Les frères Faye, une saga de belles notes

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Depuis quatre décennies, les frères Faye bercent leurs fans de belles notes musicales. Adama – qui n’est plus, Vieux Mac, Lamine, Habib et Moustapha Faye ont apposé leur signature de façon indélébile sur les mélodies qui ont longtemps propulsé au devant de la scène une pléthore d’artistes.

 »On n’est jamais musicien par hasard, on naît musicien. Avant sa naissance, je me souviens que mon fils Wagane avait l’habitude de donner des coups de pied à sa mère et il suffisait que je joue quelques notes avec ma guitare pour qu’il arrête. C’était pareil pour mes autres enfants. » Anecdotique, cette confidence de Vieux Mac Faye résume l’ancrage musicale des frères Faye.
D’abord le père de famille, Ibou Faye. Il a passé trente-cinq ans de sa vie à enseigner le Français, l’Histoire, la Géographie, l’Instruction civique et la musique à l’école. A ses heures perdues, le professeur était un musicien discret. Il évitait de jouer devant ses enfants. Chaque fois que ceux-ci le surprenaient en train de composer quelques mélodies, il s’empressait de ranger sa guitare. Malgré tout, il suffisait que les notes mélodieuses tombent dans l’oreille de l’un de ses fils pour que le reste de la troupe vienne écouter en spectateurs invisibles.  »Un jour, notre père avait éteint la lumière de sa chambre pour jouer quelques notes. Quand il a senti qu’on l’épiait, il a tout de suite arrêté de jouer », narre Vieux Mac Faye, guitariste et chanteur. Confronté à la passion de ses enfants, M. Faye ne les y encouragea pas de crainte de cette étiquette de  »vagabond » qui collait aux musiciens de l’époque. Mais le papa n’y pourra rien, ses enfants ont piqué le virus de la musique. Et lorsqu’il accepte de donner sa bénédiction, Faye père posa deux conditions : la première est que les enfants fassent leur musique en évitant son côté  »néfaste et négatif » ; le seconde, qu’ils ne devaient jamais se réunir pour jouer ensemble. Personne n’a pu décrypter ce mystère paternel : chaque fois que les frères Faye s’étaient réunis pour jouer ensemble, cela ne marchait pas.

Adama, le  »génie »
L’aîné, Adama Faye, donnera le la de cette saga mélodique. Il s’occupera de la formation et guidera les pas de ses frères dans la musique.  »Je me souviens que notre père avait deux guitares acoustiques à la maison, dont l’une était entièrement en fer. Curieux et très imbu de musique, Adama est allé vers l’instrument et on a senti que la musique était en lui. Depuis ce jour, il a été le premier à tâter un instrument de musique et à imiter notre père », se souvient le patron du Mac Show Band.
Musicien pétri de talent, Adama Faye impressionne.  »Il était tellement artiste-musicien que ses compositions relevaient du génie. Et moi je suis de ceux qui croient que les génies ne sont pas nombreux. Le Bon Dieu les envoie juste pour une mission ; une fois accomplie, ils s’en vont », confie Vieux Mac. En reconnaissance de ce talent, le ministère de la Culture a retenu la Journée mondiale du jazz célébré le 30 avril dernier pour rendre hommage à Adama, décédé en août 2006. En outre, à travers les paroles de la chanson  »Ada », titre éponyme de sa dernière production célébrant ses quarante ans de musique, Omar Pène rend aussi hommage à ce monument discret qui a contribué à faire du lead vocal du Super Diamono l’icône qu’il est devenu aujourd’hui.  »Jaraaf »,  »Silmaxa »,  »Jigeenu Ndakaaru » et plusieurs tubes à succès du Super Diamono sont des compositions signées Adama Faye. D’autres ténors de la musique sénégalaise, tels que Youssou Ndour (pour les albums  »Ndobine » et  »Wagane »), Thione Ballago Seck ( »Man mi ñuul » et  »Yen ») et Ismael Lô ( »Xiif ») ont aussi profiter du savoir-faire d’Adama Faye.

Vieux Mac, le greffier, guitariste et chanteur
Greffier de son état, Vieux Mac Faye n’est plus à présenter sur le paysage musical au Sénégal. Comme ses frères, il a eu pour maître et formateur musical Adama Faye. Mais arrivé à un stade où il avait besoin de se concentrer sur ses études universitaires, Vieux Mac s’était désolidarisé des autres frangins. Le jour où son professeur de droit constitutionnel lui colla la note de 1, il s’enferma avec sa guitare durant douze heures pour jouer afin d’avaler cette pilule amère, dit-il. Depuis lors, Vieux Mac Faye ne lâche plus la musique, il allie celle-ci et les études. En 1984, il se révélera au public sénégalais à travers ses notes de guitare dans l’album  »Xalaat » d’Ismael Lô. De nombreux mélomanes mimaient ses airs de chansons telles que  »Ataya »,  »Ndiawar »,  »Natt »,  »Sophia »,  »Ceddo », etc. Et depuis 1991, le greffier pousse de la chansonnette sur des airs  »Afro-blues » qu’il revendique comme son identité musicale. L’agent au tribunal départemental de Dakar continue, avec son groupe Mac Show Band, de perpétuer l’héritage Faye à travers un style qui lui est propre.

