Le report des élections locales de mars 2014, non on ne va pas rétrograder! par Dr Djibril Diop

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Le report des élections locales prévues le 16 mars 2014 juste parce que l’on une peur bleu d’affronter le suffrage universel pour défendre ses intérêts partisanes, non je pense que c’est une face de journaliste ! Si cela s’avérait vrai, ce serait une véritable imposture pour Benno Siggil Sénégal, qui, hier dénonçait ces actes antidémocratiques, avec le soutien justifié de tous les vrais démocrates de ce pays affiliés à aucun parti politique. La démocratie, c’est le suffrage du peuple, qui mandate qui il veut pour un temps bien déterminé pur agir et parler en son nom. Ainsi, un report es locales pour éviter la sanction populaire serait rien d’autre qu’une confiscation du suffrage des populations, et un acte complément contraire à l’esprit de la décentralisation. Certes, ce ne sera pas une première au Sénégal, mais à mon avis, nous devons apprendre de l’histoire, de nos erreurs, pour aller de l’avant. Énormément de défis se posent à ce pays, parmi lesquels la pauvreté (47% de la population vivent au-dessous du seuil de pauvreté, (selon le PM lors de sa déclaration de politique générale) dont le chômage en est la manifestation la plus visible. N’est-il pas temps de regarder en face les vrais enjeux et défis au lieu de tourner en rond autour de la politique politicienne, qui ne mènera jamais ce pays en avant.

Le Code des collectivités locales a prévu la libre administration des collectivités territoriales par des conseils élus au suffrage universel. Or on assiste à une subordination de ces dernières à l’État et ceci sur divers plans. Si, le principe du contrôle et de la transparence inhérent à tout processus démocratique et les arbitrages nécessaires pour la recherche d’une cohésion nationale, mais l’omniprésence de l’État est tellement importante qu’elle étouffe, du coup, toute initiative locale. En effet, si depuis les réformes de 1996, l’on note l’impossibilité d’une annulation administrative des décisions des conseils locaux, mais dans la pratique l’État reste omniprésent dans tout leur fonctionnement. Car les lois n°90-34 du 8 avril 1990 et n° 96-07 du 22 mars 1996 n’ont pas supprimé toutes les pesanteurs de cette tutelle. Or, son exercice s’avère fréquemment un obstacle pour les institutions locales.

Par ailleurs, les différentes lois de la décentralisation n’ont pas aboli ce qu’il est convenu d’appeler « la tutelle sur les personnes, qui permet à l’État de tirer les conséquences de situations contraires à l’intérêt général ou à sa volonté » (Blundo, 1998). Ainsi, sans que la liste soit limitative, le Code des collectivités locales énumère les « fautes » pouvant entraîner, outre des poursuites judiciaires (Article 219), la suspension de l’élu (Article 221). Ainsi, le maire de M’bour, Moussa Ndoye, avait été ainsi destitué et relevé de ses fonctions par décret en février 2001. Les articles 219 à 235 circonscrivent l’essentiel de cette tutelle de l’État sur les élus locaux. Après l’alternance en 2001, sur la base d’un projet de loi proposé par le président Wade, le Code des collectivités locales avait été modifié en ses articles 52, 61, 141, 146, 173, 219, 221 et 235, octroyant à l’exécutif central un plus grand pouvoir d’une part de « sanctionner les défaillances des collectivités locales en dissolvant leur conseil responsable de paralysie » ou de « carence notoire dans l’exercice de leurs attributions » et d’autre part, de « suspendre » ou de « révoquer tout élu coupable de manquement à ses obligations ». L’un des premiers constats que l’on peut tirer de ces réformes est la volonté de l’exécutif national de maintenir quasiment sa mainmise sur les élus locaux, pourtant élus au suffrage universel comme lui. Ainsi, l’État qui détient les pouvoirs de souveraineté, de contrôle de légalité sur certains actes encore, et de coordination du développement au niveau national, peut aussi être étouffant dans une gestion décentralisée, comme en témoigne le nombre de délégations spéciales mises en place depuis 2000.

