Les députés vont, ce lundi 29 juin 2015, se pencher sur des modifications du règlement intérieur de l’Assemblée nationale. La disposition qui va ramener la durée du mandat du président de l’Assemblée nationale à cinq ans devra passer comme une lettre à la poste. Ce sera le retour à une certaine orthodoxie car la durée du mandat du président de l’Assemblée nationale avait toujours été conforme à la durée de la législature. C’est en 1984 qu’une modification avait été introduite, par les Socialistes qui avaient voulu évincer Habib Thiam du perchoir pour le remplacer par Daouda Sow.
Le mandat du président de l’Assemblée nationale était alors réduit à un an renouvelable. Cette disposition restera le temps nécessaire pour faire oublier l’épisode Habib Thiam. Le régime du Président Abdoulaye Wade leur empruntera cette astuce en 2008 pour pouvoir évincer Macky Sall de la présidence de l’Assemblée nationale. C’est à partir de cet instant que Macky Sall avait estimé devoir se radicaliser contre Abdoulaye Wade et s’inscrire dans une logique d’opposition systématique. Il démissionnera de tous les mandats obtenus sous la bannière du Parti démocratique sénégalais (Pds) et inscrira son action politique dans la perspective de la sauvegarde des institutions de la République qu’il trouvait menacées de péril. Il a bien traîné les pieds depuis son avènement au pouvoir en 2012, mais on peut considérer qu’avec la modification envisagée du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, Macky Sall fait corriger une situation anachronique dont il avait lui même été victime. Les tripatouillages des lois pour de vulgaires règlements de comptes politiques ou pour gérer des conjonctures politiques ont été très décriés. C’est à ce titre que l’autre grande modification prévue, du règlement intérieur de l’Assemblée nationale a du mal à faire l’unanimité. Cette modification tendrait à faire passer de 12 à 15 le nombre de députés nécessaires pour la constitution d’un groupe parlementaire. Dans l’absolu, la modification envisagée répondrait à une certaine logique arithmétique qui voudrait, selon une règle non écrite, qu’il faudrait au moins un dixième du nombre des députés pour constituer un groupe parlementaire à l’Assemblée nationale du Sénégal. Le nombre de députés a varié au cours de l’histoire en fonction de l’évolution démographique. Au moment de l’indépendance, ils n’étaient que 80, puis leur effectif est passé à 100 en 1978, à 120 en 1983 et à 140 en 1998. En 2001, il a été ramené à 120 et depuis la onzième législature ouverte par les élections du 3 juin 2007, l’Assemblée nationale accueille 150 députés. Seulement, au nom de l’esprit de permettre une plus grande diversité dans la constitution des groupes parlementaires, les conditions de formation des groupes parlementaires n’avaient pas été changées. La douzième législature ouverte le 30 juillet 2012, toujours avec 150 députés siégeant à l’Assemblée nationale, a jusqu’ici gardé ce mode de constitution des groupes parlementaires. Qu’est ce qui a changé dans la face du Sénégal pour que le camp du Président Macky Sall se réveille un beau jour pour décider de changer cette façon de faire, au prix d’une grosse controverse, au premier chef, au sein de sa propre majorité parlementaire ? Qu’est ce qui fait que les Apéristes ne peuvent plus continuer de s’accommoder d’une situation qu’ils ont accepté pendant trois bonnes années d’une législature qui dure cinq ans ? En cherchant à changer subitement les règles par la force de leur majorité parlementaire, ils vont donner l’impression de faire de petits calculs politiciens pour empêcher la création d’éventuels nouveaux groupes parlementaires. Et puis, quel péril y aurait-il à avoir de nouveaux groupes parlementaires, sinon que les Apéristes et leurs alliés perdraient quelques strapontins et avantages matériels et financiers que procure le statut de membre du bureau de l’Assemblée nationale. Par contre, la pluralité des groupes parlementaires renforcerait la vitalité du débat à l’Assemblée nationale et traduirait en quelque sorte le slogan de «législature de rupture» qui était tant chanté. De toute façon, si l’objectif serait, comme il se dit dans les médias, de chercher à empêcher les députés membres du Parti socialiste de quitter le groupe parlementaire Benno Bokk Yaakaar (Bby) pour mettre sur pied leur propre groupe parlementaire, ce serait peine perdue car les Socialistes comptent déjà 20 députés parmi les 119 du groupe Bby. La polémique ainsi suscitée s’avère donc inutile et inopportune. Elle risque aussi de susciter des ressentiments au sein de la majorité parlementaire et donc devrait pouvoir être repoussée jusqu’à la fin de la présente législature.
Il faut dire que les «amis» de l’Apr ont la manie de tenter le diable. Ils ont encore suscité le tollé en invitant des Commissions administratives itinérantes de révision des listes électorales dans des domiciles privés de responsables de leur parti, pour établir des cartes nationales d’identité et des cartes d’électeurs pour des citoyens. Par ce geste, ils accréditent l’idée de chercher à frauder alors que tout le monde sait qu’ils auraient pu laisser les commissions s’installer le plus naturellement dans des lieux publics et que personne ne leur refuserait le droit de battre le rappel de leurs militants pour les inciter à prendre d’assaut les lieux de révision des listes électorales pour se faire enrôler. Déjà, ces maladresses font que l’Administration publique commence à être accusée de chercher à être partisane et que le ministre de l’Intérieur Abdoulaye Daouda Diallo commence lui aussi à être récusé par l’opposition. Encore que rien ne garantit que les électeurs enrôlés par ce procédé leur seront totalement et définitivement acquis. On est en train de provoquer ainsi et inutilement des contestations préélectorales. Quelle mouche a aussi piqué le sympathique Farba Ngom pour faire étalage d’autant de richesses lors d’un meeting organisé il y a quelques semaines dans son patelin ? En affrétant des avions et des dizaines de bus depuis Dakar et en faisant imprimer des kilomètres de tissus, et distribuer des liasses de billets de banque, il donne l’idée d’une opulence, d’un argent facile et peut-être illicite. Sans doute voulait-il distiller des messages sibyllins, mais de tels comportements teintés d’arrogance, jettent de l’ombre sur toutes les ruptures prônées par le Président Macky Sall, tant du point de vue des politiques publiques que dans la sobriété et la vertu dans sa gestion des affaires publiques. Et pour ne rien arranger, le ministre Moustapha Diop se donne en spectacle avec les magistrats de la Cour des comptes. Même du temps des pires folies de la gouvernance de Abdoulaye Wade, on n’avait pas vu un Farba Senghor insulter des magistrats. Il convient d’apprendre des erreurs de Wade.