Le Sénégal, bon élève confirmé de la démocratie

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L’élève a enfin supplanté le maître. Macky Sall vient de remporter la présidentielle au Sénégal face à son ancien mentor, Abdoulaye Wade. Le peuple sénégalais, au travers de ses électeurs, a confirmé son choix déjà perceptible dès le premier tour de la présidentielle : le refus d’un troisième mandat du champion du «Sopi» [changement en wolof].

Il est vrai que Me Wade a fait la sourde oreille alors que tous les voyants étaient au rouge. Dans la répression de la vague de contestation qui a suivi la validation de sa candidature par le Conseil constitutionnel, des vies ont été fauchées. C’est déplorable, surtout quand on sait que l’on aurait pu faire l’économie de ces pertes humaines. La petite consolation à ce niveau, c’est que la maturité des Sénégalais a permis de faire en sorte que ces combattants de la démocratie ne soient pas tombés pour rien.

In fine, c’est l’esprit de la limitation du nombre de mandats présidentiels à deux qui a triomphé. Abdoulaye Wade, arrivé au pouvoir avec un raz-de-marée électoral, en repart un peu, par la petite porte. Mais, dans une certaine mesure, reconnaître sa défaite et féliciter celui qu’il considérait jadis comme un «apprenti», est à tout à son honneur. Elle évite des remous inutiles au pays. Les radicalistes de son camp n’auront aucune raison de tenter de s’accrocher au pouvoir, à partir du moment où leur propre champion a eu l’élégance de reconnaitre sa défaite. Certes, la tournure des évènements laissait très peu de marge de manœuvre à Gorgui.

Union sacrée

L’opposition politique sénégalaise, toutes tendances confondues, a montré, par son attitude, un exemple positif à des oppositions africaines généralement gangrenées par la compromission et une incapacité notoire à s’entendre sur l’essentiel. Une marche en ordre dispersé qui a toujours fait le jeu des pouvoirs en place. Cette opposition, par l’union sacrée qu’elle a réussi à réaliser, a montré que l’alternance, dont les bienfaits dans une démocratie ne sont plus à démontrer, est possible.

Elle a donné la preuve que des partis de diverses obédiences peuvent faire bloc derrière un candidat malgré leurs divergences, qu’ils n’ont pas forcément besoin d’avoir le même projet de société pour mutualiser leurs forces et venir à bout d’un adversaire commun. Seul compte l’intérêt suprême du pays. Et le seul intérêt général à défendre est un motif suffisant pour se donner la main. La détermination du candidat de l’opposition au second tour, Macky Sall, qui a eu le courage de quitter et d’affronter un système avec lequel il n’était plus en phase, s’est révélée payante et est également pleine d’enseignements.

Mobilisation citoyenne

A la mobilisation de cette opposition politique contre Abdoulaye Wade, s’ajoutait celle de la société civile. En effet, la société civile sénégalaise a compris, contrairement à certaines sociétés civiles du continent, que la lutte pour le respect de la Constitution ne saurait être laissée aux seuls partis politiques. La loi fondamentale d’un pays est un bien commun pour ses citoyens et pour paraphraser Georges Clemenceau, [homme d’Etat français] la défense de la Constitution d’un pays est une chose trop sérieuse pour qu’on la laisse aux seuls politiciens. Bien des acteurs de cette société civile sénégalaise ont été au four et au moulin, se sont déployés sur tous les fronts pour assurer la transparence du scrutin. Les médias ont diffusé en temps réel les résultats des bureaux de vote, rendant très périlleuse, voire impossible toute velléité de tripatouillage.

Tous ces acteurs ne se sont pas comportés ainsi pour les beaux yeux de Macky Sall. Ils l’ont fait pour défendre la démocratie de leur pays. Des démocrates de ce genre ne courent pas les rues en Afrique. Et le moins que l’on puisse dire aujourd’hui, c’est qu’ils ont réussi leur mission. Les électeurs sénégalais ont rappelé à Wade que «lorsque la pluie échoue à contraindre le cabri à rejoindre l’enclos, c’est le gourdin qui s’en charge», comme le dit une sagesse de chez nous.

Avec la pression tous azimuts qui pesait sur lui, la seule chance de sortie respectable qui restait à l’ex-président après son entêtement à se présenter à cette élection, consistait à accepter la victoire de son adversaire. Ainsi, il aura épargné à son pays une crise postélectorale tant redoutée. Il y a donc eu plus de peur que de mal. Avec cet épilogue, le pays reste incontestablement dans la cour des grands en matière de démocratie.

Le Sénégal reste un exemple

Il donne encore une leçon et des motifs d’espoir à tous les Africains assoiffés d’alternance au sommet des Etats. La démocratie sénégalaise conserve ainsi son triple A. C’est sans aucun doute un modèle à imiter. Ce pays vient d’offrir, une fois de plus, la preuve par les actes qu’on peut organiser une élection et la perdre. Après Abdou Diouf en 2000, c’est Abdoulaye Wade son successeur qui en fait l’amère expérience.

Dans un continent où les faits du genre ne courent pas les rues, on ne peut que s’en réjouir. Les Sénégalais, dans leur ensemble, à des degrés divers, ont administré une vraie leçon républicaine au reste du monde et surtout à l’Afrique. Ils auront montré à tous que la démocratie n’est pas un luxe pour les Africains, qu’elle est bel et bien possible sous nos cieux pour peu qu’il y ait la bonne foi et la volonté. En attendant de voir le nouveau président et son équipe à l’œuvre, ce peuple peut être fier du respect qu’il a su, une fois de plus, conquérir contre vents et marées.

Cette débâcle de Wade que tout le monde voyait venir sauf son propre camp, doit servir de leçon à tous les antidémocrates et apprentis-sorciers de tout acabit et de tout grade qui fourmillent sur le continent et qui ont, dans leur folie de pouvoir à vie, abusé pendant trop longtemps de la misère et de l’ignorance des pauvres populations. Pas sûr que les Etats à la traîne resteront longtemps encore insensibles à ces leçons venues d’ailleurs. Il n’y a qu’à écouter les clameurs de ces populations naguère passives, atones et devenues subitement bruyantes. Parfois trop bruyantes. «Que ceux qui ont des oreilles pour entendre, entendent !»

avec Le Pays

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