Libération de Karim Wade et compagnie : quand le Président voit juste. Par Boucar Diouf

Au moment où le peuple sénégalais, à la faveur du dialogue national se fait violence et essaie, tant bien que mal, de chasser ses vieux démons qui hantent le domaine politique et social, des politiciens (encore eux) d’un genre nouveau trouvent les moyens de ramer à contrecourant.
Le président Macky SALL ayant décidé de pacifier ses rapports avec l’opposition, convoque un dialogue national à cette occasion et ouvre des discussions sur le processus électoral. A la faveur de cette ouverture, il nous informe d’un éventuel élargissement du fils de l’ancien Président de la république, pris dans une histoire, non de détournement, mais d’enrichissement illicite.
Un basculement politico-social qualitatif qui a la faculté de réveiller certains de ses alliés et autres soutiens qui, aveuglés par cette posture absente de leur carte mémoire, le poussent vers le vide en voulant l’enfermer dans l’immobilisme qui les caractérise.
Il est aisé de comprendre qu’il soit très dur d’accepter les changements à partir d’un certain âge, surtout si ces derniers ne vont dans le sens de nos obscurs intérêts. C’est dans cette catégorie que nous rangeons les sorties menaçantes du PIT et de la LDMPT, qui, dépités par la probable perte du monopole de proximité avec le Président de la République et de leur premier rang de consommateurs de prébendes, tentent de nous apeurer avec des litanies qui s’apparentent à de vieilles lunes.
Que je sache, le peuple souverain n’a jamais voulu leur faire confiance. C’est pourquoi leurs arrogantes prétentions n’apparaissent plus aujourd’hui que comme la butte témoin d’une dangerosité à ranger dans les tiroirs de l’histoire. Ils devraient par conséquent nuancer ou atténuer leur prise de position compte tenu du fait notamment que leur ‘’grande’’ coalition de Benno Bokk Yakaar est devenue un parapluie en papier qui ne sert que quand il ne pleut.
En effet, il n’est nul besoin d’être un politologue chevronné pour se convaincre que la coalition du Président s’est délestée d’une masse critique d’électeurs. Les partis de gauche souffrent de la qualité de leur logiciel politique qui nécessite un changement radical alors que les socialistes ont trouvé le moyen de perdre 80% de leurs militants pour l’AFP (avec la naissance du Grand Parti) et environ 50% pour le parti socialiste (avec les frondeurs du camp Khalifa SALL).
Ajoutez à cela le fait non négligeable que Macky SALl soit à la tête d’un parti non structuré et miné par des querelles internes et vous aurez une idée de la souricière politique dans laquelle il se retrouve et de laquelle il doit se retirer en convoquant toute sa dextérité politique. Comment peut-on le lui reprocher ?
Sur un autre versant, il n’échappe à personne que cette traque ou chasse aux sorcières dirigée contre les anciens présidents, leur famille et proches collaborateurs a été identifiée dans les années 1990 comme un des principaux remparts contre l’alternance en Afrique. En effet, il est évident que quand les présidents en exercice savent que leur départ va donner lieu à des représailles de toute nature contre leurs proches, c’est l’instinct de survie qui fait qu’ils auront tendance à user de tous les subterfuges pour se maintenir au pouvoir. De plus, la traque ouvre naturellement un cycle infernal de vengeances qui installe le pays dans un cercle vicieux porteur de tous les dangers, en plus de chasser les éventuels investisseurs.
Au demeurant, il est établi que le meilleur moyen de lutter contre la corruption reste la prévention et aujourd’hui encore, sa mise en œuvre poussive nous laisse un goût d’inachevé.
N’ayons pas peur de nous répéter, les citoyens instruits et honnêtes savent que la CREI reste une simple excroissance de ces dérives tangibles que nous avons instituées dans nos rapports politiques, dérives qui, en tout état de cause, ont forcément vocation à s’inscrire au passif de la gouvernance du Président Macky SALL. Ce dernier sait très bien qu’à défaut d’avoir le mieux, il faut de toute façon éviter le pire dés lors que les abus de la CREI lui seront directement imputés, pas à ses ministres, ni à ses alliés.
J’ai été d’ailleurs surpris par une émission intitulé ‘’quartier Général’’ (peut être d’un parti politique), qui est allé très loin dans la manipulation, donnant la parole aux seuls pourfendeurs du rapprochement Macky SALL-PDS qui ont trouvé un malin plaisir à se livrer à un lynchage médiatique contre Karim WADE, porteur d’un arrière goût de règlement de compte assez sordide.
