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Macky Sall et ses secrétaires d’État – Par Madiambal Diagne

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La scène est surréaliste. La secrétaire d’Etat, Mme Fatou Tambédou, a profité de la tribune de l’Assemblée nationale et des caméras et micros des radios et télévisions pour régler en direct ses comptes à son ministre de tutelle, Diène Farba Sarr. Les réprobations des députés, du Premier ministre ou du président de l’Assemblée nationale n’y feront rien. Comme une bête en furie, Fatou Tambédou tenait à se faire entendre. Les fracas virulents de la secrétaire d’Etat ont ému toute l’assistance. L’image du gouvernement en a alors pris un sacré coup.

Le plus triste est que cela ne surprend personne. Déjà, le 5 décembre 2015, Fatou Tambédou n’avait pas assisté à l’examen du budget du département parce que se plaignait-elle de n’avoir pas été tenue informée du calendrier par son ministre de tutelle. L’humeur de la bonne dame s’est si dégradée qu’elle ne daignait même plus saluer ses collègues du gouvernement à l’occasion des réunions du Conseil des ministres. Il est heureux que le Premier ministre, Mahammad Boun Abdallah Dionne, ait réagi avec célérité et autorité. Il a proposé et obtenu le limogeage de la mégère qui n’avait plus sa place autour de la table du Conseil des ministres. On se demande d’ailleurs si elle a jamais eu sa place dans cette auguste instance gouvernementale.
Le Président Macky Sall avait surpris son monde en nommant dans le gouvernement de Mahammad Dionne, du 6 juillet 2014, une flopée de secrétaires d’Etat. Le profil des personnes investies à cette fonction laissait percevoir que le chef de l’Etat les avait nommées par défaut ou pour leur permettre de se faire la main. Elles avaient un trait commun d’être des novices dans des fonctions importantes et dire que certaines d’entre elles n’avaient jamais eu à avoir même une secrétaire sous leurs ordres. Il était manifeste que le costume ou la robe de ministre était trop ample pour ces secrétaires d’Etat. L’opinion publique était dubitative devant de telles nominations qui enlevaient ainsi une once de crédibilité au gouvernement. La plupart des secrétaires d’Etat n’avaient ni l’étoffe ni l’envergure pour assister à des délibérations gouvernementales. Ce scepticisme se ressentait même auprès de certains ministres qui se voulaient ainsi prudents, jusqu’à hésiter de prendre des positions dans des discussions en Conseil des ministres, de crainte de voir leurs propos étalés sur la rue publique. Le chef de l’Etat ne semblait pas se tromper sur la qualité des choix qu’il avait opérés en demandant à ses services de préciser par voie de presse, dans la foulée de la formation de ce fameux gouvernement, que les secrétaires d’Etat ne siégeraient pas en Conseil des ministres. Cette posture était d’ailleurs strictement conforme à l’orthodoxie républicaine. Mais les secrétaires d’Etat avaient alors protesté et se sont fait accepter dans le cénacle du Conseil des ministres. Dans les activités de tous les jours, les secrétaires d’Etat sont restés relégués à jouer les intermittents du spectacle gouvernemental.
Dans l’esprit de nombreux observateurs, le Président Sall s’appuyait pour l’essentiel sur certains pontes de son gouvernement et les secrétaires d’Etat et autres ministres complétaient la galerie gouvernementale pour satisfaire à des nécessités d’équilibre géographique, politique ou autre. Il faut dire que certains membres du gouvernement n’avaient pas voulu accepter ce sort et de nombreux heurts avaient été enregistrés notamment entre les secrétaires d’Etat et leur ministre de tutelle. Le spectacle était garanti. Le premier intermède était le clash entre Yakham Mbaye et Mouhamadou Makhtar Cissé, directeur de Cabinet du président de la République. Les réunions du Conseil des ministres enregistraient régulièrement des scènes hallucinantes de duels à fleurets mouchetés entre Souleymane Jules Diop alors secrétaire d’Etat des Sénégalais de l’extérieur et son patron, le ministre Mankeur Ndiaye, ou entre Fatou Tambédou et Diène Farba Sarr, ou encore Moustapha Diop et Mariama Sarr ou entre Youssou Touré et Serigne Mbaye Thiam.
