Seulement quelques millimètres de pluie, mais Médina Gounass est comme une île séparée de Dakar. Les populations sur place protestent contre la non assistance et le manque de considération dont ils font l’objet. Mais elles tiennent surtout à faire savoir qu’elles ne rejoindront point les tentes promises par l’Etat.
Médina Gounass, mercredi 30 juin. La vie semble reprendre son cours normal malgré le passage brutal de la pluie, la nuit d’avant. Ndèye Ly, la trentaine bien sonnée, bien maquillée, sort à pas feutrés de sa maison. La tête à moitié voilée, elle manifeste quelques signes de méfiance dès que nos regards se sont croisés. Mais un large sourire de notre part l’amène petit à petit à briser la glace.
Non loin de la maison de Ndèye Ly, des flaques d’eaux stagnantes rendent le passage difficile. Les quelques passants usent de toutes les astuces pour se frayer un chemin, sous peine de faire un long détour. « On ne peut pas rester éternellement dans nos maisons, il faut qu’on sorte au moins », informe-t-elle. Depuis quelques années, Ndeye est quelque peu dépaysée. Ses voisins d’à côté ont décampé. Chassés de leur maison par les eaux de pluies diluviennes de 2005. Elle, elle est toujours sur place. Et ne veut point quitter son quartier natal. « Nous n’avons que Gounass. Nous ne pouvons pas quitter le quartier du jour au lendemain », soutient-elle. De retour d’une visite de courtoisie chez une amie, Ndèye Fall, de passage dans le coin, semble s’intéresser à la discussion. Établie à Gounass depuis belle lurette, sa maison a été toujours la proie des eaux à chaque hivernage. Pour elle, les habitants de Médina Gounass sont des laissés pour compte. « Ce qui me fait le plus mal, c’est que nous ne voyons aucune autorité à nos côtés, dans ces moments difficiles », soutient-elle.
« Nous ne voulons pas des tentes de l’Etat »
Ndèye Fall alias « mère programme », comme l’appellent communément ses voisins du quartier, ne veut point entendre parler de déguerpissement vers de nouveaux sites tel que suggéré par le Premier ministre lors du dernier conseil interministériel. Devant sa maison, deux tas de sables déversés par un camion moyennant 8000 francs, sont visibles. Ils serviront à remblayer de nouveau sa maison. « Quitter nos maisons pour des tentes, il n’en est pas question. En ce qui me concerne, je préfère rester dans les eaux que de partir », affirme Ndeye Fall. Sa voisine Kiné Diallo, assise non loin d’elle, enfonce quant à elle le clou : « les tentes de l’Etat, nous n’en voulons pas ». Le refus catégorique de Ndeye et Kiné de quitter Gounass pour rejoindre Sangalkame, le nouveau site prévu pour les sinistrés, s’explique par les dures conditions de vie qu’elle ont connues en 2005. A cette époque, se souviennent-elles, elles vivaient avec leurs familles, entassées dans les tentes comme des sardines.
« Comment voulez-vous qu’on soit dans des tentes, au regard de la taille de nos familles ? », râle Sangoné Cissé. Qui s’étonne de la démarche du gouvernement qui prend des décisions sans consulter les populations autochtones. « Le gouvernement peut employer tous les moyens imaginables, mais nous ne quitterons pas », avertit Ndèye Fall, occupée à frire des patates douces qu’elle vend devant sa maison.
« Refaire les quartiers au lieu de procéder au déguerpissement »
Tout en restant ferme dans leur décision de ne pas bouger d’un iota, Sagoné et Ndeye Fall suggèrent la réfection du quartier, pour qu’il soit vivable. Autrement dit, il faut procéder à une nouvelle urbanisation et de lotir de nouveau Gounass. « Le mieux pour nous et pour l’Etat, c’est de nous refaire notre quartier, au lieu de vouloir faire quitter des familles qui ont leurs aïeux ici », informe Ndeye Fall.
Papa KEITA
lasquotidien.info