Depuis l’irruption des chinois dans le marché sénégalais de l’arachide, suite aux accords commerciaux obtenus de la Chine par nos autorités, la SONACOS et les autres huiliers en général peinent chaque année à boucler leurs objectifs de collecte, puisque ces nouveaux venus paient le kg au-delà du prix plancher convenu entre l’Etat et les différents acteurs nationaux.
Il faut dire que les huiliers sont rattrapés par deux aspects essentiels que sont les lois immuables du marché et leur position de confort adoptée depuis toujours. Le marché obéit à la loi de l’offre et de la demande qui régente les prix, quant à la position de confort, les huiliers se sont toujours contentés d’attendre tranquillement que les paysans récoltent pour dicter leur loi et s’approvisionner à souhait. Les paysans devaient, et doivent toujours se débrouiller seuls si, ce n’est l’apport de l’Etat, pour trouver des semences de qualité, des intrants et du matériel agricoles, des moyens de subsistance, et enfin récolter et transporter leur production jusqu’aux points de collecte définis unilatéralement par les huiliers. S’ouvrent alors une autre série de tracasseries comme les files d’attentes, les abattements imposés par les acheteurs qui dévalorisent leur produit et comble de malheur, par le passé, des retards de paiement (bons impayés heureusement disparus aujourd’hui). Tout ceci nonobstant d’énormes efforts toujours consentis par l’Etat pour les accompagner par le biais d’intermédiaires véreux qui en oblitèrent l’efficacité (les opérateurs) par des pratiques spéculatives voire usurières.
Cette attitude très parcimonieuse, occulte la partie amont de la chaine de valeur de l’arachide qui est ainsi entièrement laissée entre les mains de l’Etat et des producteurs. Je ne crois pas que les huiliers aient investis un tant soit peu dans la recherche-développement permettant d’améliorer la qualité des semences, la fertilisation des sols, la protection des cultures et des récoltes, encore moins dans l’encadrement et le financement des producteurs. Or ces aspects, d’une importance déterminante dans la chaine de valeur, ne relèvent pas du champ de compétences des producteurs.
Une meilleure implication des huiliers dans ces phases prépondérantes des opérations, sous forme d’un accompagnement des producteurs, encadré par des contrats d’achats à terme de leur production, dits Contrats à terme, pourrait leur permettre de sécuriser les stocks indispensables à la survie de leurs activités et constituer ainsi une solution à leur calvaire récurent qui les conduira indubitablement au dépôt de bilan si un changement de paradigme n’est pas opérer comme l’a récemment suggéré le Chef de l’Etat.
Qu’est ce qu’un Contrat à terme ?
Les contrats à terme permettent de négocier aujourd’hui la vente ou l’achat dans le futur d’un produit quelconque, à un prix déterminé d’avance. Ce sont des produits dérivés (sans doute les plus simples), puisque leur prix va dépendre de l’évolution des prix au comptant du bien sur lequel ils portent.
Le négoce à terme est d’existence ancienne, et n’est pas né sur les marchés financiers. De tous temps, les producteurs et les utilisateurs de matières premières et de produits agricoles ont voulu se protéger contre des fluctuations brutales des prix. C’est un mécanisme conçu à l’origine pour les marchés agricoles pour juguler les incertitudes dues aux fluctuations des cours des matières premières. Ils permettent à un producteur d’anticiper sur le marché et d‘estimer sa récolte escomptée en la valorisant sur la base d’un prix convenu d’avance avec un acheteur et se protéger par un contrat convenu d’avance avec son acheteur.
Les deux formes principales de contrats à terme sont les contrats forwards et les contrats futurs. Tous deux représentent des engagements fermes à livrer, à échéance, l’actif sur lequel ils portent. Le contrat forward est le nom anglais du contrat à terme. C’est un engagement ferme à vendre ou acheter un bien quelconque (appelé actif sous-jacent), dans un délai et à un prix (prix forward) fixés aujourd’hui par les deux parties. Les contrats forwards sont dits de gré à gré, car ils sont conclus de manière individuelle entre l’acheteur et le vendeur, pour répondre à leurs besoins particuliers. Ils ne sont pas cotés en Bourse.
