L’outrecuidance ou la dérive sociétale des sénégalais (es) « Le non-savoir de l’autre révèle mon propre non-savoir » (Nicolas Silandibithe BASSENE)

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Le Sénégal perd petit à petit ses hommes et ses femmes spécialistes dans des domaines précis qui faisaient sa force et sa richesse. Nous sommes confrontés, aujourd’hui, au phénomène des messieurs et mesdames présomptueux qui ont une haute estime d’eux- mêmes et se croient supérieurs aux autres et qui n’hésitent pas le montrer ou à le faire savoir ou à écraser les autres. Des personnes qui pensent connaître tout. Une outrecuidance plus visible dans l’arène politique. Les débats dans les médias les traduisent à suffisance dont le seul but consiste à poursuivre des stratégies discursives (convaincre, se légitimer, délégitimer autrui…).

Le bilan des outrecuidances au Sénégal est tellement riche mais pointe malgré tout une interrogation quant à la façon de faire : le style personnel, les groupes d’appartenance du locuteur, le rôle endossé, la situation de communication, la génération politique. A la lumière de l’objectivité insolente, nous voyons une catégorie se détachant des autres : les politiciens même si le phénomène est général.
La particularité dans l’arène politique au Sénégal est que certains de nos politiciens (pouvoir comme opposition) s’autorisent détenir la science infuse, l’encyclopédie du savoir sur tous les domaines. Ils sont simplement ceux et celles qui savent mieux que tout le monde à commencer par leur interlocuteur en face même si ce dernier est un spécialiste-un aguerri reconnu mondialement- en la matière et lui un profane.
Pourquoi ? Parce qu’il est politicien qu’il prétende être au sommet de la connaissance.
Par conséquent personne ne peut être plus connaisseur que lui dans un domaine de la vie. Même dans ses pires contradictions il se maintient par son arrogance, son
autosuffisance…
Ce qui est marrant au Sénégal ce sont ceux qui ne connaissent pas qui parlent et ceux qui connaissent qui devaient parler qui sont soumis au diktat du silence. Alors d’un débat, ils s’amusent toujours à sortir du sujet par excès d’orgueil et d’irresponsabilité pour cacher leurs lacunes. Ecoutez ces derniers dans les plateaux médias défendre des positions aux antipodes de leurs fonctions c’est la désolation à l’état pur qui vous envahisse.
L’interrogation ici c’est savoir si nos politiciens sont-ils des éclectiques ?
Au risque d’enfoncer une porte ouverte d’un forcing éclectique de nos politiciens surtout de ceux de la majorité, il est bon de rappeler selon le psychologue clinicien Samuel Dock dans son livre : Le nouveau Malaise dans la civilisation (Plon, 2017), « ces comportements de détenteurs du savoir présentent une caractéristique
particulière : le narcissisme. Par conséquent, l’assurance de leur discours laissant croire à une solidité cache en réalité une monstrueuse fragilité alimentée de
doute et d’angoisse ». Ce qui explique que ces personnes ne laissent de place à leur

interlocuteur lors d’un débat car leur non-savoir sera mis à nu. Donc permettre à ceux-là qui ont la science en la matière de parler en toute intelligible voix parait suicidaire et raisonnerait comme un échec pour eux, comme l’acceptation de leur faiblesse, comme l’affirmation de leur vulnérabilité et la réduction de leur force en ne devenant pas tout-puissant. Samuel Dock d’en ajouter encore que : « ces personnes cherchent dans le regard de votre connaissance à combler leur propre vide ». Dans la même veine psychologue de compléter: « elles cherchent dans le regard de l’interlocuteur à être réassurée, car la seule chose qu’elles ne savent pas ».

Au final, au-delà de ces comportements horripilants, il faut admettre que redonner la parole aux « ayants droit» c’est-à-dire aux personnes qualifiées dans leurs domaines contribuerait à faire avancer le Sénégal et donnera des modèles et des références aux jeunes générations. Rien ne sert de se lancer dans un débat dont nous sommes conscients ne pas détenir l’expertise pour permettre au peuple sénégalais de bénéficier des éclairages de la part des voix habilitées. Il est très important de reconnaître sa propre impuissance et de reconnaître que l’autre est capable de le faire. Ce n’est pas une honte mais plutôt de la grandeur. S’agissant du discours politique au Sénégal, ces considérations trop générales ont pris une tonalité particulière. Le peuple ne parle pas, les institutions non plus, et ceux qui sont socialement habilités à s’exprimer en leurs noms ne sont jamais complètement contraints.
Rendons la fierté au Sénégal jadis connu comme pays d’expertises et de compétences.

Nicolas Silandibithe BASSENE

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