Les sept plaies du régime de Wade, Le Benno du peuple et des citoyens : Le temps de la clarification et des ruptures Par MADIEYE MBODJ, PORTE-PAROLE DE YOONU ASKAN WI
Amorces de révolutions populaires en Tunisie et en Egypte : En ce début de l’année 2011, l’Afrique donne le la, indiquant la voie des révolutions populaires, sociales, démocratiques et républicaines, d’essence anticapitaliste, contemporaines des réseaux sociaux numériques. L’étincelle qui a allumé les plaines tunisiennes s’est propagée aussitôt jusque sur les hauteurs des pyramides égyptiennes et embrase à présent le tata du guide libyen autoproclamé. Admirable leçon de chose politique administrée au reste de l’Afrique et au monde entier, avec courage et détermination.
1. Finie l’époque des autocrates scotchés au pouvoir pendant 25, 30 ans et plus ! Jetés au loin dans les mers de Ndaayaan les projets de successions dynastiques planifiés des berges du Nil aux côtes de Dakar ! Ce sont bien les masses qui font l’histoire.
Chaque peuple certes a sa trajectoire propre, sa culture, ses pesanteurs, ses traditions de lutte, mais une chose demeure certaine : tous les peuples du monde aspirent au développement, à la liberté, à la dignité, à la justice, au progrès social et à la paix. La misère, l’injustice sociale, l’absence de liberté et la négation de l’Etat de droit, finissent toujours par faire sauter les soupapes de sécurité multiples et toutes les barrières dressées sur les chemins du combat populaire pour l’émancipation et le bien-être.
2. Les sept plaies du régime Wade : Il existe pour le peuple sénégalais au moins sept plaies béantes, sept raisons palpables pour tourner le dos définitivement au pouvoir des Wade :
i- la vie de plus en plus chère, avec comme corollaires la pauvreté galopante dans les villes et dans les campagnes, la multiplication des stratégies de survie au quotidien, la crise persistante des secteurs publics de l’éducation et de la santé, etc. C’est pourquoi, quand Wade proclame urbi et orbi qu’il a mis fin à la pauvreté au Sénégal et instauré l’autosuffisance alimentaire, il a probablement raison dès lors que, pour lui, le Sénégal comme l’Etat, c’est lui et sa famille ;
ii- les privations endémiques d’électricité, au grand dam des ménages et des entreprises, avec les centaines de milliards dilapidés et les plans « feyal », obscurs au propre comme au figuré ;
iii- le sabotage des campagnes de commercialisation de l’arachide, au bénéfice des spéculateurs ou autres profiteurs proches du pouvoir, et au détriment absolu des masses paysannes abandonnées à elles mêmes ;
iv- le chômage massif des jeunes et des moins jeunes, condamnés à braver les affres de l’océan au péril de leur vie, ou à sombrer dans une retraite irrémédiable sans avoir jamais occupé un emploi à la hauteur de leurs qualifications, de leurs diplômes ou de leur métier. L’emploi ou la mort, tel est le tragique cri de détresse du jeune Omar Bocoum, ancien soldat invalide, contraint de s’immoler par le feu devant les grilles du palais présidentiel, sous l’emprise du désespoir : funeste symbole de l’échec d’un régime capable de n’offrir à l’armée et à la jeunesse, deux piliers de la nation, que cette sombre alternative : la déchéance ou la mort ;
v- la guerre meurtrière qui perdure en Casamance, frein au développement, cauchemar sans fin pour toutes les populations de la sous région ;
vi- la forfaiture d’un 3ème mandat, parfaitement anticonstitutionnel, irrecevable aux plans juridique, éthique et simplement humain, pour un Wade qui, à 90 ans, après avoir trahi l’espoir du 19 Mars 2000, après avoir battu tous les records de mal-gouvernance, de brigandages fonciers, de scandales politico-financiers, continue de manœuvrer en vrai candidat masqué, pour s’assurer une succession dynastique en tous points inacceptable ;
vii- le piétinement de l’éthique et l’érection des antivaleurs en modèles de vie et de comportements, fléau le plus difficilement réparable du système Wade.
