buteront certainement des candidats, à l’étape décisive de validation des signatures. L’histoire électorale récente prouve à suffisance qu’il est aisé d’invalider le dossier d’un candidat, eût-il fait preuve de la plus grande prévoyance, en déposant plus de signatures que le requière la loi. Un leader de l’opposition rappelait récemment la mésaventure, lors de la Présidentielle de 2012, d’un candidat indépendant. En déposant 12.936 signatures, alors qu’on lui en demandait dix mille, il croyait ainsi s’être suffisamment prémuni de ces impondérables. Mais il était loin d’imaginer que ceux qui avaient la charge de passer au crible «les bons grains de l’ivraie» n’entérineront finalement que 8.936 signatures, consacrant ainsi l’invalidation pure et simple de sa candidature. Le même sort devait être réservé à deux autres candidats indépendants. Et les électeurs ont encore frais en mémoire le malaise qui s’était alors emparé de la classe politique et du préjudice moral essuyé à cette occasion par notre démocratie.
Pour la Présidentielle de 2019, l’inquiétude des acteurs de l’opposition est d’autant plus légitime que le système de parrainage est étendu cette fois-ci à tous les candidats sans exclusive, avec tout ce qu’il comporte de risques d’invalidations indirectes, suite à d’inévitables parrainages multiples, à l’actif de probables électeurs analphabètes ou sous-informés, qui auront allègrement accordé leurs signatures à deux, trois ou quatre candidats, sous le prétexte, bien sénégalais, de ne vouloir vexer personne !
La concertation entre les plénipotentiaires de partis et de coalition, au ministère de l’Intérieur, ayant accouché d’une mésentente, la question a été soumise à l’arbitrage du chef de l’Etat. Lequel, en sa double qualité de candidat, ne saurait, de toute évidence, trancher en sa défaveur. Et le président Sall semble se trouver aujourd’hui dans le même labyrinthe électoral, où divaguait le président Abdou Diouf, au lendemain des contestations post-électorales de 1988. Mais, dans un esprit d’ouverture et de dépassement, le président Diouf décida, par décret, de la mise en place d’une «Commission cellulaire», composée d’experts de la Société civile, chargés d’organiser des concertations entre les partis politiques, en vue de la rédaction d’un code électoral qui emporterait l’adhésion de tous. Sous les auspices du juge constitutionnel Kéba Mbaye, ce code électoral, qui sera adopté par l’Assemblée nationale les 7 et 15 février 1992, réussit la prouesse de réconcilier tout le monde, au point de lui valoir, deux décennies durant, le qualificatif de «Code consensuel». D’autant que le président Diouf avait, dès l’entame des travaux, mis à l’aise tous les acteurs, en leur disant, avant qu’ils n’entrent en conclave: «Rassurez-vous, je n’y changerai pas une virgule». Une première dans l’histoire électorale du Sénégal. Ainsi, devons-nous à ce code l’obligation désormais faite à l’électeur de présenter sa carte nationale d’identité parallèlement à sa carte d’électeur, le passage obligatoire à l’isoloir, etc. Pour ne citer que ces importants acquis démocratiques qui, incontestablement, auront contribué à fiabiliser tous les scrutins successifs organisés sous son label, et d’avoir notamment jeté les bases juridiques et politiques des alternances démocratiques des 19 mars 2000 et 25 mars 2012.
Compte tenu de l’actuel climat politique, délétère, lourd d’incertitudes, en raison des menaces et invectives auxquelles les Sénégalais, médusés, assistent, par médias interposés, entre le ministre de l’Intérieur et l’opposition, laquelle a juré d’empêcher par tous les moyens le vote de cette loi par l’Assemblée nationale, le RDS invite le président Macky Sall à sursoir au dépôt de ce projet de réforme constitutionnelle sur le parrainage électoral, et de favoriser, préalablement à tout dépôt, et avec les bons offices de la Société civile, un large consensus entre les acteurs, qui parviendront certainement à adopter un modus operandi, profitable à tous. Afin que nous puissions aller à des élections démocratiques et transparentes, respectant scrupuleusement la volonté populaire, et garantissant surtout la sauvegarde de la stabilité sociale et de la paix civile.
Le 29 mars 2018
Pour le Bureau politique du RDS
Le Secrétaire général
Mame Mactar Guéye
LE PARRAINAGE DE LA DISCORDE: Le RDS invite le chef de l’Etat à sursoir au dépôt de cette loi et de favoriser un large consensus
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