Alan Greenspan, ancien président de la réserve fédérale américaine dit dans une de ses contributions que les États-Unis peuvent rembourser n’importe quelle dette car ils peuvent toujours imprimer de l’argent pour le faire, dès lors il y’a donc zéro probabilité de non-paiement.
Les difficultés économiques et financières qui assaillent l`économie du Sénégal sont dues à plusieurs causes. Dans ce texte, je voudrai brièvement parler d’une cause principale de notre sous-développement et de la rareté de nos ressources : La politique monétaire.
Dans un pays performant, avec une bonne structure économique, l’État doit s’appuyer sur deux leviers pour jeter les bases du développement : La politique budgétaire et la politique monétaire. Ainsi la déclaration sur la politique monétaire doit être, au moins, autant attendue que la déclaration de politique budgétaire, parce qu’elle est tout simplement d’une importance capitale.
Le rôle d’une banque centrale est de veiller à la bonne marche de l’économie, en s’assurant qu’il y’a une masse monétaire suffisante en circulation qui réponde aux besoins stratégiques de l’économie, de garantir la valeur de la monnaie, et de cibler une fourchette d’inflation qui permet à l’économie de croître et d’être stable.
Mon intime conviction est que l’industrialisation devra être financée par la création monétaire à travers la méthode du quantitative easing ou la banque centrale achète des titres à long terme de la dette publique, à travers les rouages interbancaires ou bien par l’achat de titres obligataires directes des entreprises industrielles que nous mettrons sur pied. Ceci devra être notre plan Marshall pour l’industrialisation. Notre industrialisation ne pourra ni n’être financée par la banque mondiale, ni par le FMI, ni par une autre organisation, mais par notre création monétaire a 0%, ainsi nous allons devoir de l’argent à nous-mêmes comme ça se passe partout dans le monde.
Toute monnaie injectée par cette création monétaire doit cibler exclusivement des investissements productifs, c’est-à-dire dirigés dans la création d’industrie dont la demande est sous tendue par des carnets de commande. Ainsi, nous assoirons une forte industrie de la pêche, Une industrie du gaz, du pétrole, de l’artisanat, du tourisme, l’agro-industrie, l’armement, ainsi de suite.
Ce n’est pas exact que la création monétaire crée systématiquement de l’inflation, si les liquidités sont centrées vers les investissements productifs, le niveau d’inflation généré est marginal et acceptable.
Le contexte international aujourd’hui réside sur la baisse de la croissance depuis une quinzaine d’années, moins de croissance réelle, moins de pression sur les prix, fait que le taux d’intérêt normal sur la planète terre est beaucoup plus bas que ce qu’il était. Notre inflation au Sénégal, est due principalement au manque de productivité et de compétitivité de notre économie. Avec l’autosuffisance et la concurrence, elle sera maintenue à un niveau bas.
Au Canada, depuis le début de la COVID, l’assouplissement quantitatif a permis d’injecter plus de 5 milliards de dollars par semaine sous forme d’obligation d’État, pourtant le taux d’inflation n’a pas dépassé les 4%.
Suite à la crise financière de 2007-2008, les grandes banques centrales, notamment la Banque centrale européenne (BCE) et la Réserve fédérale (Fed), ont adopté des mesures de politique monétaire (achats d’actifs, injections de liquidités, guidage des taux d’intérêt, etc.) dans le but d’éloigner les risques de déflation. Toutefois, depuis la mise en place de ces politiques, il n’y a pas eu d’envolée de l’inflation.
La masse monétaire en zone euro et États unis a augmenté d’environ 210% entre 2007 et 2020 et l’inflation n’a augmenté que de 19.6% durant cette période. La pratique récente est différente de la théorie sur ce point.
Il faut que les pays de l’UEMOA aillent dans cette direction, sinon il faut que le Sénégal prenne ses responsabilités avec son nouveau statut de pays gaziers et pétroliers et aillent vers la création de sa propre monnaie. On ne peut pas continuer de pelleter en avant, c’est à dire de renvoyer les vrais problèmes pour les générations futures.
La croissance économique, c’est les nouvelles idées, les nouvelles pratiques, la capacité d’innover, l’audace, ce n’est pas le statu quo, ni le conservatisme, ni les vieilles recettes. On ne doit plus, continuer à accepter ce taux de chômage endémique dont on est presque habitué et qui n’est tout simplement pas normal.
Des centaines de milliers d’emplois peuvent être créés grâce à la politique monétaire. L’Europe et l’Amérique ont financé leurs guerres et leurs industrialisations par ce procédé, ainsi que tous leurs plans relances économiques Post-Covid.
Pour ma part, se débarrasser du régime actuel lors des prochaines élections est une œuvre de salubrité financière et économique. Le Sénégal de 2024, doit être un Sénégal décomplexé, avec des leaders pragmatiques, qui mettent les intérêts du pays avant tout autre considération extérieure. Nous avons une marge de manœuvre extraordinaire pour créer des emplois avec les ressources naturelles dont nous disposons si nous prenons nos responsabilités, en sachant que le plus gros abandon de souveraineté, c’est celui de la souveraineté monétaire.
Mamadou Dame Dioum
Analyste financier Ottawa
Membre Pastef canada