Dans notre pays, le régime en place se montre chaque jour un peu plus incapable de répondre correctement aux demandes populaires : les femmes, les jeunes, les marchands ambulants, les artisans, les travailleurs des secteurs public comme privé, les masses paysannes, les élèves, les étudiants, les chômeurs, tous les déshérités et laissés pour compte, frayent à travers leurs luttes et leurs mobilisations, les chemins de la révolte et de l’autonomie populaire dans le creuset des collectifs de résidents, des collectifs ouvriers et autres comités de lutte.
Dépasser la parcellisation des luttes, laquelle ne profite qu’aux hiérarchies pouvoiristes et alimentaires, contribuer à mieux organiser les masses et leurs luttes en s’y investissant pleinement pour les doter d’une vision d’ensemble, d’une perspective politique cohérente et crédible, telle est la tâche des partis politiques et de tous les patriotes décidés réellement à en finir avec le régime et le système Wade. 3. Les Assises Nationales du Sénégal, une initiative de portée stratégique : Les Assises Nationales du Sénégal, menées sous la présidence du grand patriote africain Amadou Mahtar Mbow, constituent l’expression actuelle la plus avancée en matière de dialogue politique dans notre pays. Suivant une démarche inclusive, décentralisée, participative et itérative, les Assises Nationales ont réalisé la jonction des forces politiques, sociales, syndicales et citoyennes ainsi que des personnalités démocratiques, autour d’un diagnostic sérieux des politiques mises en œuvre au Sénégal de Senghor à Wade en passant par Diouf, pour déboucher sur la formulation d’alternatives susceptibles de jeter les bases de fondation de la nouvelle République du Sénégal, démocratique, sociale et laïque, conforme aux aspirations et attentes des millions de Sénégalaises et Sénégalais. Seuls le pouvoir en place et ses acolytes ou satellites ont combattu ce dialogue des forces vives de la nation pour le faire échouer, mais en vain.
Juché sur les épaules des conclusions des Assises Nationales, le camp de l’unité populaire et citoyenne pourra avancer d’un pas ferme vers l’instauration d’un nouveau régime politique apte à promouvoir les réformes à même de délivrer notre peuple de la chape de plomb étouffante de ce que l’historien Abdoulaye LY a fort justement nommé « le présidentialisme néocolonial », patrimonial et prédateur, un nouveau régime politique s’abreuvant à la source de la confiance et de la responsabilité citoyennes reconquises, soucieux de prendre efficacement en charge les préoccupations prioritaires des masses urbaines et rurales, sur la voie des ruptures salvatrices.
4. Las Wade, le peuple et l’échéance de 2012 : En vertu des dispositions des articles 27 et 104 de la Constitution du Sénégal, Abdoulaye Wade ne peut pas être candidat à un 3éme mandat. Tous les citoyens de notre pays se doivent de s’opposer à un tel projet, pas tant contre la personne de Wade, mais au nom de l’éthique et des principes républicains. Si malgré tout Wade, par ses manœuvres habituelles ou à la faveur d’un passage en force, s’impose comme candidat, il devra alors s’attendre au verdict du peuple souverain, pour trancher définitivement le début. Le calendrier divin existe, qui appartient exclusivement à Dieu.
Il existe aussi le calendrier républicain, que les humains se doivent de respecter dans toute démocratie normale : contre Wade et son aréopage de grands bandits (sic), décrétant la fin de leurs soucis d’argent du simple fait de leur accession au pouvoir (sic), le peuple qui ploie sous les souffrances, qui produit les richesses pour… s’appauvrir en enrichissant un clan de prédateurs sans foi ni loi, ce peuple est mûr pour faire le seul choix qui vaille : se débarrasser de Wade, de son système, de tous ses clones biologiques, spirituels ou virtuels, condition sine qua non pour s’inscrire dans la perspective d’un cap nouveau.
