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[LE SOLEIL 40 ANS : 1970-2010 ] DJIB DIEDHIOU : « Un journal, c’est d’abord les journalistes »

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DJIB DIEDHIOU : « Un journal, c’est d’abord les journalistes »
Ancien directeur des rédactions, aujourd’hui à la retraite, M. Djib Diédhiou estime qu’un journal a besoin du sang neuf.

Comment s’est opéré votre rencontre avec le journalisme ?

Le Centre d’études des sciences et techniques de l’information (Cesti) devait rouvrir ses portes en 1970-1971. Au mois de juin-juillet, ils ont lancé le concours, je me suis présenté et j’ai été reçu. Il se trouvait qu’avant ça, après l’obtention de mon bac, en 1968, le Cesti avait été fermé. Les étudiants en formation avaient été envoyés en France pour terminer leur cycle. De 1968 à 1970, il n’y avait pas de cours. Avant cela, je n’entendais pas faire du journalisme.

A la fin de l’année universitaire 1971, je suis allé faire un stage à Radio Sénégal. Comme ma bourse a été coupée pour fait de grève parce que j’étais en même temps inscrit à la faculté des Lettres, je suis donc allé au « Soleil » chercher du travail comme pigiste. Certains camarades de promotion y étaient déjà. A la fin de mon stage, Philipe Gaillard a voulu me recruter. Je lui ai fait savoir que je préférais d’abord terminer mes études. Il m’a alors proposé de collaborer avec le journal moyennant un cachet. Quand il y avait des missions à l’intérieur comme les « Magal de Touba » ou les « Gamou », on faisait appel à moi. Grâce à Bara Diouf, j’ai été envoyé en mission en novembre-décembre 1971 au Chili. C’était la première fois que je sortais du Sénégal. J’ai continué jusqu’à notre départ pour le Canada et la France. J’ai réintégré « le Soleil » à mon retour.

A vos débuts au « Soleil », c’était donc la belle époque ?

Plus ou moins. Les journalistes étaient bien traités mais c’était aussi des moments difficiles. Nous écrivions deux à trois papiers ; rarement un article par jour.

Vous avez commencez par quel service ?

Le service Sport à la fin de ma formation. Avant cela, j’étais au service Nation. Je m’intéressais beaucoup au sport car je pratiquais plusieurs disciplines : le basket, le judo, le tennis de table.

Cette facette de votre carrière journalistique est peu connue de la jeune génération… Peut-être de la jeune génération mais les anciens savent. J’ai fait huit ans au desk Sport.

Si vous regardez dans le rétroviseur. Avez-vous des moments forts à partager avec la jeune génération ?

Je rends hommage aux anciens. Qu’il s’agisse des expatriés comme Jean Louis Daniel, secrétaire de rédaction, Aubry avec qui j’ai travaillé, Philipe Gaillard mais surtout les autres Emile Diène Senghor, Alcino Dacosta qui lancé véritablement le desk Région, par la suite le service sera redynamisé par Samy Lucien Chopin, Abdou Salam Kane, Aly Kheury Ndaw, Julien Kéléfa Sané, feu Jacques Gabriel Gomis, John Bosco Adjotevi, Bara Diouf qui était l’animateur. Ils ont lancé le journal à des moments difficiles. Il n’y avait pas beaucoup de journalistes à l’époque. Je leur saurai toujours gré. Ce sont eux qui ont jeté les bases de cette institution qu’est « le Soleil ». Sans leurs sacrifices, on n’aurait pas eu ce produit. On a tendance à les oublier. On était vraiment encadré à l’époque.

Dans la décennie 80 à 90 qu’est-ce qui vous a surtout marqué au « Soleil » ?

D’une manière générale, les années 70 étaient une période de lutte sur le plan syndical. Même quand il n’y avait pas une grande ouverture démocratique, c’était des moments très difficiles et de lutte. Pour les années 80 à 90, la préoccupation principale était le reversement des prélèvements sur les salaires à l’Institution de prévoyance retraite du Sénégal (Ipres) pour que plus tard que les journalistes n’en pâtisse pas. C’était également que « le Soleil » ait un certain rayonnement, qu’il se développe surtout dans les années 1990 avec la concurrence. Il fallait que le journal s’imposât comme le leader.

Et dans la décennie 90 à 2000 ?

C’était en partie le même combat surtout dans la première moitié des années 90. Je dois préciser une chose : quand nous venions au Soleil, personne ne nous a demandé la carte du parti. Ce que les gens s’imaginent mais faussement. Personnellement, on ne m’a pas demandé la carte du parti. Je n’ai pas connaissance également d’un ancien du Soleil qui a fait l’objet d’une telle demande ou à qui on a imposé de faire un commentaire dans tel ou tel sens. Les gens ont été libres.

