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Le Prophète Muhammad (SAWS) : « Gamou » contre caricatures !

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De nos jours, plus que jamais, il est absolument nécessaire de bien repenser la notion de liberté. Nous allons trop loin en la définissant comme la capacité de faire et de dire ce que l’on veut, comme et quand on le veut, sans restriction ni entrave. Une telle définition ne fait que rendre impossible la liberté, dans la mesure où si chaque individu peut faire ce qu’il veut sans limitation aucune, il va nécessairement rencontrer la volonté d’autrui qui pourrait faire de lui ce qu’il veut selon ce même principe de la liberté absolue. Une telle société serait juste invivable et se désagrègerait parce que chaotique et désorganisée. 

Pour vivre en liberté, l’une des meilleures options consiste à considérer que la liberté de chaque individu s’arrête là où commence celle de l’autre. Cette option est même meilleure que celle de Montesquieu qui dit que « la liberté est le droit de faire tout ce que les lois permettent. » (L’Esprit des lois (1748)). Cette conception de la liberté est problématique pour au moins trois raisons : d’abord, il faut que ces lois soient justes et raisonnables ; ensuite, nous savons tous que dans une certaine mesure les lois sont loin d’être justes et parfaites ; et enfin, illustration de ce qui précède, parce qu’une loi peut permettre l’offense et la violence envers autrui. Par exemple, le droit au blasphème et aux caricatures des symboles de la foi des autres est légal pour certaines sociétés, pour la société française, par exemple. 

Dès lors, pour habiter le monde ensemble, en paix et en liberté, il faut cesser de considérer que notre liberté nous donne le droit d’offenser et de bafouer autrui en piétinant sa foi et les symboles de ses croyances. Nous posons le principe que chaque liberté est circonscrite dans un cadre, hors duquel elle n’est plus opératoire. Et les limites de ce cadre sont le respect mutuel, la tolérance et l’acceptation de la différence. 

Maintenant, si une partie de l’élite politique et du peuple français refuse de concevoir que la liberté de chaque individu s’arrête là où commence celle des autres, lequel refus les pousse, au nom de leur droit consacré par leurs lois, au blasphème et aux caricatures du Messager Muhammad (SAWS), que doivent être les réponses des musulmans ? Ces derniers doivent-ils laisser faire ceux qui bafouent l’image de la personne la plus importante à leurs yeux ou est-ce qu’il faut mobiliser des réactions à la hauteur des offenses ? 

Avant d’en arriver aux réponses à ces questions, un petit rappel historique ne serait pas de trop. Ce rappel nous servira d’ailleurs d’inspiration pour fournir, aujourd’hui, une réponse pertinente contre l’impertinence des caricaturistes.

En réalité, des caricatures du Prophète de l’islam, il y en a eu. Elles ont commencé au moment où il était désigné pour exécuter la charge qui consistait à implanter et à propager la religion musulmane, à partir de la Mecque. Des arabes, mecquois d’abord médinois ensuite, bien ancrés dans leurs traditions soit polythéistes ou juives ou chrétiennes, se sont levés contre le Prophète de la « nouvelle » religion monothéiste, pour composer des satires à son encontre. Ces satires étaient composées par des poètes. A l’époque, la poésie et les poètes étaient plus respectés que tout. Les poètes étaient célébrés, chantés et surtout écoutés. Leurs paroles étaient prises comme de la prophétie. Chaque tribu arabe avait son poète dont la mission était double : défendre l’honneur de sa tribu et garder la mémoire collective. 

