La cérémonie de passation de service entre le Président sortant Me Abdoulaye Wade et le nouveau Président Macky Sall, a donné lieu à une ambiance carnavalesque devant les grilles du Palais présidentiel prises d’assaut par un monde fou, sur fond de rivalité entre les militants des deux personnalités du jour.
Les uns, militants du pouvoir déchu, étaient déterminés à remercier leur leader, là où les autres, militants et sympathisants du 4-ème président de la République, ne voulaient pas se faire raconter l’entrée de Macky Sall au Palais de la République.
Déjà, à midi au moment où a pris fin la cérémonie de prestation de serment à l’hôtel King Fahd Palace (ex-Méridien), la devanture du Palais est occupée par les militants du Parti démocratique sénégalais (PDS) avec leurs drapelets bleus, frappés au milieu de l’épi de maïs jaune.
Les femmes, vêtus de tissus à l’effigie de Me Abdoulaye Wade, donnent de la voix pour faire valoir la force de leur leader, malgré sa défaite face à Macky Sall au second tour de la présidentielle.
Soutenues par des jeunes de l’Union des jeunesses travaillistes libéraux (UJTL), vêtus de tee-shirt jaunes, elles ont fini d’installer leurs quartiers devant le Palais et le long du Boulevard de la République.
Devant les grilles qui clôturent le siège du Sénat, un camion de sonorisation complète la démonstration de force, en distillant en boucle le tube de campagne ‘’Gorgui Dolinu’’ des chanteurs Pape et Cheikh’’. Des pancartes à l’effigie du président sortant sont aussi brandies ça et là devant les photographes et caméramans pour montrer que le Pape du Sopi est toujours debout.
Les minutes passent et la foule grossit. Les forces de l’ordre, treillis bleus-blancs, bérets rouges, usent de temps en temps de l’arme du dialogue avec les militants pour qu’ils cessent de boucher la devanture du Palais où le passage se rétrécit de plus en plus à vue d’œil.
Arrivés à bord de plusieurs cars, les militants et sympathisants du nouveau régime convergent par vagues vers les lieux, imposant grâce à leur nombre leur suprématie aux militants libéraux. A certains, on leur refuse de brandir des pancartes du PDS. Des échauffourées éclatent avant d’être vite maîtrisées par les forces de l’ordre qui menacent de procéder à des interpellations.
Devant la rue qui mène à la porte arrière du Sénat, deux chameaux bien affrétés avec selle et décor, refusent de se lever pour prendre part au cérémonial. Venus aussi de l’hôtel où se tenait la cérémonie d’investiture, d’autres militants, proches parents ou simples curieux arrivent aussi par petits groupes au Palais de la République en même temps que d’autres journalistes accrédités pour l’investiture. Ils ont tous devancé le nouveau président pour assister à la passation.
L’ambiance monte d’un cran, des anciens ministres (Aliou Sow, Thierno Lô, Farba Senghor…), des responsables politiques (Mamadou Massaly, Abdou Khafor Touré, Marie Thérèse Diedhiou) qui ne peuvent pas accéder à l’intérieur restent debout devant les grilles, repoussés de temps en temps par les forces de l’ordre et le protocole. Ils finiront par être débordés par une bousculade où on retrouve pêle-mêle journalistes, caméramans, anciens du régime, militants et simples curieux.
Bousculés, piétinés, certains responsables libéraux finissent par quitter les lieux au moment où les partisans de Macky Sall achèvent de noyer les libéraux qui avaient pourtant choisi de s’installer tôt devant les grilles du palais.
Devant la petite porte qui fait face au Sénat, les gendarmes préposés à la sécurité sont sourds aux supplications des caméramans, photographes et journalistes nationaux et étrangers. Détenteurs de badges, ils veulent accéder au parvis du Palais pour assister au moment solennel où Macky Sall raccompagne son prédécesseur sur le perron du Palais. Pour un départ définitif.
Les bousculades ont fini par se transformer en une foire d’empoigne entre caméramans et photographes sous l’œil impassible des gendarmes. Même le responsable de l’Alliance pour la République (APR), Mor Ngom, pressenti dans le nouveau gouvernement, selon la presse, a fini par bouder les lieux, faute d’accéder à l’intérieur du Palais. ‘’Pour rentrer il faut jouer des coudes et des mains et faire comme tout le monde’’, lui conseille un gendarme, après avoir de vérifié son nom sur la liste des invités.
Furieux, il sort des rangs avant que ceux qui l’accompagnent le convainquent de revenir à de meilleurs sentiments. Présenté comme le principal financier du candidat Macky Sall, Harouna Dia subit le même sort, avant qu’un garde du corps du nouveau président venu de l’intérieur du Palais ne vienne l’extraire de la mêlée pour le faire entrer dans le Palais sous les yeux impuissants des préposés à la porte.
L’athlète, Amy Mbacké Thiam championne du monde en 2001 à Edmondton, qui a soutenu la candidature de Macky Sall, n’a pas eu la même chance. Accompagnée d’une responsable des femmes de l’APR, Fatou Nam Diouf, elle est en rade, malgré tous les efforts déployés et la déclinaison de leurs deux identités.
Au même moment, Me Abdoulaye Wade s’entretenait avec son successeur à huis-clos. Dehors, militants libéraux et ‘’apéristes’’ se disputent l’espace. Débordées, les forces de l’ordre se replient le long du Boulevard de la République pour, raccompagner le moment venu, le cortège du Président Wade, laissant la devanture du Palais à des militants surexcités du nouveau Président.
Comme à l’arrivée du nouveau couple présidentiel, ovationné par ses partisans et simples citoyens ‘’venus spontanément assister à ce moment historique’’, les militants libéraux ont voulu aussi montrer leur attachement à leur leader avec leurs drapeaux bien en vue.
Mais, la voiture de l’ancien Chef de l’Etat, suivie d’une dizaine d’autres, n’a pu échapper à quelques huées. Noir de monde, le Boulevard de la République se vide pourtant vers 15 heures et la circulation de reprendre progressivement son cours normal…