Avec le temps comment appréciez-vous l’évolution du « Soleil » ?

Au plan financier, « le Soleil » ne recevait plus de subvention à partir de 1982. Il y a eu également cette période de l’ajustement structurel. Il fallait que « le Soleil » compte sur ses propres moyens pour se développer. Dans les années 90, le déficit du « Soleil » s’est accentué. Mais avant, l’entreprise ne connaissait pas une telle situation. Les prélèvements de l’Ipres étaient reversés régulièrement jusqu’à la fin des années 80. C’est entre 2003 à 2005, semble-t-il, que les dettes du « Soleil » vis-à-vis de l’Ipres ont été épongées par l’Etat avec le concours de la Banque mondiale. Il était dans le même lot que d’autres établissements publics.

Au plan rédactionnel, il y a eu le changement de format. Mais « le Soleil » a du continuer à lutter parce que la concurrence était devenue plus sérieuse à partir de 1993 et avec l’arrivée de nouveaux titres.

Vous avez formé la plupart des journalistes actuellement en service au « Soleil ». Quel regard jetez-vous sur la politique de recrutement ?

Dans mon entendement, bien avant que j’intervienne au Cesti, quand j’étais à l’époque délégué du personnel, mon souci a été toujours le recrutement. Il fallait que « le Soleil » continue à recruter pour assurer la relève. Quand nous sommes arrivés moi et ceux de ma promotion feu Mass Diack, Ibrahima Mansour Mboup – à qui je rends hommage -, on a préparé à assurer la relève des anciens. « Le Soleil » est comme un corps vivant, il a besoin du sang neuf. Même lorsqu’il y a eu des problèmes d’emploi, j’ai toujours insisté sur le recrutement. D’autant plus qu’un journal, c’est d’abord les journalistes. Les normes de gestion telles que je les ai apprises à Paris pour qu’un journal puisse être géré correctement, il faut 2/3 de journalistes, 1/3 d’administratifs. Mais s’il y a deux à trois fois d’administratifs, il ne peut y avoir de motivation chez les journalistes. Un journal qui a vraiment l’ambition d’informer le public, d’être un quotidien national, il doit avant tout être au service du public, de l’information. Il doit pouvoir couvrir l’actualité, informer les citoyens, les éduquer et en même temps les distraire. Et pour cela, il faut des gens dynamiques sur le terrain et assez imaginatifs. Je ne minimise pas le rôle de l’administration qui est important. Cette administration doit pouvoir assurer une bonne gestion des ressources du journal sur le plan du management, des ventes. Cela au bénéfice d’un bon essor du journal.

Quand je suis venu au Cesti, j’ai toujours voulu repérer des talents, des éléments prometteurs pour les orienter vers « le Soleil » surtout à l’occasion du stage pédagogique.

Quels sont les évènements qui vous ont fait plaisir au « Soleil » ?

Il faudrait peut-être que je fouille dans mes souvenirs pour voir. D’emblée, toutes les célébrations concernant la vie du « Soleil » m’ont toujours fait plaisir. Ça été un moment de partage avec les autres confrères, où on essaie d’évaluer le chemin parcouru, ce qui restait à faire. C’est par exemple, la célébration du 5.000e numéro, certains anniversaires comme les dix ans, les vingt ans, quarante ans du « Soleil ». On se souvenait aussi de tous ceux qui étaient avec nous, aujourd’hui disparus ou qui sont partis ailleurs. C’était aussi quand nous décrochions sur le plan syndical des avantages pour les journalistes. Le journalisme est un travail ingrat surtout quand il s’agit d’un médiat de service public. Les gens pensent que nous gagnons des salaires faramineux. Ce qui est loin d’être le cas.

Comment voyez-vous aujourd’hui « le Soleil » dans le paysage médiatique sénégalais ?

L’image que je peux donner, c’est par exemple une pirogue qui est dans un espace maritime limité et dont les occupants doivent pêcher dans ces eaux alors que l’espace est très réduit. Tout le monde est logé à la même enseigne en quelque sorte. Je ne considère pas les lecteurs comme des poissons à pêcher mais chacun doit assurer sa survie. La presse d’une manière générale est menacée, la presse écrite la première que ce soit ici ou ailleurs surtout avec l’apparition des nouveaux médiats.

Propos recueillis par Mamadou GUEYE

lesoleil.sn

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