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Légalisation de l’avortement médicalisé : Le Sénégal, au défi de la culture et la religion

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XALIMANEWS : Depuis plusieurs années, des associations de défense des droits de la femme s’activent pour une médicalisation de l’avortement, en cas de viol et d’inceste, conformément au Protocole de Maputo. Elles sont accompagnées, dans ce combat, par des parlementaires et certains acteurs de la société civile, vu le taux élevé d’avortements, surtout clandestins. En effet, selon une étude, malgré la législation fortement restrictive, l’on estime à 51.500 le nombre d’avortements provoqués au Sénégal en 2012, soit un taux de 17 avortements pour 1000 femmes âgées de 15 à 44 ans. Toutefois, le poids de la culture et de la religion constitue un frein dans leur combat

Des acteurs courent, depuis 2013, derrière une loi sénégalaise autorisant l’avortement médicalisé, en cas de viol et d’inceste, afin de réduire le taux d’avortement clandestin qui est très élevé au Sénégal, selon l’enquête Guttmacher. Malgré la législation fortement restrictive du pays, 51.500 avortements ont été provoqués au Sénégal en 2012, selon les estimations ; soit un taux de 17 avortements pour 1000 femmes âgées de 15 à 44 ans. La plupart des avortements ont été pratiqués clandestinement et dans des environnements non médicalisés. La source renseigne aussi que ce taux d’avortement au Sénégal est inférieur à celui observé en l’Afrique de l’Ouest dans son ensemble (28 pour 1000 en 2008).

Face à cette situation, même si notre pays a ratifié depuis 2003 le Protocole de Maputo autorisant l’avortement médicalisé, en cas de viol et d’inceste, une loi pour son harmonisation et son insertion dans l’arsenal juridique national tarde à être adopté. Et le poids de la religion et de la culture constitue un frein à sa mise en œuvre. ¬¬

L’EGLISE DIT NON A L’AVORTEMENT, LES ECOLES «DIVISEES» EN ISLAM

Si au niveau de l’Eglise, la religion catholique est catégorique sur l’avortement en invoquant le 6ème Commandement de Dieu: «tu ne tueras pas», la communauté musulmane reste plus ouverte, avec les interprétations des différentes Ecoles. De ce fait, la nuance des 120 jours chez les Ecoles musulmanes est ainsi posée. Selon l’Imam Pape Kane des HLM, l’islam interdit l’avortement, sauf quand la vie de la mère est en danger. «Avorter revient à tuer un être humain» a-t-il fait savoir. Et de poursuivre : «dès l’instant de la conception, le fœtus commence à se développer dans le ventre de sa mère en suivant les différentes étapes pour devenir un être humain. Il est interdit à l’homme ou à la femme d’ôter la vie de son semblable».

Toutefois, l’imam Moussé Fall, président de l’Association des imams en santé de la population et développement, prend le contrepied de l’iman Kane. Dans les colonnes de Thiey Dakar, il a soutenu : «il existe plusieurs interprétations autour de l’avortement. Même si le principe de base de l’avortement est l’interdiction, des exceptions sont à noter en cas de viol, d’inceste et les situations où la vie de la femme est menacée» . Et de poursuivre : «la femme ne doit pas subir un préjudice à partir de ce qu’elle porte dans son ventre (Sourate 02 : Baqarah, la vache). Il en est de même pour une femme qui contracte une grossesse des suites d’un viol et/ou d’inceste. Il faut pratiquer l’avortement avant les 120 jours. Et là, l’on se réfère à la Sourate 23 : Al-Mouminoun (Les Croyants, entre les versets 12 et 14) qui définit les étapes de la grossesse».¬¬

MACKY SALL AUX ACTEURS : «D’ABORD CONVAINCRE LES POPULATIONS DE LA NECESSITE DE VOTER UNE TELLE LOI»

Au niveau du parlement, les femmes députés portent le combat. Beaucoup d’entre elles sont sensibilisés sur la question pour l’activation d’une loi allant dans le sens de réduire les cas d’infanticides et de mortalité maternelle et néonatale. Du côté du gouvernement, l’on soutient que les conditions ne sont pas encore réunies pour légaliser l’avortement médicalisée. Déjà l’ancien ministre de la Justice, Garde des Sceaux, Ismaïla Madior Fall, interpellé sur la question, avait déclaré : «les conditions ne sont pas encore mûres pour qu’on avance de façon significative sur la question, mais les discussions sont encore en cours». Et le chef de l’Etat Mack Sall de renchérir : «les acteurs doivent aller d’abord convaincre les populations de la nécessité de voter une telle loi, avant de l’y impliquer. De leur côté, les acteurs de la justice n’ont pas été laissés en rade concernant cette éventuelle loi».

QUELQUES POSITIONS DES HOMMES RELIGIEUX ET DES RELIGIONS SUR
L’AVORTEMENT MEDICALISE

a) Opposition des Chrétiens
Le pape Benoît XVI a décrit le Protocole comme “une tentative de banaliser subrepticement l’avortement”. Selon Me Valentin Gomis, les évêques catholiques d’Afrique s’opposent au Protocole de Maputo parce qu’il définit l’avortement comme un droit humain. L’article 14, en garantissant l’avortement en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste… est incompatible avec la morale chrétienne traditionnelle.

b) Opposition musulmane
Au Niger, avance Me Valentin Gomis, 31 parlementaires sur 42 ont voté contre la ratification en juin 2006. Dans ce pays musulman, plusieurs traditions interdites ou déconseillées par le Protocole sont courantes. En 2009, des groupes de femmes musulmanes nigériennes se sont réunis à Niamey pour protester contre ce qu’ils ont appelé “les Protocoles sataniques de Maputo”, spécifiant les limites imposées à l’âge limite du mariage des filles et à l’avortement.

QUE DIT LE PROTOCOLE DE MAPUTO SUR L’AVORTEMENT MEDICALISE ?

L’homme de droit, Me Henri Valentin Blaise Gomis décrypte le Protocole de Maputo. Selon lui, en effet, l’article 14.2 (a) et (c) du Protocole de Maputo, ratifié par le Sénégal le 08 janvier 2005, reconnait à la femme le droit à l’avortement. Car l’article 14 intitulé: «Droit à la santé et au contrôle des fonctions de reproduction», précise à l’alinéa 2.c que les Etats peuvent prendre toutes les mesures pour «protéger les droits reproductifs des femmes, particulièrement en autorisant l’avortement médicalisé en cas d’agression sexuelle, de viol, d’inceste et lorsque la grossesse met en danger la santé mentale et physique de la mère et du fœtus».

Toutefois, Me Gomis s’interroge sur la nuance- qu’il peut y avoir entre «agression sexuelle» et «viol», si ce n’est pas la même chose? Pour le juriste, cela voudrait tout simplement dire qu’une femme pourra se faire avorter en prétextant qu’elle n’était pas consentante à faire l’amour avec son partenaire habituel. Me Gomis est aussi revenu sur le terme «santé mentale» qui, pour lui, veut dire que le médecin pourra pratiquer l’avortement sous prétexte que la femme est dans un état de détresse mentale, comme par exemple faire des cauchemars, est anxieuse.

L’avocat inscrit au barreau du Sénégal a aussi convoqué la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (CEDEF) du 18 décembre 1979 des Nations Unies, entrée en vigueur le 03 septembre 1981, et le Protocole de la Charte Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples relatifs aux droits des femmes en Afrique (Protocole CADPH) adopté à Maputo, le 11 juillet 2003, qui parle de cet aspect.

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