XALIMANEWS-La grande battue médiatique du pouvoir au cours du week-end dernier semble avoir le contraire de l’effet escompté dans la mesure où elle crédibilise le caractère politique de l’ « affaire de mœurs », donc « privée, dans laquelle était englué le leader de Pastef, Ousmane Sonko. Cette contre-offensive médiatique du camp présidentiel n’a pas échappé à plusieurs internautes, mais aussi aux regards des analystes politiques. Selon le journaliste et analyste politique Bacary Domingo Mané, le gouvernement s’est dévoilé dans ce dossier. Quant au Pr Moussa Diaw, il note une bataille d’opinion entre les deux camps. L’enseignant-chercheur à l’Ugb prédit une tension politique qui risquerait de plonger notre pays dans une situation d’instabilité.
Un battage médiatique sans précédent. Ce dimanche, des pontes du régime ont envahi les plateaux de télévisions et les studios de radios pour parler de l’ « affaire Ousmane Sonko/Adja Sarr ». Abdoulatif Coulibaly, secrétaire général du Gouvernement, à la RTS, Seydou Guèye, porte-parole de la présidence de la République — et de l’APR ! —sur I-Radio et ITV, Abdou Mbow, vice-président de l’Assemblée nationale à la RFM, Abdou Fall, président du conseil d’administration de l’APIX sur Sud Fm. Du jamais vu ! Alors qu’au début de l’affaire dite « Sweet Beauté », le pouvoir soutenait qu’il s’agissait d’une « affaire privée », le président de la République demandant à ses partisans de ne pas se prononcer dessus, brusquement, le weekend dernier, c’était le trop-plein d’émissions audiovisuelles pour sonner la charge contre Ousmane Sonko ! Le président de la République lui-même, en soutenant sur les ondes de Rfi qu’il n’est en rien mêlé à ce dossier et qu’il a suffisamment de choses à faire pour comploter sur des choses basses avait déjà entrouvert une brèche. Dans laquelle se sont engouffrés ses francs-tireurs samedi et dimanche. La levée de l’immunité parlementaire du député Ousmane Sonko, vendredi dernier à l’Assemblée nationale, constitué le moment choisi par le pouvoir pour faire une Opa en règle sur les médias. Que s’est-il donc passé pour que le pouvoir, qui ne voulait pas se prononcer sur une affaire « privée, ouvre subitement les vannes et fasse un trop-plein de com jusqu’à la saturation ? Y a-t-il un fait du hasard pour que les médias ciblés, un weekend durant, n’aient invité que des gens du pouvoir en place ?
BACARY DOMINGO MANE : « Le régime est dans une posture de défense …Ses gens savent que quelque chose se passera demain »
Pour Bacary Domingo Mané, cette affaire Adji Sarr-Ousmane Sonko a incontestablement une dimension politique. L’analyste et politologue soutient que, par ses sorties médiatiques à charge contre Ousmane Sonko, le gouvernement est en train de montrer aux yeux de l’opinion que cette affaire est purement politique alors qu’il disait au début que cela relevait d’une affaire privée entre deux Sénégalaise. « Cette dimension politique veut dire quelque part que le gouvernement a choisi son camp dans ce dossier. Et son camp est celui de soutenir Adji Sarr qui accuse Ousmane Sonko de viols et de menaces de mort. Aujourd’hui que le gouvernement sent le besoin d’aller vers ces médias, dérouler sa communication, cela signifie qu’il est impliqué dans cette affaire-là. Cela ne fait plus l’objet d’aucun doute. Parce qu’au départ, s’ils (Ndlr : les gens du pouvoir) avaient continué à garder le silence, évidemment ils allaient donner un caractère privé à cette affaire. Mais dès l’instant que le président de la République Macky Sall, lui-même, s’est prononcé sur l’affaire. Et que d’autres, disons des seconds couteaux, sont allés sur les plateaux de télévisions et dans les radios, on peut dire qu’effectivement cette histoire a des relents politiciens. Cela s’est démontré par les sorties des membres du pouvoir ce dimanche (Ndlr : avant-hier) alors qu’il est annoncé qu’on convoquera Ousmane Sonko. Or le discours de Sonko est très clair en disant simplement puisqu’ils (Ndlr : les parlementaires) n’ont pas respecté la procédure en