ABIDJAN – L’ONU a dénoncé dimanche des « violations
massives des droits de l’Homme » qui ont fait plus de 50 morts ces derniers
jours en Côte d’Ivoire, et a rejeté l’exigence de Laurent Gbagbo d’un retrait
des Casques bleus.
A Genève, la Haut commissaire aux droits de l’homme des Nations unies, Navi
Pillay, a affirmé que les violences ont fait « ces trois derniers jours plus de
50 morts et plus de 200 blessés ».
Jusqu’à présent, les bilans sur place faisaient état de 11 à une trentaine
de morts depuis jeudi dans des violences entre les partisans de Laurent Gbagbo
et d’Alassane Ouattara, qui se disputent la présidence depuis le scrutin
controversé du 28 novembre.
La responsable onusienne s’est inquiétée de « violations massives des droits
de l’Homme », dénonçant notamment des enlèvements dont ont fait état des
« centaines de victimes et membres de leurs familles ».
Selon elle, ces enlèvements seraient commis « particulièrement la nuit, par
des individus armés non identifiés en tenue militaire, accompagnés d’éléments
des Forces de défense et de sécurité (FDS) ou de milices ». Les FDS sont un
pilier du régime Gbagbo.
L’ex-puissance coloniale française a également mis la pression sur le
président sortant: « il faut qu’il retienne ses troupes », a déclaré la ministre
française des Affaires étrangères, Michèle Alliot-Marie.
Les Nations unies, qui reconnaissent Ouattara comme président élu et
demandent sans relâche à Gbagbo de partir, ont opposé une fin de non-recevoir
à sa demande d’un retrait de sa mission dans le pays, l’Onuci. Le secrétaire
général Ban Ki-moon l’a averti des « conséquences » s’il s’en prenait à elle.
« Nous redoublons de vigilance et nous sommes préparés à tout », a déclaré à
l’AFP Hamadoun Touré, porte-parole de l’Onuci. Les Casques bleus vont
« poursuivre » leurs patrouilles mais « nous ne voulons pas de confrontation »
avec des forces armées loyales à Gbagbo, a-t-il ajouté.
Peu avant que Gbagbo n’exige le retrait des Casques bleus (10.000 hommes)
et des 900 soldats français de la force Licorne, le siège de l’Onuci à Abidjan
avait essuyé des tirs d’hommes armés « vêtus de tenues militaires » dans la nuit
de vendredi à samedi, selon la mission.
Le président sortant et les FDS ont accusé l’Onuci d’appuyer militairement
l’ex-rébellion des Forces nouvelles (FN) soutenant Alassane Ouattara, reconnu
internationalement comme président légitime.
En plus des FDS, Gbagbo peut compter sur le soutien indéfectible des
« jeunes patriotes » de son nouveau ministre de la Jeunesse, Charles Blé Goudé.
Fer de lance de violentes manifestations antifrançaises en 2003 et 2004, il
a affirmé que son champion « ne partira pas et ne partira jamais ». Il a accusé
l’ONU et le président français Nicolas Sarkozy de préparer un « génocide ».
En raison du risque de « violences », le Royaume-Uni a recommandé dimanche à
ses ressortissants de quitter la Côte d’Ivoire.
Le durcissement du régime Gbagbo s’est également traduit par la suspension
de la publication de plusieurs journaux favorables à Alassane Ouattara.
Dans le nord du pays, tenu depuis 2002 par l’ex-rébellion dirigée par
Guillaume Soro, Premier ministre d’Alassane Ouattara, la tension était
également perceptible avec la crainte d’une reprise des combats entre FN et
FDS.
A Djébonoua (centre), dernier poste tenu par les FN avant la zone tampon
qui sépare le nord du sud tenu par le camp Gbagbo, un élément ex-rebelle a
déclaré à l’AFP: « nos hommes sont aux aguets ».
La montée de la tension entre les deux camps se traduit aussi à l’étranger.
En France, où vit une forte communauté ivoirienne, des heurts à Paris entre
partisans de Gbagbo et Ouattara ont fait deux blessés, dont un à l’arme
blanche.
afp