Selon les dispositions initiées par le président Wade, lorsque le fonctionnement d’un conseil se révèle durablement impossible, il peut être dissous par décret, après avis du Conseil d’État (Cour Suprême depuis 2008). Toutefois, cette décision ne peut être prise par voie de mesure générale (Article 52). Or très souvent, tel est pourtant le cas. En outre, selon l’article 53, en cas de dissolution d’un conseil, de démission de ses membres ou d’annulation devenue définitive de l’élection de tous ses membres, une délégation spéciale est instituée à la place par arrêté du ministre en charge des Collectivités locales pour un délai maximum de six mois renouvelable une fois. Ce délai peut être prorogé une ou deux fois, ou tout au plus pendant trois périodes de 6 mois et par décret motivé, selon la loi n° 2006-22 du 11 juillet 2006. Mais cette disposition est très souvent ignorée par l’exécutif central dans la mise en place de ces délégations spéciales.

Cette mainmise du pouvoir central sur les collectivités locales est également illustrée par sa volonté manifeste de ne pas organiser les élections locales à date échue, notamment sous le magistère du président Abdoulaye Wade. Celles-ci ont été reportées à trois reprises pour des raisons diverses. Le premier report a eu lieu en 2001 avec l’amendement Moussa Sy qui a permis la mise en place de délégations spéciales. Prévues en 2007, elles ont été reportées au 18 mai 2008 avec comme principal argument avancé par les autorités, des raisons budgétaires pour la mise en place du « Plan Jaxaay » pour secourir les victimes des inondations de 2005 dans la banlieue de Dakar (l’adresse du chef de l’État à la Nation sur les inondations le 28 août 2005. L’opération devait mobiliser un budget de 52 milliards dont 45 devaient provenir des 60 milliards de FCFA. antérieurement prévus pour les fêtes de l’indépendance décentralisées en 2006, et du budget antérieurement prévu pour les élections législatives en 2006, dont le découplage avec la présidentielle a fait qu’elles ont été reportées au 3 juin 2007). Enfin, pour collision avec le 11e Sommet de l’Organisation de la conférence islamique (OCI) qui devait se tenir à Dakar les 13 et 14 mars 2008, les élections locales prévues 18 mai 2008 ont finalement eu lieu le 22 mars 2009 après plusieurs tentatives de reports.

En effet, le 21 novembre 2001, pendant que l’Assemblée nationale examine le projet de loi prorogeant le mandat des élus locaux qui devait expirer dans les trois jours, coup de théâtre, un jeune député de la majorité parlementaire (PDS), Moussa Sy, bouleverse le cours de l’histoire des collectivités décentralisées en proposant un amendement au projet de loi n° 2001-09. Ses camarades de parti le soutiennent et légifèrent instituant ainsi, à titre transitoire, des délégations spéciales pour la gestion de toutes les collectivités locales du pays. Des députés de l’opposition décident alors de porter l’affaire devant le Conseil constitutionnel qui sera saisi, le 23 novembre 2001, afin d’invalider cet amendement pour inconstitutionnalité. Mais par arrêté, ce dernier, en date du mercredi 12 décembre, le déclare conforme à la Constitution. Ainsi, jusqu’au 12 mai 2002, ce sont des délégations spéciales qui ont été mises à la tête des collectivités locales du pays en lieu et place des élus locaux. Dans la même logique, le jeudi 6 mars 2008, le groupe libéral convoque en session extraordinaire le Parlement (Assemblée nationale et Sénat réunis) en procédure d’urgence pour l’examen de la proposition de loi fait par la députée Aminata Tall portant report des élections locales initialement prévues le 18 mai 2008. Selon cette dernière, le temps était trop court pour la mise en place de la logistique administrative nécessaire pour le dépôt des listes prévu le 18 mars 2008. Reportées dans un premier temps à novembre 2008, les élections locales n’auront lieu finalement que le 22 mars 2009.

