Au Niger, le second tour de la présidentielle a lieu ce samedi 12 mars. Il opposera deux anciens Premiers ministres : Mahamadou Issoufou, 36% des voix au 1er tour, et Seini Oumarou, 23% des voix. Mahamadou Issoufou, c’est l’homme de gauche, l’opposant historique. Son parti, le PNDS, est membre de l’Internationale socialiste. Seini Oumarou, c’est l’héritier du président déchu Mamadou Tandja, renversé début 2010 par le colonel Salou Djibo. Son parti, le MNSD, garde beaucoup d’influence dans les villages.
RFI : Seini Oumarou. A l’issue du premier tour, vous avez treize points de retard sur votre adversaire. Est-ce que c’est difficile à rattraper ou pas ?
Seini Oumarou : Nous ne trouvons pas que c’est difficile, parce que ce n’est pas mathématique. Et de toute façon, pour le second tour on ramène le compteur à zéro. Donc, nous gardons notre sérénité. Nous sommes présentement même en pleine campagne. Et – Inch’Allah !- nous avons beaucoup d’espoir.
RFI : Hama Amadou, qui est arrivé troisième position avec près de 20 % des voix, s’est rallié à la candidature de votre adversaire. Est-ce que ce n’est pas un handicap supplémentaire pour vous ?
S.O : Pas du tout, parce que pour nous, c’est la locomotive qui est partie, mais les wagons sont là.
RFI : Et justement, pour vous les wagons, c’est ce qu’il y a de plus important.
S.O : Absolument.
RFI : Donc, le contenu de votre programme
S.O : Exactement. Le contenu du programme… Et je pense que ce que Hama Amadou a fait, beaucoup de militants de Lumana [son parti] vont le lui signifier par le vote qu’ils vont faire en faveur en ma faveur, pour la simple raison qu’il n’a pas respecté ses engagements.
RFI : Lors de la campagne, Hama Amadou a dit : « Au MNSD ce sont de mauvais gestionnaires et je les connais bien. Ils n’ont pas bien géré le pays ».
S.O : Eh bien si c’est quelqu’un d’autre qui l’avait dit, peut-être que je l’aurais cru. Mais, à ce que je sache, Hama Amadou est resté sept ans et demi à la tête du gouvernement, et dans un régime du MNSD. Donc s’il dit ça, il ne s’adresse qu’à lui-même.
RFI: Qu’est-ce qui changera si vous êtes élu ?
S.O : Il y a beaucoup de choses qui ont été faites pendant les dix années de régime MNSD. Nous allons consolider tout ce qui a été fait et qui répond aux préoccupations des populations. Ce qui a été fait, sur lequel peut-être il y a des erreurs, nous allons les corriger. Et ce qui n’a pas été fait qui aurait dû être fait, nous allons le faire.
RFI : Parmi les erreurs, est-ce qu’il y a le « tazartché », cette tentative de Mamadou Tandja de s’accrocher au pouvoir ?
S.O : Je pense que, comme l’a dit le général Salou Djibo [chef de la junte au pouvoir, NDRL], ce n’est pas seulement le président Tandja qui est responsable. Toute la classe politique en est responsable, à un degré ou à un autre. Et pour nous, le « tazartché », on le regarde dans le rétroviseur. Et comme l’a dit le président du CSRD [Conseil suprême pour la restauration de la démocratie, NDRL], il faut regarder l’avenir. Il a fait un coup d’Etat contre un système, comme il l’a dit lui-même, pas contre une personne. Et ce système, aujourd’hui n’est plus. La démocratie a été restaurée et nous comptons à travers la restauration de cette démocratie – si toutefois nous sommes élus, plaise à Dieu ! – instaurer notre programme.
RFI : Donc, la page Tandja est tournée ?
S.O : La page Tandja, en ce qui concerne le « tazartché », pour nous est tournée, mais pas ce que Tandja a fait pour le Niger. Là, ce n’est pas tourné et pour nous ça restera toujours, même dans les archives du Niger.
RFI : Vous avez déjà dit que si vous étiez élu, vous accorderiez votre grâce à Mamadou Tandja. Est-ce que cela veut dire qu’il deviendrait à nouveau le patron du Niger ?
S.O : Le président Tandja a dirigé ce pays pendant dix ans. Ce que le président Tandja a fait pour ce pays, personne, aucun chef d’Etat, ne l’a fait avant. Et aujourd’hui, Tandja est en détention. Pour nous c’est un prisonnier politique. Mais Tandja n’est pas candidat, il n’a pas à aspiré à être candidat.