Et je me rappelais cet entretien que j’ai eu avec l’un des invités de l’émission du jour dans la salle d’attente d’un ministre, alors que la traque était en gestation. A mes arguments tendant à remettre en cause le bien fondé de la CREI au motif qu’il s’agissait d’une juridiction anti- démocratique avec une procédure inquisitoire qui n’existait nulle part au monde, le y’a en mariste me répondit ‘’ Grand, NGuew bi, il faut niou djinng ko lamm yi, bou gall money bi’’.
Moustapha Diakhaté, Président du groupe, n’en dit pas moins en parlant de se livrer à l’opération ‘’Guokhi ‘’.Des lectures qui traduisent une haine violente, doublée d’un racisme, fruit d’un complexe du blanc colonisateur, responsable de tous nos malheurs.
Sidéré, je me disais que le Président serait vraiment mal barré, si ses collaborateurs se hasardaient à donner consistance à ces promesses de torture à peine voilées.
Je ne savais pas si bien penser.
Les sénégalais ne sont pourtant pas amnésiques ; ils ont vécu les partis uniques forts, le multipartisme limité, celui intégral et enfin l’alternance dans la douleur. Ceux qui défendaient et animaient ces idéaux totalitaires et dictatoriaux de l’UPS et du PS de l’époque sont encore là, ayant simplement troqué leur manteau de dictateur contre celui plus présentable de démocrate.
Ces gens, pour qui la démocratie est un simple vernis, sont à l’origine de la mise en place de la CREI et certainement de sa réactivation, alors qu’ils ne peuvent ignorer que cette cour a été supprimée principalement à cause de ses effets dévastateurs sur l’économie. Senghor qui avait compris l’erreur de Houphouët BOIGNY qui théorisait l’enrichissement illicite en Côte d’Ivoire, avait pu éviter le piège en s’appuyant sur l’enrichissement humaniste pour ne pas être en reste.
La CREI est une cour liberticide qui peut emprisonner n’importe qui, y compris les membres de cette association financée à partir de l’étranger. Il suffit juste de les convoquer et de leur demander de justifier de leur moyen d’existence, étant entendu que les dons, même entre père et fils, ne sont pas admis.
La privation de liberté est une chose sérieuse et ne doit être appliquée à quelqu’un que quand ce dernier se sera rendu coupables d’actes délictuels irréfutables et concordants.
D’ailleurs élargi de prison pour un délit qu’il avait probablement commis, l’un d’eux s’était précipité dans une production musicale dans laquelle nos autorités étaient traitées de chiens et de chats et où le quidam n’entonne qu’un seul refrain ‘’ kou wakh niou diapp tedji rapp condamné’’. De là à ce que les sorties de ces personnages soient interprétées comme un moyen de se refaire une vertu à bon compte, en donnant au peuple les exutoires que seraient Macky SALL et Karim Wade, il n’y a décidemment qu’un pas à faire.
Sinon, comment comprendre qu’on assimile un crime de sang commis sur un agent de la force publique dans l’exercice de ses fonctions à une vulgaire affaire d’enrichissement illicite ?
Eh bien, messieurs, souffrez que des sénégalais soient indignés de vos propos qui s’éloignent de leurs certitudes démocratiques de citoyens avisés et instruits et de vos tentatives de mise en minorité de l’autorité qu’ils se sont démocratiquement choisi.
Vos dernières sorties nous renseignent sur l’abîme qu’il y a entre les réalités du Sénégal et vos préoccupations de politiciens d’un type nouveau.
En lieu et place de la crise scolaire, de nos problèmes avec la Gambie, du règlement définitif du conflit au sud, de la pacification du milieu politique, vous nous proposez des chantages tels que si Karim sort sans les écroués de Colobane, des jeunes vont s’exploser avec des bombes.
En réalité, vous ne faites que saupoudrer de votre présence les plateaux de télévision et nous savons tous que ce n’est pas le meilleur moyen d’assister ces jeunes et qu’aucun de vous ne portera jamais un gramme de TNT, simplement parce que ceux qui se font exploser ne hantent pas les salons feutrés des ministères et les bars de Pigalle.
Prisonniers de votre volonté manifeste de prendre le Président Macky SALL en otage, vous êtes aujourd’hui désemparés parce que le réel vous a explosé à la figure et que vos prétentions démesurées de régir la vie des sénégalais se sont brisé contre le mur de la responsabilité et du savoir.
La libération de Karim WADE et compagnie est une bonne décision qui sonne le glas de la CREI et ouvre de nouvelles perspectives pour le Sénégal.

Boucar DIOUF Coordonnateur National de la CIAR (Convergence d’Idées Autour de la République) [email protected]