En conférence de presse hier, l’Ordre des architectes prévient que la promesse de livrer 2 000 logements sociaux aux populations de la banlieue en juin prochain est totalement irréalisable. Il dénonce également la tendance des pouvoirs publics à recourir à l’expertise étrangère.
La promesse des 2 000 logements sociaux à construire pour les populations inondées de la banlieue risque de finir en eau de boudin. Selon l’architecte Thiao Kandji, «la promesse est totalement irréalisable. Même si elles construisaient nuit et jour, les entreprises qu’ils ont choisies n’y arriveront jamais». La sentence est sans appel et en plus des délais impossibles à tenir, l’architecte qui participait hier à la conférence de presse de l’Ordre des architectes, qui portait sur la question des architectes face aux défis de la bonne gouvernance, s’est joint à l’ensemble de l’ordre pour dénoncer la démarche des autorités gouvernementales qui ont choisi d’écarter la corporation de la gestion de ce projet.
Les architectes qui estiment que les règles de bonne gouvernance ont été bafouées expliquent que leur mise à l’écart serait due au refus des autorités de payer 700 millions d’honoraires. «On a été écartés de la procédure parce que l’Etat a dit qu’il n’a pas d’honoraires à payer aux architectes», se désolent les architectes. Et cela les pousse à estimer qu’avec une telle démarche, «c’est le coût des logements qui est multiplié par deux». De plus, souligne M. Kandji, ce sont les 14 000 personnes à qui les logements de Tivaouane Peulh et Niague sont destinés qui vont courir des dangers. Selon lui, le retrait des architectes de ce projet est susceptible de créer un problème de sécurité majeur. «Il n’y aura pas la sécurité qu’il faut pour les gens qui vont habiter là-bas», prévient M. Kandji.
La question des logements sociaux a été largement évoquée. Et selon Wagui Diop, le président de l’Ordre, les logements sociaux doivent être appréhendés sous l’angle de l’accessibilité. Il s’agit selon lui de fournir des logements au plus grand nombre. «L’Etat ne varie pas suffisamment ses offres pour permettre au maximum de gens d’accéder à un logement. Il faudrait intégrer la dimension socioculturelle qui satisferait les capacités financières des populations et réfléchir à d’autres pistes de financements», souligne M. Diop. Pour Mbacké Diop, également membre de l’Ordre, faire baisser les coûts du logement peut se faire à travers deux leviers que sont les économies d’énergie et l’industrialisation du bâtiment. «Un bâtiment consomme de l’énergie au niveau de l’éclairage et du chauffage. Le bâtiment, quand il est bien construit et bien orienté par rapport au soleil, peut se refroidir et éviter le recours à la climatisation. Et en termes de coût des matériaux, c’est l’industrialisation du bâtiment qui permet cela. Si on n’industrialise pas les briques en argile par exemple, on les fait dans la rue. En Tunisie, on les fait dans des usines. Et l’Etat intervient dans ce processus en mettant en place des normes sur les types de briques, la qualité etc.»
L’Ordre des architectes souligne par ailleurs la nécessité d’opérer une rupture par rapport aux pratiques pernicieuses et dénonce «le recours à l’expertise étrangère pratiquée par l’Etat du Sénégal pour des programmes tels que l’aéroport de Diass, les universités de Ziguinchor, Kaolack, Thiès et tout récemment le Centre de conférence prévu pour le sommet de la Francophonie». Autant de frustrations qui selon le président de l’Ordre, installent «un début de malaise» entre les architectes et le gouvernement. Aussi, l’ordre ne demande pas moins que «le respect des règles d’équité et de transparence afin de garantir les principes d’économie et d’efficacité qui constituent les fondements du Code des marchés publics».
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