XALIMANEWS: «Détention provisoire et peines alternatives à l’incarcération», c’est le thème du séminaire organisé, hier, par l’Union des magistrats sénégalais (Ums). Les longues détentions étaient donc à l’ordre du jour. Pour trouver les causes et apporter des solutions, plusieurs sous-thèmes ont été développés dont «le pouvoir exorbitant du procureur», «l’aménagement des peines et alternatives à l’incarcération». En fait, selon les participants, les mandats de dépôt servis systématiquement par le Parquet constituent une des causes du surpeuplement des prisons, et les appels systématiques du procureur après une ordonnance de mise en liberté provisoire prolongent le séjour carcéral des détenus. S’agissant de l’aménagement des peines, elle n’est pas bien appliquée.Une sorte de diagnostic des maux qui gangrènent actuellement la justice, c’est en substance ce que reflète le séminaire organisé, hier, par les magistrats, avec comme prétexte «détention provisoire et peines alternatives à l’incarcération». A cette occasion, les magistrats ont débattu sur les points qui causent le surpeuplement des prisons, mais également les longues détentions. Parmi ces points, le pouvoir exorbitant du Procureur. Invité à développer sur ce sous-thème, le procureur de Saint-Louis a considéré que le pouvoir du Parquet en matière de placement sous mandat de dépôt est normal pour le maintien de l’ordre. Selon lui, il faudrait penser plutôt à «la réduction des pouvoirs». «On ne peut pas parler de pouvoir exorbitant du Procureur, c’est des prérogatives exécutées dans le cadre de la loi», peste le substitut général à la Cour d’appel de Dakar, Madiaw Diaw. Pour certains de ses collègues, cependant, il faudrait instaurer le système du «juge des libertés» pour arracher au procureur ce pouvoir dont il abuse, en décernant des mandats de dépôt à tout bout de champ.
L’appel systématique du procureur sur une ordonnance de mise en liberté provisoire fustigé
Les longues détentions, c’est aussi dû au fait que le procureur interjette appel systématiquement, lorsque le juge d’instruction ou les juges de fond ordonnent la liberté provisoire à un détenu. L’article 489 qui fait que l’appel du procureur est suspensif gêne en fait les participants. Me Bamba Cissé a plaidé pour sa suppression. L’avocat dit ne pas comprendre que sur une décision rendue par un collège composé de trois juges, le seul recours du parquet suffise à bloquer cette décision de mise en liberté provisoire. Une autre cause de ces longues détentions, si l’on en croit, cette fois, le juge Cheikh Ba, c’est, entre autres, le trop plein de dossiers confiés au Doyen des juges d’instruction. Le juge Samba Sall gère à lui tout seul 414 dossiers. Pis, tous les dossiers ayant trait au terrorisme lui sont automatiquement attribués. «Faire fonctionner enfin le pôle antiterroriste de Dakar qui ne l’est encore que de nom et arrêter d’étouffer le premier cabinet qui gère aujourd’hui tous les dossiers de terrorisme», a proposé le juge du 4èmecabinet d’instruction de Dakar. Selon lui, l’affectation des dossiers devrait se faire par rotation, pour équilibrer et soulager le Doyen des juges surtout. Le juge Cheikh Bâ a aussi déploré le fait que l’Etat ne paie pas les experts à temps, ce qui fait que ces derniers ne déposent pas leurs rapports qu’ils accumulent dans leurs cabinets, retardant ainsi le travail du magistrat instructeur.
Le juge Cheikh Bâ : «arrêter d’étouffer le premier cabinet»
La question de l’aménagement des peines a été aussi au cœur des débats. Selon le juge Bara Guèye, président de chambre à la Cour d’appel de Dakar, il y a une «prépondérance des autorités administratives dans l’aménagement des peines». Il vise ainsi, en parlant d’autorité administrative, le président de la République qui a le droit de grâce. Le juge a fustigé surtout le procédé parfois utilisé par exemple pour la liberté conditionnelle, où l’on ne précise même pas parfois les conditions. Ainsi, la judiciarisation de la libération conditionnelle a été proposée, pour donner plus de pouvoir au juge de l’aménagement des peines. Ce, d’autant, précisera le juge Cheikh Diakhoumpa, qu’«il y a des personnes qui bénéficient d’une grâce et qui ne devraient pas en bénéficier».
avec les échos
PID