RFI : Oui, mais vous savez ce que beaucoup de gens disent. C’est que si vous êtes élu, il sera libéré et reviendra aux affaires.
S.O : Pour l’instant, c’est moi qui suis le candidat. Ce n’est pas le président Tandja. Je suis le candidat de l’ARN, avec comme allié le président Mahamane Ousmane, le président Issoufou Oubandawaki et d’autres partis. Ce programme, nous comptons en tout cas le mener, une fois au pouvoir, ensemble. Le président Tandja ne sera, ni dans le gouvernement, ni dans une des institutions de l’Etat. Je me demande en quoi le président Tandja pourrait intervenir.
Mahamadou Issoufou: «Je ne vois pas comment je peux ne pas vaincre le 12 mars prochain »
RFI : Mahamadou Issoufou, vous dites que normalement, vous devriez gagner ce second tour. Qu’est-ce qui vous rend aussi confiant ?
Mahamadou Issoufou : Ce qui me rend confiant, c’est que, d’abord, au premier tour de l’élection présidentielle, les électeurs m’ont mis en tête de tous les candidats, avec 36 %. La deuxième raison c’est que j’ai eu le soutien du troisième candidat à l’élection présidentielle, j’ai nommé l’ancien Premier ministre Hama Amadou, qui a eu 20 % au premier tour de l’élection présidentielle. Et puis, en plus de ce soutien important, j’ai le soutien d’autres candidats, ce qui fait que j’ai un potentiel de voix d’électeurs, qui est entre 70 et 75 %, et je ne vois pas comment je peux ne pas – Inch’Allah ! – vaincre le 12 mars prochain.
RFI : Votre adversaire, Seini Oumarou, dit que les compteurs sont remis à zéro, pour ce second tour, un peu comme en Guinée Conakry, il y a quelques mois…
M.I : La situation du Niger n’est pas celle de la Guinée. Le Niger est un pays qui a une tradition démocratique, contrairement à la Guinée. Cela fait vingt ans que nous sommes dans ce processus démocratique. Et à chaque fois qu’il y a eu des élections, que des consignes ont été données aux électeurs, ces consignes ont été respectées. Et je ne vois pas comment ces consignes ne seraient respectées, cette fois-ci également.
RFI : Qu’est-ce qui changera, Mahamadou Issoufou, si vous êtes élu ?
M.I : Beaucoup de choses vont changer. Il y aura certainement une rupture de la gouvernance du pays. Nous allons mettre en place des règles de bonne gouvernance. La première des priorités, c’est créer les conditions de la sécurité. Vous connaissez les menaces : menaces d’Aqmi, menaces des organisations criminelles de trafic de drogue, et puis la menace de ceux qu’on appelle ici « les forces centrifuges » qui vont en rébellion de temps en temps. Maintenant au plan économique, tous les investissements qu’on a prévus, nous permettront de créer des emplois, de faire reculer le chômage dans le pays. Nous prévoyons la création sur cinq ans** de 250 000 emplois pour les jeunes.
RFI : Ce qui vous rend confiant, vous l’avez dit, c’est notamment le ralliement de Hama Amadou, qui a obtenu près de 20 % des voix au premier tour, mais il a fait plusieurs voltes-faces ces derniers mois. Est-ce que ce ralliement n’est pas fragile ?
M.I : Ce ralliement n’est pas fragile. Je voudrais vous rappeler ici qu’on a déjà une expérience de travail en commun avec Hama Amadou. En 1993, on était dans la même coalition. J’étais président de l’Assemblée nationale, il était Premier-ministre. Et pendant tout le temps qu’on était restés ensemble, il n’y a pas eu de friction entre nous. La gestion du pays a été faite de manière consensuelle. Non, il n’est pas fragile. Ce n’est pas une simple alliance entre états-majors des partis politiques. C’est une alliance entre les militants du PNDS et les militants du Modem Lumana, le parti de Hama Amadou, et on a fait une tournée ensemble. On a mené campagne ensemble pour le deuxième tour. Partout où on a été, on a senti la solidité de cette alliance-là entre les deux partis.
RFI : Et si vous êtes élu président, que deviendra Hama Amadou ?
M.I : Eh bien vous aurez la réponse après l’investiture.
RFI : On dit que vous ne souhaitez pas soit votre Premier-ministre, parce que vous êtes quand même assez jaloux de vos prérogatives. Est-ce que c’est vrai ?
M.I : Non, je n’ai jamais dit ça. Je dis : je répondrai à votre question après l’élection et après, Inch’Allah.
RFI : Hama Amadou président de l’Assemblée nationale, c’est possible ?
M.I : Je vous répondrai après l’investiture.
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