Des Mecquois, même de la tribu de Muhammad (SAWS), celle des Qurayshites, furent les premiers à mener les offensives satiriques. Dans son ouvrage intitulé SIRA, Ibn Hisam rapporte quelques noms de poètes et leurs satires. Il y avait notamment le cousin du Prophète Ab? Sufy?n Ibn al-??ri? Ibn ‘Abd al-Mu??alib, ‘Abd All?h Ibn al-Zab‘ar? al-Sahm?, ?ir?r Ibn al-?a???b al-Fihr?. Parmi les poètes juifs à Médine il y a eu Ka‘b Ibn al-Ašraf. Mais à la Mecque, il y a eu surtout Umayya Ibn Ab? al-?alt qui était animé par une jalousie sans commune mesure envers Muhammad (SAWS). Il est important de s’arrêter un peu sur ce dernier. En fait, Umayya Ibn Ab? al-?alt était chrétien et arabe et savait pertinemment qu’un prophète serait descendu parmi les arabes, d’après ce que lui apprenaient ses sources scripturaires. Dans son for intérieur, il croyait que ce serait lui ce prophète arabe. Grande fût alors sa déception quand il s’est trouvé que c’était Muhammad (SAWS) l’heureux élu. Cette déception se transforme rapidement en jalousie puis en haine sans commune mesure envers le Messager d’Allah (SAWS). Il rejoint ainsi le rang des poètes versés dans le dénigrement par la satire de la toute jeune communauté musulmane. 

Ils ne pouvaient supporter cette jeune communauté musulmane grandissante. Il fallait donc s’attaquer à son Leader et à ses adeptes pour décrédibiliser l’islam et décourager ses aspirants. 

Toutes sortes de poésies satiriques étaient composées. Certaines étaient tellement si virulentes que le Prophète (SAWS) interdisait même leur transmission. C’est d’ailleurs cette interdiction qui nous empêche de citer quelques satires à notre propos. 

Que furent les réactions du Prophète (SAWS) face à ces satires ? 

Il ne pouvait pas lui-même s’adonner à la poésie parce que le Coran le présente comme n’étant pas un poète. Par exemple ce verset dit : « Nous ne lui (Muhammad (SAWS)) avons pas enseigné la poésie ; cela ne lui convient pas non plus. Ceci n’est qu’un rappel et une lecture (Coran) claire. » (Surat Y?SÎN, verset 69)

Du coup, pour contrer ces satires, Muhammad (SAWS) dit à ses compagnons : « n’y a-t-il aucun homme capable de leur répondre ? On lui dit : ?ass?n Ibn ??bit. Il dit alors à celui-ci : dénigre-les ! Car les satires ont plus d’effet sur eux que les flèches dans l’obscurité ; dénigre-les et demande conseil à Ab? Bakr pour les défauts qu’il convient de satiriser ! » (Voir al-?ahab?, Siyar a‘l?m al-nubal?’, t. 2, p. 368 et al-Nahšal?, al-Mumti‘ f? ‘ilm al-ši‘r wa ‘amalih, p. 43.). Cette dernière recommandation est importante parce que l’éthique musulmane ne permet pas certaines libertés. L’islam enseigne de ne pas raconter des mensonges sur autrui, de ne pas insulter, de ne pas salir les autres par les mots, etc. A partir de là, se forme un rang de poètes parmi les musulmans, et les plus en vue étaient Hass?n Ibn ??bit (RA), Ka’b Ibn Mâlick (RA), Ka’b Ibn Zuhayr (RA), entre autres. Ils ne se mettaient pas uniquement à dénigrer les mécréants qui caricaturaient le Prophète. Ils se mettaient également à chanter ce dernier, ce qu’il représentait pour l’humanité et la beauté de l’islam. Ce genre de poème louant les qualités d’une personne s’appelle MADÎH. Pour exemple, les poèmes de Hass?n Ibn Thabit (RA) étaient tellement agréables que le Prophète lui permettait de dire ses poèmes dans la mosquée. Ces vers-ci sont de lui : 

« Un glorieux Prophète nous est venu.

Là où il n’y avait pas d’espoir, où n’était pas venu de Prophète.

Sur terre, après les années où les idoles étaient adorées

Il est venu et il a été la lampe nous éclairant

Nous guidant vers la voie droite, brillant

Tout comme la brillance d’une épée éblouissant les yeux…

Il nous a prévenus face au feu.

