Les forces pro-Ouattara en route vers Abidjan, Gbagbo garde le silence
Côte d`Ivoire: les forces pro-Ouattara à 110 km à l`est d`Abidjan (habitants)
ABIDJAN, Les forces du président ivoirien reconnu par
la communauté internationale Alassane Ouattara s’approchaient jeudi d’Abidjan,
où régnait une extrême tension, tandis que le chef d’Etat sortant Laurent
Gbagbo, de plus en plus menacé, gardait le mystère sur ses intentions.
Au lendemain de la prise de la capitale politique Yamoussoukro et de Gagnoa
(centre-ouest), au coeur de la région natale de M. Gbagbo, les Forces
républicaines de M. Ouattara continuaient leur offensive éclair lancée lundi,
sans rencontrer de forte résistance, et parfois même sans combat.
Elles ont été vues dans la matinée à Nzianouan, à environ 130 km au
nord-ouest d’Abidjan, sur le grand axe routier reliant Yamoussoukro et la
capitale économique.
« J’ai vu des colonnes de rebelles (combattants pro-Ouattara), avec des 4X4,
traverser Nzianouan vers 09H00 (locales et GMT). Il y avait des mitrailleuses
sur des véhicules militaires », a indiqué un témoin.
« Ils ont aussi perquisitionné la gendarmerie de Nzianouan », probablement
pour prendre des armes, « et ils sont repartis vers Abidjan », a-t-il ajouté.
Dans la capitale économique, la plupart des rues étaient dans la matinée
quasi-désertes. Les rares transports en commun faisaient souvent demi-tour
devant les nombreux barrages de « jeunes patriotes » pro-Gbagbo installés ces
dernières heures.
Des tirs sporadiques d’armes légères étaient entendus dans plusieurs
quartiers, notamment près du grand camp de gendarmerie de la ville et au
Plateau, coeur du pouvoir de M. Gbagbo, ont constaté des journalistes de l’AFP.
« Et maintenant? », demandait en « Une » le quotidien d’Etat Fraternité-Matin,
traduisant l’immense climat d’incertitude.
En position de force après quatre mois d’une crise post-électorale qui a
fait plus de 460 morts selon l’ONU, Guillaume Soro, Premier ministre de M.
Ouattara, avait averti mercredi que M. Gbagbo avait « encore quelques heures
pour partir, sinon ce sera la marche sur Abidjan. Et ce sera beaucoup plus
compliqué pour lui ».
Mais le président sortant n’a pas fait savoir quel choix il ferait,
bataille d’Abidjan ou retrait. Après un long silence, M. Gbagbo, qui devait
s’adresser à la Nation mercredi soir, y a finalement renoncé sans explication.
Il devait présider à la mi-journée un Conseil des ministres, selon une source
gouvernementale.
Sur le front ouest, les Forces républicaines ont pris dans la nuit le
contrôle de San Pedro, plus grand port de cacao au monde, dont la Côte
d’Ivoire est premier producteur mondial.
« Ils contrôlent le port, tous les secteurs stratégiques de la ville », a
indiqué un habitant.
Selon plusieurs témoignages, des miliciens pro-Gbagbo ont pillé mercredi de
nombreux commerces et incendié le commissariat où ils avaient volé des armes.
Les cours du cacao, première richesse nationale, ont dégringolé depuis le
début de la semaine, tombant à des plus bas depuis près de trois mois, les
opérateurs craignant un afflux de stocks de fève brune sur le marché.
La pression extérieure sur le régime en place était énorme. M. Gbagbo doit
« entendre le message » du Conseil de sécurité de l’ONU, qui a exigé mercredi
son départ immédiat, et « arrêter de faire couler le sang » des Ivoiriens, a
appelé la France, ex-puissance coloniale.
Longtemps solide alliée du président sortant avant de reconnaître la
victoire de son rival au scrutin de novembre, l’Afrique du Sud a appelé à la
fin des violences, déplorant que le pays soit « en train de replonger dans la
guerre civile ».
Human Rights Watch (HRW) a accusé des milices et mercenaires libériens
soutenant le président sortant d’avoir « massacré » des Ouest-Africains, dont
« au moins 37 » en un jour, le 22 mars dans une localité de l’ouest cacaoyer.
AFP