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Le temps du désenchantement démocratique*

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Nous vivons mondialement une crise du fait démocratique. Le regain de coups d’états militaires dans la bande sahélienne ces dernières années, ainsi que les crises institutionnelles à répétition dont nous faisons l’expérience, sont le résultat d’assauts contre le principe démocratique dans son essence, ainsi que dans ses modalités de mise en œuvre.

 Le temps de la démocratie – politique, judiciaire, institutionnel, populaire -, au Sénégal est celui du désenchantement. Les deux mandats de Président Macky SALL ont précipité la déliquescence de l’État de droit et des principes qui fondent la démocratie sénégalaise. Par utilitarisme politique, le régime actuel a désolidarisé le binôme État-nation, transformant la crise politique en une crise de société profonde.

     Une démocratie véritable se mesure à l’aune de la réalisation effective des droits fondamentaux consacrés par la Loi fondamentale. La négation du pacte républicain et du serment national tacite pour faire société constitue la dernière manifestation d’un récit néocolonial qui remonte aux indépendances. Depuis la crise de régime de 1962, le droit a souvent été l’instrument d’une conspiration contre le Peuple. Sans expérimenter une rupture de l’ordre constitutionnel comme au Mali, au Burkina Faso, au Niger, en Guinée…, le temps de la démocratie au Sénégal est parsemé de coups de force institutionnels et de commandes politiques d’interprétation fourbe du droit.

     Dans les imaginaires, la quête d’un sens démocratique, volontairement confondue avec la lente fabrique d’un État institutionnel, a fini par faire croire que la démocratie pouvait éclore par décret, loin des conquêtes sociales. Or, le Grand Soir démocratique, comme dans toutes les civilisations humaines dans lesquelles le Peuple a voix au chapitre, procède d’un plébiscite populaire quotidien. Le temps de la démocratie, comme du reste celui de la nation, défie toute idée de finitude. Il se régénère au gré des crises protéiformes ou, à rebours, périclite. Au Sénégal, la démocratie n’est pas le produit d’acquis populaires. La démocratie ne se définit pas seulement par l’existence d’institutions (parlement, exécutif, appareil judiciaire) et par l’organisation d’élections régulières. La démocratie ne saurait être discursive. La sociologie lui imprime sa réalité.

     Les signes du désenchantement démocratique au Sénégal sont légion : une magistrature aux ordres, une administration docile et répressive, des milices privées qui opèrent en toute impunité auprès des forces de défense et de sécurité, des arrestations aux allures de rafles, des barricades fréquentes devant les sièges de partis politiques, l’assignation à résidence surveillée sans base légale du domicile du principal opposant au régime, les atteintes à la libre circulation de l’information par la suspension de l’accès à Internet ou du signal de rares médias insoumis, etc.  La démocratie ne s’accommode pas de la réduction au silence des citoyens par l’imposition d’une terreur institutionnelle à laquelle se sont soumis les corps intermédiaires, les syndicats, une bonne partie des intellectuels, les médias classiques…

     Le bilan démocratique du régime du Pr Macky SALL pendant ses deux mandats se résume à l’étouffement des voix politiques et citoyennes discordantes par la répression, l’emprisonnement, la disgrâce, la radiation et la sélection des candidats à l’élection présidentielle (Khalifa SALL, Karim WADE, Ousmane SONKO). Plus que jamais, les réminiscences du parti unique ou dominant affleurent notre temporalité politique quand bien même la relation Etat-individu bascule inexorablement vers le triomphe de la volonté populaire. La démocratie, c’est le temps des Peuples libres.

      Entretenir un amalgame entre le droit constitutionnel à la résistance à l’oppression et l’appel à l’insurrection revient à judiciariser l’espace politique à des fins d’exclusion. La mobilisation opportuniste d’une sémantique martiale permit à des dictatures d’auto-légitimer des coups d’État institutionnels (Chine, Russie, Corée du Nord …). Le spectre de la peur, brandi par l’État-policier sous la couverture d’un discours régalien, renseigne sur le dessein d’imposer la terreur avec l’onction d’une certaine presse qui a lâchement déchiré sa profession de vérité. Dans l’histoire politique, la lutte contre la nébuleuse terroriste a souvent été le paravent légal des violations des droits et libertés. Le Patriot act nous en fournit un exemple frappant.