matière de levée de son immunité parlementaire, il n’ira pas répondre à aucune convocation car il garde toujours son immunité parlementaire. Après cela, ce qui risque de se passer est qu’ils vont utiliser la force et la population risque certainement de réagir » souligne Bacary Domingo Mané. L’ancien collaborateur de « Sud quotidien » ajoute que ces sorties médiatiques du pouvoir ont pour but tout simplement d’anticiper sur les évènements qui surviendraient après cette levée de l’immunité parlementaire d’Ousmane Sonko. C’est une façon d’essayer de justifier les actes que le gouvernement posera dans ce dossier. « C’est aussi clair que ça. C’est-à-dire, c’est cela dont il s’agit en matière de communication politique. Elle (ndlr : la communication politique) est en même temps donnée et affiche la force d’un Etat en disant que l’Etat va rester un Etat fort et veillera à la protection de ses citoyens. Dans ce discours-là, évidemment, quelque part le but recherché c’est d’essayer d’avoir l’opinion de son côté. Donc nous sommes au cœur de la communication politique en ce moment. Cela dit, ces différentes sorties signifient que le gouvernement est dans la posture de « défense » des intérêts des populations. Parce que les gens du pouvoir savent que quelque chose va se passer. La justice va essayer de poser des actes. Certainement, une partie de la population va essayer de réagir. Lorsque vous les entendez marteler « force restera à la loi de toute façon » ou bien que « le président Macky Sall a tous les moyens de faire face à n’importe quelle manifestation », on s’imagine qu’une chose est en train de se préparer pour les jours prochains » a poursuivi l’analyste politique Bacary Domingo MANE.
La responsabilité de la presse est engagée, quand certains journalistes sont en mission !
Depuis l’éclatement de cette affaire Adji Sarr-Ousmane Sonko, la presse est très souvent taxée de partisane à travers ses prises de position. Ainsi chaque organe y va de sa ligne éditoriale pour traiter le sujet. Les observateurs catégorisent notre corporation entre une presse pour le système, une qui essaie de tirer les ficelles du côté d’Ousmane Sonko et une autre qui joue la neutralité dans le traitement de l’information. Pour Bacary Domingo Mané, c’est incontestable dans la mesure où, que ça soit du côté du pouvoir ou de celui de l’opposition, des journalistes sont en mission. A preuve par l’assaut médiatique du pouvoir, durant le week-end, où une absence notoire du principe de l’équilibre a été notée dans les médias ciblés par les officines de com du Palais. « La responsabilité des médias est complètement engagée dans ce dossier. De mon point de vue, à travers cette affaire, on note dans la presse trois camps. Les deux se font face. Le premier est composé des journalistes qui travaillent aujourd’hui pour le système, c’est-à-dire pour le gouvernement. Il suffit de lire les « Une » de certains journaux pour savoir qu’ils sont dans la posture de défendre le pouvoir. Et à travers Adji Sarr, ils défendent les intérêts du gouvernement. Vous avez en face une autre presse qui est du côté d’Ousmane Sonko qui le présente comme victime dans cette affaire et parle d’une « cabale politique ». Maintenant, vous avez la troisième voie qui est celle des medias qui sont vraiment neutres. Ces médias, tant bien que mal, essaient de jouer vraiment la carte de la neutralité. Mais l’un dans l’autre, ce qui est vraiment perceptible, c’est qu’il existe un parti pris. L’éthique et la déontologie qu’on nous enseigne à l’école, l’équilibre de l’information, ce principe-là est piétiné par certains confrères qui sont en mission. Pour justifier cela, ils vont donc essayer de reproduire systématiquement ce que les sources leur disent sans prendre vraiment des principes journalistiques. Ce qui constitue un caractère dangereux. Du côté de l’Etat ou de celui de l’opposition, la presse qui travaille de cette manière-là ne rend pas service au pays », a conclu l’analyste politique Bacary Domingo Mané.
Une bataille d’opinion politique !
