La tournée africaine, entamée par Son Altesse Tamim Ben Hamad Al Thani, Emir du Qatar, en terre africaine a débuté par le Sénégal, première étape d’une tournée qui comprendra, outre le Sénégal : le Mali, le Burkina Faso, la Guinée, la Côte d’Ivoire, et le Ghana.
Précédé au Sénégal par son ministre des Affaires étrangères faisant office de vice-premier ministre,Mohammed Ben Abdou Rahmane Al Thani, l’Emir a foulé le tarmac de l’Aéroport militaire Léopold Sedar Senghor, le mercredi 20 décembre2017, à 17h30. Il fut accueilli, lui et l’imposante délégation qui l’accompagnait, par S.E. le Président Macky Sall, entouré de : Son Premier Ministre, M. Mouhammed Boune Abdallah Dionne, M. Moustapha Niasse, Président de l’Assemblée nationale, M. Ousmane Tanor Dieng, Président du H.C.C.T. et de plusieurs autres ministres et hautes personnalités civiles et militaires. En dehors, de cet aspect protocolaire et artificiel, la visite officielle de l’Emir au Sénégal révèle des bizarreries diplomatiques que l’on pourrait qualifier, à a limite, de scandaleuses.
Le 5 décembre dernier, une forte délégation qatarie est venue au
Sénégal afin de préparer la visite de Son Altesse Tamim Ben Hamad Al Thani, Emir du Qatar, au pays de la Téranga. La délégation comprenait de très hautes personnalités de l’Etat, ainsi que des directeurs généraux de plusieurs fonds d’investissement et des grands services qataris. Comme on le voit, le Qatar était ouvert à toutes sortes de partenariats avec le Sénégal, pourvu qu’ils soient mutuellement avantageux. Cependant, nos engagements réels ou imaginaires, vis-à-vis de l’Arabie Saoudite, ont poussé le Sénégal à décliner ou presque, l’offre alléchante des Qataris, qui devait couvrir plusieurs secteurs et engendrer de gros investissements!
En conséquence, la visite de l’Emir fut l’objet d’une censure sans précédent au plan communicationnel : la presse locale n’a rien vu, ni entendu de cette visite, mis à part, la Rts (Rien, Tous les Soirs) et le Soleil (toujours en éclipse dans les kiosques). Ce faisant, on évitait visiblement de heurter la sensibilité de nos « alliés » saoudiens, qui ne souhaiteraient guère voir leur rival qatari, pénétrer, de manière si fracassante, dans ce qu’ils considèrent désormais, comme leur chasse-gardée. Pourtant, une simple absence de vision diplomatique aura empêché le Sénégal, de jouer le médiateur entre les frères ennemis dans cette crise du Golfe, ce qui lui aurait donné l’opportunité de coopérer- librement- avec toutes les parties en conflit.
L’une des faiblesses de la diplomatie du Président Macky Sall, est qu’elle se repose fondamentalement sur des intermédiaires de l’ombre, appartenant souvent à des lobbies étrangers. Pour cette raison, les jeux et les enjeux des intérêts crypto-personnels l’emportent toujours sur l’intérêt majeur du peuple sénégalais.
Un quotidien de la place a cité nommément un certain Moustapha Limam Chafi, citoyen mauritanien, ancien conseiller de l’ex Président Burkinabé, Blaise Compaoré, dont les relations étroites avec le Président Macky Sall auraient déteint-négativement- sur la fameuse médiation du Président sénégalais, dans la crise burkinabé de 2015. Selon ce journal, Moustapha Limam Chafi serait le Link et l’un des conseillers les plus écoutés du Président Sall notamment dans sa politique concernant le monde arabo-islamique !
En tout état de cause, le Qatar, qui vient d’adapter sa législation, qui régit le travail des émigrés, aux normes internationales, aurait pu servir de pays d’accueil de premier plan, à la main d’œuvre sénégalaise, en quête d’employeurs solvables ; ceci, d’autant que ce riche pays du Golfe, compte organiser les phases finales de la Coupe du monde de football en 2022. Ce qui suppose, beaucoup de chantiers, pour se doter notamment d’infrastructures d’accueil adéquates.
La visite de l’Emir, annoncée au départ pour une durée de 72 heures puis de 48 heures, fut, à la dernière minute, réduite à moins de 24 heures. Pas de dîner de gala (ce qui ne rime pas avec la légendaire téranga sénégalaise), ni de visites de sites, encore moins de conférence de presse conjointe ou même de communiqué final, lu publiquement, comme il est de coutume dans ce genre de visites !
Tenue à l’écart, tout au long de la visite officielle, la presse était prise de court et n’a pu faire convenablement son travail d’information. Tout le monde s’est contenté d’un communiqué laconique de l’APS, relatant la visite de l’Emir Tamim Ben Hamad Al Thani, comme s’il s’agissait d’un fait divers anodin. Les trois accords signés, ne sont diplomatiquement, que des gesticulations de principe, car il s’agit de mémorandums d’entente de coopération dans les domaines culturels, sportifs et de la jeunesse. Or, le Qatar s’attendait à des accords touchant les secteurs prioritaires du Sénégal, qui sont, entre autres, l’énergie, la santé, l’emploi, le transport et l’éducation.