Les contrats futurs
Les contrats futurs sont, à l’instar des contrats forwards, des engagements fermes à livrer à terme un actif (sous-jacent) quelconque. Ils diffèrent des forwards sur plusieurs points:
- Standardisation: les actifs sur lesquels ils portent (notamment en termes de qualité), les quantités et les délais de livraison sont définis par les Bourses où ils sont traités. Les prix sont ensuite déterminés chaque jour par les transactions et cotés à la Bourse.
- les parties prenantes à chaque contrat ne se connaissent pas. C’est la Chambre de Compensation de la Bourse qui est la contrepartie de chaque transaction, et qui se porte garante de l’exécution de ce dernier
- les profits et pertes enregistrés par les positions sur futures sont réglés chaque jour, et non à échéance comme dans le cas des forwards, par le mécanisme des marges et du marking-to-market
La standardisation est la caractéristique majeure des contrats futurs. Son but est de faciliter le négoce à terme des matières en permettant aux agents de trouver un marché liquide, sans risque d’inexécution des contrats. La liquidité permet d’entrer et de sortir en tous temps du marché, contrairement au marché forward de gré à gré; sur ce dernier marché, les caractéristiques de chaque transaction sont particulières aux deux parties qui les ont conclues, et la sortie du contrat implique de trouver un nouvel acheteur ou vendeur ayant exactement les mêmes besoins.
Ces différences mises à part, les contrats futurs fonctionnent sur le même principe que les contrats forwards. Le calcul de leur prix théorique s’effectue de la même manière pour les deux formes de contrats.
Il faut encore mentionner le fait que les contrats futurs vont rarement jusqu’à la livraison physique du sous-jacent. Ils sont principalement utilisés pour se couvrir (se protéger) ou pour profiter de variations de prix, et les positions prises sont en majorité closes avant expiration des contrats.
Profil gains/pertes
Le vendeur est dit être dans une position courte (short), l’acheteur est inversement dans une position longue (long). Le prix à terme (ou prix forward) est fixé de telle sorte que la valeur à la conclusion du contrat est nulle: la prise d’une position ne coûte donc rien, ni à l’acheteur ni au vendeur. Par la suite, et jusqu’à la date de règlement (fixée dans le contrat), le prix du contrat forward variera selon le prix au comptant de l’actif sous-jacent.
Exemple
Le prix forward d’une cargaison de blé a été fixé à USD 1’100; si le prix du blé au comptant avant l’échéance du contrat monte au-dessus de USD 1’100, la position longue (acheteur) devient positive (l’acheteur gagne de l’argent), et inversement la position courte devient négative. A échéance du contrat, l’acheteur verse au vendeur le prix fixé par le contrat: si le prix au comptant est plus élevé, il fait un bénéfice.
Dans le cas d’espèce (collecte de l’arachide par les huiliers), le prix référence du kilogramme d’arachide pourrait être celui à fixer, le moment venu, par l’Etat et ses partenaires, pondéré par un taux fixé d’un commun accord selon sa valeur réelle sur le marché. Cela assurera au producteur un revenu approximatif (dépendant de sa production) connu d’avance et aux huiliers de sécuriser leur survie par la disponibilité de la matière première indispensable à l’exercice de leur activité.
Avantages
Ce mécanisme établit une relation de confiance entre le producteur et son client, qui le protège et lui confère une sérénité indispensable à son épanouissement. Le contrat d’achat à terme de sa production inclura, pour le producteur, toutes les dispositions d’accompagnement nécessaires au bon exercice de son métier, depuis l’accès à des semences de qualité et aux autres intrants agricoles indispensables (engrais, matériels agricoles, vivres de soudure, etc.) jusqu’à l’enlèvement, bord champ, de la production en passant par la mise à disposition d’outils d’allègement des travaux. Il aura ainsi toute la sérénité requise pour se consacrer à ce qu’il sait faire, son cœur de métier, c’est-à-dire : produire.
Mor Ndiaye Mbaye
Expert en SI&Base de données
Conseiller national pour le numérique
Blog : morfattah.blogspot.com