L’enseignement chercheur à l’Université Gaston Berger (UGB) de Saint-Louis, Pr Moussa Diaw, note une ambigüité, une bataille d’opinion entre le camp du pouvoir et celui du parti du Pastef-les- patriotes. A en croire le Pr M. Diaw, cette offensive du gouvernement dans la presse ne conforte pas du tout la position initiale de la majorité qui soutenait que c’est une affaire privée et balayait d’un revers de la main les accusations de complot politique. Et s’agissant d’une bataille pour le contrôle de l’opinion, Pr Diaw considère que le pouvoir, par sa contre-offensive médiatique du weekend, a décidé ne pas laisser de la place au cap adverse. « La bataille de l’opinion consistait d’expliquer le pourquoi et le comment de cette cabale politique menée au sommet. Et d’ailleurs, Ousmane Sonko avait accusé nommément le président Macky Sall d’être à l’origine de ce complot qui vise à neutraliser un adversaire politique. Alors, c’était une bataille de l’opinion. Par rapport à cela, la majorité avait gardé le silence. Jusqu’à la levée de l’immunité parlementaire avec cette bataille de procédure qui laisse une image décevante de l’Assemblée nationale parce qu’il y a eu beaucoup d’empoignades, beaucoup de polémiques. Sans un débat approfondi, on n’a même pas hésité à humilier « l’avocate » d’Ousmane Sonko, Aida Mbodji, dans cette commission ad doc. L’opposition a boycotté et la majorité a levé cette immunité parlementaire d’Ousmane Sonko. Après quoi, le lendemain, on a assisté à cette bataille de l’opinion avec les sorties de responsables politiques de Benno bokk yaakaar qui ont envahi les médias pour défendre leur thèse et accuser davantage le leader de Pastef. Ce alors qu’auparavant, ils disaient que cette histoire ne les concerne pas ! Si réellement tel était le cas, pourquoi ont-ils envahi ces supports médiatiques pour donner leur version, se défendre et pour accuser davantage ? Du moment qu’ils ont effectué ces sorties, on ramène tout cela à une bataille politique. Il fallait qu’ils restent dans leur logique en gardant leur silence dans ce dossier. Il y a anguille sous roche derrière tout cela. Ce qui est clair dans cette histoire, c’est que l’opinion s’est déjà fait une idée… ».
`PR MOUSSA DIAW DE L’UGB : « Le pays risque de sombrer dans un climat d’instabilité »
Selon l’enseignant-chercheur en sciences politiques à l’Ugb, on risque d’assister à des dérives et le Sénégal n’est pas à l’abri de violences politiques. Si elles surviennent, cela porterait un préjudice à notre démocratie et poserait énormément de questions autour des pratiques politiques et des enjeux auxquels le pays fait face aujourd’hui. « On est en train de préparer une crise politique. Les prémices sont là et c’est dangereux. Il y a un affrontement médiatique, une bataille de l’opinion. J’espère qu’on n’en arrivera pas à l’affrontement physique, aux violences. Le pays risque de sombrer dans l’instabilité. On ne peut pas gouverner dans l’instabilité. A mon avis, la majorité, notamment le président de la République, devrait trouver une solution. D’ailleurs, comme il le disait lors de son entretien avec la presse le 31 décembre dernier en considérant que les dossiers qui peuvent perturber la République, il demande à ses ministres d’y mettre fin. Mais pourquoi ne l’a-t-il pas fait avec ce dossier-là ? Tout en sachant que c’est également un dossier qui risque de rendre le pays instable. Et on n’en a pas besoin. Il est encore temps pour que tous ceux qui peuvent intervenir pour trouver des solutions paisibles, qui puissent déboucher sur la paix, interviennent pendant qu’il est encore temps » a recommandé en conclusion l’enseignant- chercheur en sciences politiques à l’UGB.
Avec Seneplus
Les membres du gouvernement ont parfaitement raison d’investir les médias pour déjouer la vague de manipulations des pro-Sonko ! C’est normal d’autant plus que si c’est un responsable de l’APR ou de Benno qui était à la place de Sonko Fusilleur avec exactement le même dosser, toute la horde de Pasteef, des activistes paresseux et des faux journalistes vont l’insulter de tous les noms d’oiseau et exiger sa démission. Sur le plan médiatique comme dans la rue, les membres du pouvoir doivent rendre coup sur coup. Un présumé violeur irresponsable ne peut pas faire du chantage sur l’état.
Je pense tout simplement qu’Ousmane Sonko les a bien eus. Il les a fait croire qu’il ne se rendrait pas à la convocation pour les faire sortir de leurs tanières et ainsi l’opinion publique a eu les preuves du complot sous les yeux. Bien joué! Comme dit Ousmane Sonko il est préférable d’utiliser son intelligence plutôt que la force! Redoutable tacticien!