Et, il nous a donné la bonne nouvelle du paradis, il nous a appris l’Islam

C’est pourquoi nous louons Allah. »

Dans un autre poème, il dit ceci au Prophète Muhammad (SAWS) : 

« Mes yeux n’ont jamais vu meilleur que toi,

Aucune mère n’a enfanté plus beau que toi,

Tu as été créé, purifié de tous vices et de tous défauts

Comme si tu as été créé comme tu le souhaitais. »

Par ailleurs, certaines sources disent que le Prophète, pendant l’étape médinoise de l’islam, recommandait des actions violentes envers les poètes qui faisaient sa satire et dénigraient l’islam. Certains étaient alors forcés à l’exil ou au silence ou mis à mort. Certains, comme Ka’b Ibn Zuhayr, se convertirent. Ce dernier, lors de sa conversion, composa une si belle ode pour le Prophète Muhammad (SAWS) qu’il lui offrit un manteau (une BOURDA). Quoiqu’il en soit, cette recommandation peut être compréhensible : il fallait implanter l’islam et le monothéisme qu’il incarnait et tout ce qui s’y opposait devait faire face à la détermination des musulmans à accomplir leur mission. De nos jours où l’islam compte près de 25% de la population mondiale, on est vraiment loin de ce besoin de violence. La donne a changé. Les premiers musulmans ont réussi leur mission consistant à solidifier et à propager la religion islamique dans le monde. 

Alors, que formuler comme réponse, aujourd’hui ?

Ce qu’il convient de faire, certains pays musulmans l’ont compris. Le Qatar et le Koweït ainsi que la Turquie mènent une guerre économique contre la France. Si celle-ci revendique la liberté et le droit de bafouer l’Icone de l’islam, les musulmans ont également la totale liberté de ne plus commercialiser les produits français. Ce qui peut être un coup très dur sur les activités commerciales françaises. Certains pays musulmans qui n’ont ni les moyens ni la force de boycotter les produits français, parce que trop dépendants de ces produits ou ayant peur d’éventuelles représailles de la part de la puissante France, se sont juste tus ou se sont limités à produire de petits communiqués pour fustiger timidement l’exagération de Charlie Hebdo. D’ailleurs, l’Organisation de la Conférence Islamique n’est pas allée plus loin qu’un communiqué. Nous disons que tout ceci est déjà bien. Si le tort est causé par quelqu’un, il faut le combattre si on peut. A défaut, il faut le fustiger.

Pour l’heure, nous voudrions attirer l’attention sur une réponse tout autre. Une réponse qui n’est pas étrangère à la tradition prophétique, selon le rappel historique que nous avons mentionné au-dessus. Cette réponse va coïncider avec ce que les soufis appellent vivification de la nuit de naissance du Prophète Muhammad (SAWS) et que l’on appelle communément au Sénégal GAMOU. A l’heure où l’image du Prophète Muhammad (SAWS) est visée par une presse malveillante de la si « puissante » France, la pratique du GAMOU reste l’une des réponses des plus efficaces. 

À l’occasion du Gamou, de très beaux AMDÂH (pluriel de MADÎH, poèmes de louange) sont partout récités pour chanter la beauté des valeurs que le Prophète Muhammad (SAWS) incarnait sa vie durant. Il y est également rappelé qui était véritablement ce Messager d’Allah (SAWS). Comme Hass?n Ibn Thabit (RA), Ka’b Ibn Mâlick (RA) ou Ka’b Ibn Zouhayr (RA) l’ont fait avec la bénédiction du Prophète pour contrer et répondre aux détracteurs de ce dernier ; aujourd’hui également, face aux caricaturistes français, il faut apporter la même réponse. Et pour cela, il n’est pas besoin de réinventer la roue. Mettons-nous seulement à lire la BOURDATOU MADÎH de Bûçayri (RTA), le DIAZBOUL KHULÛB, le MAWÂHIBU-N-NÂFI’, la MUQADDIMÂTUL AMDÂH, la MÎMÎYYA ou la RÂ-IYYA de Cheikh Ahmadou Bamba Khâdimu-r-Rasûl (RTA), le QILÂSU-Z-ZAHAB de Elhadji Mâlick Sy, entre autres panégyriques de haute facture rédigés par des Chouyoukh de la plus haute importance. C’est dire que les Chouyoukh soufis, en rédigeant leurs poèmes destinés au Prophète (SAWS), en toute époque, ont anticipé sur les réponses qu’il convient de servir aux pratiques caricaturales de notre époque. Ces poèmes, en plus de nous apprendre qui est le Prophète Muhammad (SAWS), nous apprennent également à l’aimer et surtout à lui ressembler. Et cet amour et cette imitation du Prophète sont, pour le musulman, une bonne réponse aux caricatures. 