Lamine, le digne successeur
Adama éteint, Lamine Faye a pris le relais au Super Diamono. Il avait la lourde tâche de remplacer à la guitare solo le maître qui lui avait enseigné le syllabaire musical. Et à la surprise générale, ce qui semblait être difficile et impossible à la limite pour plusieurs mélomanes, sera la révélation d’un musicien doté d’une dextérité unique en son genre. Pour Lamine Faye qui rêvait de devenir un grand musicien comme Khandis, c’était l’opportunité de mettre en pratique tout ce qu’il a appris de lui. Il s’adapte aisément à la philosophie musicale du Super Diamono.  »Parmi nous, c’est Lamine qui a été le plus choyé par Adama », souffle Vieux Mac Faye. En complicité professionnelle avec des musiciens comme Bob Sène, Abdou Mbacké Ngom, Lappa Diagne, Aziz Seck, Alassane Djigo, Alain Edgard, Ibou Konaté et Moustapha Fall, Lamine Faye contribue à donner une audience internationale à la musique du Super Diamono. Les albums  »Soweto »,  »Cheikh Anta Diop » et  »Adama Ndiaye », productions d’anthologie, en attestent.
Le divorce d’avec le Super Diamono survient quelques années plus tard. Lamine Faye va alors développer sa vision de la musique sénégalaise. En phase d’expérimentation, il met en exergue son talent d’arrangeur pour des chanteurs comme Mapenda Seck, Daro Mbaye, Moussa Ngom, etc. Avec une ossature composée de ses jeunes frères Moustapha, au clavier, et Mahanta, à la batterie, Lamine crée le Lemzo Diamono, en 1991. Le groupe bousculera la hiérarchie musicale en imposant un style particulier basé sur le  »marimbalax ». Cette mélodie rythmée où le clavier se mue en balafon sur un air de mbalax doit ses premières compositions à Adama Faye, avant que son jeune frère Habib ne l’exécute savamment pour la chanson  »Sabar » de Youssou Ndour à l’occasion d’un spectacle mémorable à l’Opéra de Paris en 1988. Ainsi, le Lemzo Diamono va faire éclore une brochette de jeunes chanteurs et musiciens, aux fortunes diverses : Alioune Mbaye Nder, Salam Diallo, Fallou Dieng, Mada Bâ, Pape Diouf, Moussa Traoré, Amath Samb, Baye Demba Ndir, Amy Mbengue, etc. Même si le Lemzo Diamono n’existe plus après deux générations de musiciens, ses anciens pensionnaires, à l’instar de Pape Diouf et Alioune Mbaye Nder, continuent de faire la fierté de la musique sénégalaise. Quant à Lamine Faye, il participe toujours à la promotion du genre musical au sein de la Génération consciente de son ancien élève Pape Diouf.

Habib, la chance de jouer avec le maître

Comme ses frères, Habib Faye ne va pas déroger à la règle musicale de la famille. Dès l’âge de douze ans déjà, il assiste aux répétitions du Super Diamono qui se faisaient dans la maison des Faye. Curieux et partageant la même passion que ses aînés, Habib se fait bagagiste pour assister et jouer à la guitare basse avec le Super Diamono. Quelques années plus tard, son jeune frère Moustapha Faye et lui feront partie de ces jeunes musiciens que Youssou Ndour a réunis autour de Kabou Guèye au sein de la deuxième formation du Super Étoile de Dakar. En 1985, Habib rejoint la grande formation pour les albums  »Ndobine » et  »Wagane » dont les arrangements sont signés par Adama Faye. Musicien talentueux, le jeune Habib évolue aux côtés de son maître.  »J’ai eu cette chance d’avoir été le premier à partager le même orchestre qu’Adama », s’enorgueillit-il, quand EnQuête l’a trouvé dans le studio d’enregistrement du chanteur Sidy Samb. Au départ d’Adama, Youssou Ndour n’hésitera pas à faire d’Habib le plus jeune patron du Super Étoile. Et dans les années 90, le roi du mbalax qui ne tarissait pas d’éloges pour son bassiste affirma à la face du monde qu’Habib Faye représentait  »75% du Super Étoile ». Vingt-six ans plus tard, Habib Faye va pourtant s’affranchir du Super Étoile pour se lancer dans une carrière solo ponctuée par la sortie de son album  »H2o ». Par ailleurs, il a arrangé la musique d’artistes de renom comme Kiné Lam, Ndongo Lô, Sidy Samb, etc. Angélique Kidjo, la diva africaine, a longtemps loué ses services à l’occasion de plusieurs tournées à travers le monde. Aujourd’hui, il s’emploie à faire éclore de jeunes musiciens et chanteurs.
Et à transmettre quarante ans de savoir-faire Faye.

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