Le Sénégal ne se sentant pas assez libre pour tomber sous le charme du Qatar, a plutôt préféré différer sa réponse, le temps de savoir comment réagirait la jalouse Arabie saoudite, face à ce nouveau prétendant qui ne manquait pas d’atouts séducteurs. En revanche, le Mali d’Ibrahima Boubacar Kéïta a été plus audacieux, pour avoir reçu l’Emir avec faste, symbolisé par la présentation, dès la descente d’avion de l’Emir, d’une calebasse d’eau et des colas, en guise d’accord de mariage. En dépit du temps réduit que l’Emir et sa délégation ont passé au Mali, le Président Ibrahima Boubacar Kéïta a pu empocher un cadeau de mariage, de (40) millions de dollars pour le financement d’un projet de l’enseignement fondamental, en plus de la signature de (07) accords et l’ouverture prochaine de l’ambassade du Qatar à Bamako. Un communiqué conjoint a été publié à l’issue de la visite, lu par le ministre malien des Affaires étrangères, M. Abdoulaye Diop.
Le Burkina Faso du Président Roch Marc Christian Kaboré a pu recevoir sa part du gâteau durant l’escale de l’Emir, en empochant un chèque de 14 millions de dollars, pour le financement de la construction d’un centre hospitalier de radiothérapie, de très haut niveau. D’intéressantes perspectives de coopération ont été également dégagées lors de cette brève escale.
En Guinée Conakry, où l’Emir est arrivé le vendredi 22 décembre 2017, le professeur Alpha Condé a mis les bouchées doubles, en recevant son hôte qatari avec éclat. La visite qui n’aura duré que quelques heures, était quand même marquée par la signature de (07) accords de coopération et le Président Alpha a offert un copieux déjeuner à la délégation qatarie.
En Côte d’Ivoire, Son Altesse l’Emir Tamim Ben Hamad Al Thani fut également reçu avec faste avant d’être élevé au grade de la Dignité de Grande Croix de l’Ordre national de la République. (04) accords de coopération ont été signés et un dîner de Gala a été servi à l’honneur de l’Emir et la forte délégation qui l’accompagnait.
Au Ghana, dernière étape du périple de l’Emir Tamim Ben Hamad Al Thani, le Président Nana Akufo Addo, qui vient d’ouvrir, en pleine crise du Golfe, une ambassade au Qatar, n’a pas, non plus, lésiné sur les moyens pour accueillir, comme il se devait, la forte délégation qatarie, dirigée par Son Altesse l’Emir Tamim Ben Hamad Al Thani. En attendant la fin de le cette étape, ce dimanche 24 décembre 2017, l’on s’attend à la signature de plusieurs accords pour concrétiser les bonnes perspectives de coopération bilatérale, nées notamment de la visite du Président ghanéen au Qatar en novembre 2017.
Plus libre dans le choix de ses partenaires que ses voisins de la Zone franc, le Ghana n’est pas non plus, lié par un pacte de soumission, ni avec l’Arabie saoudite et moins encore avec la France ou même avec le royaume uni, qui l’avait pourtant colonisé. Il faut dire que les anciennes colonies françaises d’Afrique sont peu enclines à se libérer du joug colonial. La preuve : 57 ans après les « indépendances » octroyées, nos ministres des Finances continuent à prétendre que : « le franc CFA est une monnaie africaine » ! Or, nous savons tous, que la France, sortie exsangue de la deuxième Guerre mondiale de 1939-45, avait plus que jamais besoin d’une zone monétaire d’appui, afin d’équilibrer sa trésorerie, pour ne pas dire son économie, via le marché de ses colonies d’alors. C’est ainsi qu’elle mît sur pied la zone franc et la monnaie qui en dépend, le Franc CFA (Franc des colonies françaises d’Afrique). D’ailleurs, ceux qui ont conservé le sigle FCFA, étaient bien inspirés, puisque dans le fond, le FCFA de 1945, ne diffère pas fondamentalement, de celui de 2017. N’est-ce pas le Président Diouf qui disait à la suite de la dévaluation du FCFA, le 12 janvier 1994 : « J’ai reçu un coup de téléphone de Michel Camdessus qui me disait : « Président, vous avez été courageux, mais ça ne suffit pas, il faut dévaluer le franc CFA…finalement les gens ont (accepté) bon gré, malgré… ». Certains chefs d’Etat de la Zone franc n’en étaient informés que par le ministre français de la Coopération de l’époque, M. Michel Roussin.
Ainsi, le FCFA demeure aujourd’hui, comme hier, une monnaie faite par la France, pour la France.
Mamadou Bamba Ndiaye
Ancien ministre
Chargé de la Communication de la Présidence,
et des Affaires religieuses