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Les baraques de la Médina au cœur de la capitale sénégalaise

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Créée en 1914 par William Ponty, la Médina a été érigée pour accueillir les populations noires chassées du centre-ville car accusées d’être les vecteurs de la peste qui sévissait à Dakar. Près d’un siècle après, certaines habitations installées à cet effet et demeurées inchangées, continuent d’abriter du monde. L’une des chambres de ces baraques a pris feu le dimanche 03 mars 2013 et a consumé toute la maison. Résultat : neuf morts. D’innocents enfants.
L’incendie qui s’est déclaré à la Médina n’a pas secoué les seuls habitants de Dakar. Avec 9 victimes, la catastrophe fortement relayée par la presse, a ému tout le Sénégal. Et quant il s’est agi d’atténuer la douleur, de secourir les rescapés, de chercher le coupable, les dahras ont été pointés du doigt. Mais quid des baraques, facteurs aggravants de cet incendie ? Ces presque centenaires maisons en bois, installées au cœur de la capitale sénégalaise ?

A la Médina, quartier sis au sud du centre ville de Dakar, malgré la canicule les rues ne désemplissent pas. Tout le monde cherche à s’occuper. Sous chaque arbre, chaque coin de rue, on distingue un atelier ou une boutique, un commerçant proposant tel ou tel produit devant un étalage. Si ce ne sont des enfants jouant au football au milieu de la route, on trouvera assurément une cérémonie dont les installations empiètent sur la chaussée. Médina, la banlieue du centre ville, est un des quartiers les plus peuplés de Dakar. A sa création, elle comptait six quartiers traditionnels ou pinths en wolof et était délimitée du centre ville par des filaos à l’actuelle avenue Malick SY. Elle ne s’est guère agrandie mais compte de plus en plus d’habitants. Au dernier recensement, 24 800 âmes y vivaient. Située pas très loin de l’université Cheikh Anta Diop et proche du marché Sandaga, la Médina – l’une des 19 communes d’arrondissement de la ville de Dakar – est le fief des adultes pour ne pas dire des célibataires.

A la rue 19X6, les discussions sont feutrées et se déroulent presque à voix basse. La catastrophe demeure encore dans tous les esprits. On n’en revient toujours pas. On croit difficilement qu’un incendie ait pu décimer neuf personnes en moins d’une heure. Au bout d’étroites allées qu’un véhicule ne pourrait traverser, la maison sinistrée donne l’impression d’avoir reçu un obus. Seul un bâtiment de moins deux mètres carrés (les toilettes) reste debout. Tout le reste est rasé et transformé en cendres. Un habitant témoigne : « Eteindre les flammes s’est avéré extrêmement difficile. Ainsi, tout ce qui pouvait brûler s’est consumé ». Les témoignages se succèdent et se recoupent. Et l’on peut en conclure que les choses sont allées vite, trop vite pour les secouristes circonstanciels qui n’avaient plus que leurs larmes pour sécher les cendres, les flammes gourmandes ayant tout englouti sur leur funeste passage.

UN BILAN LOURD

Les témoins sont formels, un maître coranique avait loué deux chambres dans cette baraque où certains de ses disciples passaient la nuit. Ceux-ci cohabitaient avec deux femmes qui vivaient chacune avec ses enfants. C’est de la chambre de l’une de ces femmes, Alimatou Diallo précisément, que les flammes sont parties. Elle perdra sa fille. Le maître coranique déclarera avoir perdu sept de ses élèves, trois Bissau guinéens et quatre Sénégalais.

Un bilan lourd, beaucoup trop lourd, qu’un voisin des familles éplorées tente de décrypter : « Si c’était une construction en ciment, les flammes auraient pu être étouffées dans la chambre d’où elles venaient. Et sans débordement, les dégâts se limiteraient là-bas », tonne-il. Toutes les chambres étant en bois, un bois que le temps a fini de ronger, le feu n’a rien épargné. Les rescapés ne devront leur salut qu’à leur vivacité qui leur a permis de s’échapper dès les premières braises. « Rendez-vous compte : Rien n’a pu être préservé, aucun bagage n’a été sorti ! On n’a pas pu sauver tous les enfants », atteste Coumba, médusée.

CONDITIONS PRECAIRE

Seydou Barry, un étudiant guinéen, habite avec ses trois frères à quelques mètres de là, dans une baraque semblable à celle qui a brûlé. Un matelas à même le sol à gauche, une table à droite. Au milieu, ustensiles et valises se disputent la place sous un plafond de tuiles noircies. Ces installations électriques vétustes peuvent provoquer toutes sortes de court-circuits capables d’embraser toute la rue. S’échappant des toilettes communes, l’eau dégouline, formant des sillons où mouches et moustiques s’approvisionnent en saletés et microbes. « Nous passons la journée à l’université. Même les dimanches nous sommes là-bas, on ne fait que dormir ici », dit-il, sur la défensive.

En plus de leur état de dégradation avancée et de la menace qu’elles représentent, certaines de ces baraques ne disposent ni de robinets ni de canaux d’évacuation des eaux usées. On nous apprend que ce sont les « talibés » eux-mêmes qui avaient creusé la fosse sceptique de la maison endeuillée.

DES PESANTEURS SOCIALES

A la rue 7X8, Lamine Niang, tapissier de profession, explique : « Moi je suis là depuis 1945 et je peux vous dire que si j’avais les moyens, je ne passerais pas une nuit de plus dans cette baraque. Malheureusement, je n’ai pas le choix ». A la question de savoir pourquoi il n’a pas transformé la maison, il rétorque : « vous savez, ici, c’est une maison de famille. Je suis avec mes frères et sœurs, ma seule volonté ne suffit pas. Si j’avais les moyens, j’irais m’installer ailleurs ». D’autres chambres en ciment ont été construites ; mais le principal bâtiment, en bois et comportant plusieurs chambres, reste intact, récalcitrant à toute démolition. « A l’approche de l’hivernage, nous effectuons quelques réparations pour parer à toute éventualité », explique monsieur Niang, qui a installé son atelier à la devanture de la maison. Même son de cloche du côté de Amadou, un soudeur métallique qui a aussi installé son établissement devant sa maison en bois ployant sous le poids des tuiles. Il affirme, déterminé à finir ses jours dans cette rue, que la maison appartenait à leur grand-père, « pendant l’héritage, tout ce que mon grand-père avait laissé, a été partagé sauf cette maison. C’est Serigne Malick SY qui l’avait choisie express pour lui. En sa mémoire, nous la gardons toujours et y organisons annuellement des tours de famille ».

Du côté des autorités, la présence de ces baraques au cœur de la capitale ne semble guère inquiétante, promptes qu’elles sont à présenter des condoléances mais tout aussi réfractaires aux mesures courageuses pouvant s’avérer impopulaires. Pendant que du côté de la mairie de Dakar, Khalifa SALL semble plus préoccupé par la présence des marchands ambulants, le régime de Macky SALL préfère contourner la question et poser la problématique de la mendicité. Seulement, avec une catastrophe de cette ampleur, il est peut-être temps d’instaurer de fond en comble le débat sur l’habitat à Dakar et à travers l’ensemble du territoire national.

Mame Birame WATHIE

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