Dans l’un de ses plus célèbres panégyriques, Cheikh Ahmadou Bamba (RTA) écrit ceci : 

« Il est un Prophète à la Dignité Incommensurable bien connue, c’est Lui l’Elu le Plus Pur 

(Al Muçtafâ), le Choisi le Meilleur (Al Mukhtâr) et c’est Lui en vérité le Désigné 

Sa Prophétie a existé avant la création ; avait donc une Primauté alors que l’Aïeul Adam était latent dans la boue 

Il est le Secourable, le Très-Glorieux, il est Celui qui fait parvenir (à DIEU) celui qui se  dirige vers Lui, Il est Eminent, Précellent, Munificent et Prédicateur  » (MUQADDIMÂTUL AMDÂH, la 2e Initiale NÛN)

Dans son KHILÂÇU-Z-ZAHAB, Elhadj Malick Sy (RTA) nous parle dans un langage agréable du Prophète (SAWS) qu’il assimile à la Lumière : 

« O Dieu ! La Lumière qu’Allah avait confiée au père du genre humain qui est pur de nature

Laquelle avait été, en premier lieu, confiée à Chîth, se transférant suivant des choix de plus en plus purs

Lorsque cette Lumière fut comble, elle éclipsa la lumière des soleils car elle allait poindre dans la tribu-mère des Arabes : celle de Fihr qui est la plus illustre

Hawâ n’a pas eu d’enfant non jumelé excepté Seth, en l’honneur de cette lumière qui ne pouvait souffrir de rival. » (Khilaassou Zahab, Ch. 1, La Lumière (référence à Muhammad (SAWS))

En filigrane des caricatures, il y a l’idée que les caricaturistes ne savent pas véritablement qui est le Prophète Muhammad (SAWS). Ils sont ignorants. Et le plus grave c’est qu’ils peuvent embarquer dans leur ignorance des gens innocents, d’où l’importance de toujours rappeler le vrai sens de Muhammad (SAWS), même si cela est une entreprise difficile.

En outre, faut-il lire ces QAÇÂ-ID (pluriel de QAÇÎDA, poème en arabe.) juste pendant un jour par année ? Bien sûr que non ! Il faut les lire tous les jours. Leur contenu ne fait que du bien aux âmes assoiffées de hassanât et de la récompense d’ALLAH (SWT). Leur contenu ne fait qu’appliquer une bonne part des recommandations du Coran (Prières sur le Prophète Muhammad (SAWS), Rappel et louanges du nom d’Allah (SWT), Repentir, entre autres bienfaits). Elles nous montrent et nous éclairent le chemin de la droiture et du salut.

C’est sur cette note annonciatrice du GAMOU que nous voudrions conclure notre propos. De nos jours, la violence ne règle pas grand-chose. Il faut fustiger. Il faut décrier. Mais il faut également chanter et louer la splendeur de l’Homme que nous avons. Il faut l’imiter et lui ressembler, pour que ne soit jamais oublié le contenu du message qu’il nous a livré. Lequel contenu n’est rien d’autre que l’ISLAM. Il ne faut pas rater le GAMOU. C’est notre meilleure tribune pour faire ce que Hass?n Ibn Th?bit (RA) et compagnie faisaient pour le Prophète, de son vivant et à son plus grand plaisir.

Djibril DIOUF 

Doctorant et Professeur de Philosophie.

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