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Le Senegal : Une Democratie Prise En Otage (par Adama Sadio Ado)

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Le triste spectacle servi aux Sénégalais dans la deuxième institution de la République invite à réfléchir sur l’état de notre démocratie. Les violences verbales et physiques sont récurrentes au sein des Parlements dans les grandes démocraties. Dans l’histoire de notre AN aussi de cas de violences verbales et physiques y sont souvent notés. Pour les plus récents, on peut citer l’agression de Me El Hadji par Famara Senghor et la violence exercée par Doudou Wade sur Aliou Sow. Toutefois, la violence dont est victime Omar Sarr est inédite. Il est agressé par beaucoup de ses collègues. C’est honteux. C’est lâche. Pour ce sale boulot, il fallait violer la liberté de la presse en cette journée symbolique pour cette corporation.

Pourtant le peuple pouvait bien être épargné de cette comédie parlementaire de mauvais goût. Il fallait tout simplement dire le DROIT. Tous les juristes et intellectuels sérieux savent que M. Modou Diagne Fada n’a ni la légitimité, ni la légalité de diriger le groupe des « Libéraux et Démocrates ». D’ailleurs, ceux qui tentent de défendre Fada critiquent la méthode Wade et évitent subtilement d’évoquer la dimension juridique de la crise. Ce que Fada a fait est un putsch parlementaire. Ce hold up ne saurait réussir sans l’onction de la majorité présidentielle. Rappelons qu’en 2013 et 2014, la majorité parlementaire a empêché au parti Rewmi de former un groupe parlementaire à en croire Moustapha Cissé LO (http://www.leral.net/Audio-Cisse-Lo-Nous-ferons-tout-pour-empecher-Rewmi-d-avoir-un-groupe-parlementaire_a96389.html).  Comment ne pas encore voir la main du régime derrière ce putsch parlementaire de Fada. Ce dernier est vivement soutenu et félicité par Benno Siggil Sénégal, membre de la coalition présidentielle (http://www.seneplus.com/politique/benno-siggil-senegal-felicite-modou-diagne-fada).  Et Moustapha Cissé Lo avait aussi prévenu sur les ondes de la RFM le 12 octobre «cette opposition doit faire peur (…) c’est nous qui devons prendre nos responsabilités, prendre notre courage à deux mains pour faire face » (http://www.sudonline.sn/-cette-opposition-doit-faire-peur-parce-qu-elle_a_26663.html).

Pourtant, la satisfaction du bonheur de la majorité des citoyens sénégalais serait la meilleure manière de rendre inaudible cette opposition et non de faire déshonneur à cette démocratie bâtie par des générations au prix de leur sang et de leur vie. La consolidation de la démocratie sénégalaise était l’une des aspirations du peuple en sanctionnant Wade en 2012. À l’analyse des faits, force est de constater que ce régime est TROP allergique à la critique et semble être tenté par l’instauration de la pensée unique. Des opposants sont embastillés sur la base du délit liberticide d’offense au chef de l’Etat, le travail de la presse en ligne est remis en cause et les commentaires sont devenus gênants. La revue de presse est qualifiée de « dictat sur les Sénégalais », des manifestations de l’opposition sont interdites et un terrorisme intellectuel est exercé sur toute voix discordante. Des grandes gueules sont servies pour qu’elles la ferme et des organismes internationaux sont vertement critiqués quand leurs rapports ne conviennent pas aux goûts du régime, etc. Cette comédie parlementaire de mauvais goût n’est, en réalité, que l’expression d’une allergie des autorités actuelles  aux emmerdements de la démocratie.

Cependant, dans un état de droit, tout différend doit être réglé devant le juge. Ceci dit, le cadre de l’opposition devrait saisir la juridiction compétente pour entrer dans ses droits. Dans une République, toutes les voies de recours légales sont bien définies. Cette « absence » de saisine de la justice, mécanisme moderne de régulation sociale et politique, peut révéler la méfiance de certains citoyens à l’endroit de l’institution judiciaire sur des questions ayant des relents politiques. Ceci ne peut-être une excuse pour l’opposition de ne pas saisir la justice, mettre les juges devant leur responsabilité et éviter au pays cette comédie.     

 

Adama SADIO ADO

Chercheur en Sciences Politiques

[email protected]

 

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