         La dissolution du parti PASTEF, entité constitutionnellement protégée, est révélatrice des dérives autoritaristes d’un régime qui vise, avec le concours d’une certaine magistrature complice, à reconstruire un espace politique monolithique. On assiste à un retour de l’histoire et un changement d’époque. Les conditions de cette dissolution s’inscrivent dans la négation des principaux instruments internationaux, au demeurant constitutionnalisés, de protection des droits humains. Elles matérialisent la violation des libertés d’expression, de réunion pacifique, d’association et de participation démocratique à la conquête du pouvoir politique. Éloignée de la logique historique de la dissolution-absorption (PAI, Bloc des masses sénégalaises), la dissolution décrétée est une entorse à l’idéal d’une société libérale et au pluralisme politique. En effet, l’adoption d’un acte administratif négatif est assujettie au respect du principe dit du contradictoire. L’arbitraire de l’État se loge dans l’occultation des droits de la défense. Le droit à l’information, par le biais de la procédure de la mise en demeure, participe de la démocratie administrative. L’éthique de la transparence exige un rapport préalable du ministre de l’intérieur. Ce moyen ne saurait être inopérant que s’il y avait une décision de justice préalable établissant la véracité des faits reprochés avec toute la rigueur de l’autorité de la force jugée. Ce qui n’est pas le cas à l’évidence. En sus, les autorités exécutèrent la mesure de dissolution sans qu’aucune notification préalable n’ait été adressée, violant manifestement la loi. Tous les actes d’exécution de la mesure, alors même que la décision individuelle n’était pas encore notifiée, constituent une voie de fait de nature à engager la responsabilité de la puissance publique.

 L’épure du droit n’est point de dissoudre pour motif d’insurrection lorsque le crime susmentionné est l’objet d’une instruction judiciaire.

 Que reste-t-il encore de la démocratie qui n’ait été déjà profané au Sénégal ?

  Gageons que le dêmos, ultime faiseur d’un système républicain, saura entretenir la lueur du réenchantement démocratique.

*Abd-El Kader BOYE

Professeur titulaire de droit privé, Ancien Recteur de l’Université Cheikh Anta Diop, Ancien Doyen de la Faculté des Sciences Juridiques et Politiques de l’Université Cheikh Anta Diop de Dakar

Mamadou DIOUF

Professeur d’histoire et d’études africaines, titulaire de la chaire Leiner family, Université Columbia / Etats-Unis

Felwine SARR

Professeur titulaire, agrégé d’économie, titulaire de la chaire Anne-Marie Bryan, Université Duke / Etats-Unis

François Joseph CABRAL

Professeur titulaire, agrégé d’économie, Université Cheikh Anta Diop de Dakar

Abdoul Aziz DIOUF

Professeur titulaire, agrégé des facultés de droit, Université Cheikh Anta Diop de Dakar

Sidy Alpha NDIAYE

Maître de conférences, agrégé des facultés de droit, Université Cheikh Anta Diop de Dakar

El Hadji Samba NDIAYE

Maître de conférences, agrégé des facultés de droit, Université Cheikh Anta Diop de Dakar

Babacar NIANG

Maître de conférences, agrégé des facultés de droit, Université Cheikh Anta Diop de Dakar, avocat au barreau de Paris

3 Commentaires

  1. Tout est clair dans ce texte qui vient juste mettre des mots sur ce qui vit le peuple sénégalais sous le régime de macky sall : la dictature organisée et menée par la justice, l’administration et les forces de défense et de sécurité. Tout ce systeme engraissé par l’argent, les détournent de nos ressources financières et foncières et la corruption (juge, marabouts, fonctionnaires, griots, journalistes ect).

  2. Regardez bien la liste : tout ce qu’on appelle « l’intellectuel africain démagogue et hypocrite » !! À la tête de cette racaille qui jongle avec les mots, un ancien recteur de l’Ucad, Kader Boye, connu pour sa gestion calamiteuse, népotiste et catastrophique de l’Ucad ! Des trous béants dans le budget de l’Ucad qu’il n’a JAMAIS éclaircis jusqu’à aujourd’hui !! Rien d’étonnant qu’il soit soutenu dans son torchon par des soi-disant « intellectuels » aussi faux les uns que les autres, aussi malhonnêtes les uns que les autres, aussi égoïstes les uns que les autres, aussi nafèkhes les uns que les autres, qui se sont servis du Sénégal au lieu de servir le Sénégal (la preuve, presque tous sont à l’étranger !). Il ne manque que Boris Diop pour compléter la bande des rats ! Personne d’entre eux n’a JAMAIS dénoncé les appels insurrectionnels de Sonko Sodomiseur ! Personne d’entre eux n’a jamais dénoncé son utilisation des rebelles du MFDC et de groupuscules salafistes qui ont commis des violences et des meurtres inouïs à Dakar et en Casamance ! Personne d’entre eux n’a JAMAIS dénoncé l’incendie de l’Ucad et d’autres universités du pays dont Sonko Sodomiseur est le seul et unique responsable ! Personne d’entre eux n’a JAMAIS dénoncé les mensonges et les fuites en avant de ce maniaque sexuel qui bave depuis des années sur les fesses des pauvres minettes de 20 ans qui ont l’âge de leurs propres filles ! Les mêmes vauriens d’« intellectuels » menteurs, régressifs et hypocrites vont venir défendre demain les putschistes ignares, antirépublicains et populistes du Niger, du Mali et de Guinée. Ragal lène Yallah ! Qui disait que l’« intellectuel africain » est le premier cancer de son pays…

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