La région de Diourbel est certainement l’illustration la plus parfaite de la mainmise de l’État sur le fonctionnement des collectivités locales, en contradiction totale avec l’autonomie que la loi constitutionnelle reconnaît à ces dernières. À la dissolution de son conseil régional en 2006, une délégation spéciale a été mise en place par l’arrêté n°000001/MCLD/Cab/ du ministre en charge des Collectivités locales et de la Décentralisation, en date du 02 janvier. Par le décret n° 2007-407 du 16 mars 2007, le chef de l’État a prorogé le mandat de la délégation spéciale pour six mois. À l’expiration du mandat de toutes les collectivités locales du pays, le 12 mai 2008, le président Wade a reporté à nouveau les élections locales, ce qui impact de facto la région de Diourbel et fait d’elle celle qui a connu la plus longue délégation spéciale de l’histoire de la décentralisation sénégalaise. Celle-ci aura duré du 02 janvier 2006 aux élections locales du 22 mars 2009.

Dans la même veine, le conseil régional de Dakar a été bloqué pendant longtemps après la nomination de son président, Abdoulaye Faye, comme ministre d’État auprès du président de la République, en août 2007 (il faut souligner que Deux camps, tous issus du Parti démocratique sénégalais s’affrontaient). Or, selon les dispositions de la loi nº 96-11 du 22 mars 1996 relative au cumul de mandats et à l’incompatibilité entre certaines fonctions, il devait démissionner de son premier poste comme l’établi l’article 2, en adressant une lettre au ministre en charge de la Décentralisation dans ce sens dans un délai de 30 jours après sa nomination à la nouvelle fonction (Article 3). Après plusieurs tentatives pour ce blocage, cette situation illégale ne connaîtra son épilogue qu’avec la désignation du premier vice-président de l’institution, Ousmane Badiane de la Ld/Mpt, comme président intérimaire, le 10 décembre 2007, mais pour une courte durée. À quatre reprises, les élus libéraux ont refusé l’application des dispositions prévues dans ce cas de figure. Dans ce prolongement, dès le 25 avril 2008, le Conseil des ministres a adopté le projet de décret portant dissolution du conseil régional de Dakar pour cause de dysfonctionnement. Comment comprendre qu’un conseil local soit dissous quelques jours seulement après avoir voté son budget à la majorité avec comme motif son dysfonctionnement, ou tout simplement parce que son territoire a été découpé ?

L’instabilité à laquelle sont ainsi soumises les collectivités locales les rend vulnérables et incapables d’entreprendre des initiatives et de la conduire à plus ou moins long terme. Car chaque querelle politique peut être source de blocage. Malgré l’autonomie de décision que leur confère la loi constitutionnelle et le principe de libre administration reconnu par le Code des collectivités locales, force est de reconnaître qu’au Sénégal les collectivités locales, en particulier tardent encore à assurer pleinement cette autonomie. L’omniprésence de l’État et ses démembrements étouffent très souvent leurs actions. Avec l’alternance en 2000 on s’attendait à un renforcement de la responsabilisation des collectivités locales, mais la désillusion a été au-rendez-vous, apparemment on est dans la même logique avec ce régime en place. Le pouvoir central cherchait toujours à ronger les prérogatives des collectivités locales, ce qui est en contradiction avec leur autonomie tant chantée. Car on observe bien une sorte d’épée de Damoclès sur la tête des élus qui peuvent être la cible de l’exécutif central dès que leurs intérêts divergents. Pendant tout son magistère, le président Wade a fait régner cette tension perceptible envers les élus locaux, notamment depuis la victoire de l’opposition aux élections locales de 2009. Veut-on créer les mêmes conditions dont on dénonçait la perversité hier ? Quel triste sort pour ce pauvre Sénégal !

Dr Djibril DIOP

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