Comme l’illustrent les exemples des peuples tunisien et égyptien, les urnes ne sauraient représenter la voie exclusive de la mobilisation populaire pour le changement, première leçon ; l’armée et la police n’entendent plus se résumer à des organes aveugles de répression du peuple au service des autocrates et autres oppresseurs, alors même que les luttes portées par les masses des campagnes, des villes et des banlieues expriment des revendications et préoccupations largement partagées avec ces citoyens en uniforme, deuxième leçon. Le temps de la clarification et des ruptures a sonné. Les enseignements tirés des élections de 2000, 2007 et 2009 commandent clairement les impératifs suivants :
– nécessité d’un programme commun et d’une vision partagée : les conclusions des Assises Nationales constituent la référence commune à toutes les forces vives, pour la fondation d’une République véritable, l’adoption d’une nouvelle Constitution en rupture avec le présidentialisme néocolonial, la mise en œuvre des réformes institutionnelles indispensables, la matérialisation des nouvelles orientations de développement économique, social, culturel et environnemental, dans la période de transition comme à moyen et long terme ;
– l’exigence de contre- pouvoirs et de sentinelles vigilantes, en tant que garants du respect des accords, garde-fous contre la confiscation et le détournement de la victoire du peuple : le pacte public d’engagement éthique et de responsabilité citoyenne proposé par Yoonu Askan Wi et d’autres formations répond à ce besoin ;
– l’urgence d’un front de l’unité populaire et citoyenne, d’une équipe de l’unité populaire et citoyenne pour la normalisation du pays, d’un(e) candidat(e) ainsi que d’une liste de l’unité populaire et citoyenne, seules rampes solides et sures des batailles et de la victoire contre le système des Wade. Ils sont, quant à eux, prêts à tout, y compris l’illégalité et la violence, pour se pérenniser au pouvoir au nom simplement de leurs privilèges indus.
Il faudra alors leur opposer tous les moyens de résistance à la disposition du peuple, car comme le proclamait la Constitution de la Première République en France : » Quand le gouvernement viole les droits du peuple, l’insurrection est pour le peuple et pour toute portion du peuple, le plus sacré des droits et le plus indispensable des devoirs » . Face aux impasses de la démocratie des prédateurs, face au piétinement par les autocrates des droits politiques, économiques, sociaux et culturels des masses populaires, la rue publique s’arroge en toute légitimité le droit imprescriptible d’imposer la République.
Le peuple sénégalais attend de tous les patriotes, non pas des calculs de positionnements de petite politique ou d’hypothétiques projections sur un second tour au royaume démocratique des Wade, mais l’unité la plus large, la plus claire et la plus motivante pour les citoyens électeurs. Si, comme le préconise la Charte des Assises Nationales, approuvée et signée par les principaux acteurs nationaux, le Président de la République doit cesser d’être l’épicentre, l’alpha et l’oméga de la vie politique, la cohérence commande de relativiser les ambitions autour de ce poste.
Le bennoo est une exigence du peuple, le bennoo du peuple et des citoyens ne saurait avoir qu’une seule équipe, qu’un(e) seul(e) candidat(e). L’unité vraie ne peut être que le fruit d’une démarche libre et volontaire. Les acteurs détermineront souverainement leur voie, dans le respect mutuel ; les citoyens en tireront les conséquences, en toute liberté.
Les organisations politiques, sociales, syndicales, citoyennes, l’ensemble des citoyennes et citoyens préoccupés par le sort de notre pays aujourd’hui et demain, qui partagent les convictions fortes ci-dessus esquissées, ont le devoir impérieux de promouvoir sans retard le bennoo du peuple et des citoyens, pour refuser d’être les otages des logiques étroites d’appareils et prendre en mains leur propre destin, ici et maintenant, afin de sauver le Sénégal. L’alternance, c’était le 19 Mars 2000, après quarante ans de régime senghorien.
A présent, le peuple sénégalais a besoin, pas tant d’une alternance à la tête de l’Etat, ni même d’une alternance générationnelle ou de genre, mais plutôt d’une vraie alternative éthique, politique et sociale, à même de porter en avant les aspirations profondes de nos concitoyens et concitoyennes. A chacun et à chacune de mesurer sa part de responsabilité face à un tel défi.
MADIEYE MBODJ, PORTE-PAROLE DE YOONU ASKAN WI