L’assemblée nationale examine à partir de jeudi la loi censée lutter contre les fausses informations. Plusieurs autres pays songent à se doter d’un arsenal législatif.
Les députés français auront peu de points de comparaison dans l’examen de la loi contre les fausses informations. Le débat a beau avoir alimenté la chronique un peu partout en Europe ces dernières années, la plupart des pays européens n’ont pas fait pour l’heure évoluer leur législation.
Seule l’Allemagne s’est dotée d’un nouvel arsenal en la matière. La nouvelle loi « NetzDG », entrée en vigueur au 1er janvier, englobe la question des fausses informations dans un ensemble plus vaste de contenus illicites (propos racistes ou antisémites, incitations à la haine, propagande terroriste…). Elle impose aux plates-formes de supprimer sous vingt-quatre heures les contenus illégaux qui leur sont signalés, tous motifs confondus. En cas de manquement, les entreprises s’exposent à des amendes qui peuvent monter jusqu’à 50 millions d’euros.
Ce texte, qui vise avant tout les messages haineux, a été très critiqué outre-Rhin depuis son entrée en vigueur. Le parti d’extrême droite Alternative pour l’Allemagne (AfD), mais aussi les Verts, le Parti libéral-démocrate (FDP) et Die Linke (gauche radicale) ont dénoncé une « atteinte à l’Etat de droit ».
L’initiative a aussi été vilipendée par les plates-formes. A commencer par Facebook, hostile de longue date à toute législation qui lui fasse endosser des responsabilités éditoriales. « Ce qu’il se passe, c’est qu’il y a une pression à trop censurer, même lorsqu’on n’est pas sûrs que cela viole la loi allemande », estimait récemment sa directrice de la politique des contenus, Monika Bickert, dans une interview au Monde. Face aux contestations, le gouvernement allemand a promis d’évaluer la loi dans les mois qui viennent, ouvrant la porte à de possibles ajustements.
Des initiatives au Royaume-Uni et en Italie
A défaut de légiférer, plusieurs autres gouvernements ont évoqué la question ces derniers mois. Au Royaume-Uni, le gouvernement a annoncé en janvier la création d’une cellule pour combattre « la désinformation venant des acteurs étatiques ou autres ». Une commission d’enquête parlementaire travaille par ailleurs sur le sujet.
L’Italie n’a pas non plus modifié son arsenal juridique, mais a expérimenté une forme de riposte étatique contre les fausses informations par le biais d’une plate-forme spécifique. Ce site, lancé en janvier dans la perspective des élections générales du 4 mars, proposait à tout internaute de signaler de potentiels contenus fallacieux. Des services de police spécialisés s’efforçaient d’y répondre par la suite, lorsqu’il s’agissait de contenus mensongers.
La question de la désinformation préoccupe également la Commission européenne, à l’approche des élections européennes de 2019. Mais l’idée de créer de nouvelles réglementations européennes a pour l’heure été écartée. Après avoir fait plancher un groupe d’experts internationaux sur le sujet, Bruxelles a annoncé pour juillet la publication d’un « code de conduite » à destination des plates-formes, les incitants à s’autoréguler.
Si la voie législative a été écartée, pour l’heure, au niveau européen, la Commission en laisse planer la menace au cas où les décisions prises par les plates-formes sur le sujet seraient jugées insuffisantes. La Suisse, en 2017, a elle aussi renoncé à légiférer et a indiqué ne pas avoir vu « dans quelle mesure une réglementation étatique était nécessaire ».
Le monde