Pour sa part, le ministre de la Culture et de la communication, Mbagnick Ndiaye, s’évertuait à trouver des bonnes volontés pour travailler au corps son secrétaire d’Etat, Yakham Mbaye, afin de l’amener à une meilleure collaboration. Quand la presse évoquait des malaises entre Mbagnick Ndiaye et Yakham Mbaye, le ministre de la Culture et de la communication s’empressait d’aménager des espaces pour son secrétaire d’Etat à la Communication, lui déléguant par exemple la coordination des activités des différentes directions du ministère. Cette réussite de Mbagnick Ndiaye à dompter les ardeurs de Yakham Mbaye autorisait sans doute le Président Macky Sall à considérer que certains heurts s’expliquaient du fait du manque de générosité de certains ministres à l’endroit de leur secrétaire d’Etat. Il n’en demeure pas moins que la rivalité entre Mariama Sarr et Moustapha Diop sera exacerbée par les députés de la majorité parlementaire le 6 décembre 2015, lors du vote du budget de leur ministère. Les ministres et les secrétaires d’Etat se donnaient ainsi en spectacle et cela finissait par déborder dans les médias. Souleymane Jules Diop se fendit de diatribes dans les réseaux sociaux contre Mankeur Ndiaye et la virulence ne laissait pas le choix au chef de l’Etat que de le limoger, le 18 août 2015, du poste de secrétaire d’Etat en charge des Sénégalais de l’extérieur. Mais c’était pour en faire un secrétaire d’Etat auprès du Premier ministre. Un jugement à la Salomon qui pouvait permettre à Mankeur Ndiaye d’avoir le sentiment de gagner le duel et dans le même temps qui donnait l’impression à Souleymane Jules Diop d’avoir obtenu une promotion. Cette façon de régler un conflit ouvert au sein du gouvernement nous donnera raison, car quelques jours auparavant, dans une chronique en date du 3 août 2015, intitulé : «Macky Sall ou la tentation du suicide collectif», nous mettions en garde contre le péril de la situation en écrivant notamment : «D’aucuns ont pu se demander si Souleymane Jules Diop pouvait encore rester au poste. Il aurait franchi la corde raide de la solidarité gouvernementale et surtout de la réserve qu’imposent ses fonctions. Il a choisi d’étaler sur la place publique des divergences ou des conflits internes au gouvernement. On pourrait donc songer à ce que le chef de l’Etat restaure une certaine autorité dans le gouvernement. L’absence de réaction pourrait susciter des émules. Déjà, on a vu Youssou Touré, secrétaire d’Etat à l’Alphabétisation, bien qu’il semble s’être beaucoup assagi, étaler ses frustrations, lui aussi, dans l’édition du journal L’As du vendredi 31 juillet 2015. Si on n’y prend garde, le gouvernement sera assez chahuté parce que d’autres ministres feront encore montre d’insubordination ou de mauvaise tenue pour ne pas dire de rébellion. Seulement, tout porte à croire que Macky Sall laissera passer la tempête. En limogeant Souleymane Jules Diop pour une faute bien manifeste, il commettrait le péché de faire du deux poids deux mesures. Combien de graves fautes de ses ministres Macky Sall a-t-il ignoré ? »
Notre prémonition était d’autant plus fondée que cette même Fatou Tambédou, au cours d’une rencontre au Palais présidentiel le 11 juillet 2015, s’était comportée de manière vulgaire devant le chef de l’Etat qui rencontrait les femmes de son parti. Le comportement de la secrétaire d’Etat manquait tellement de tenue qu’à l’issue de la réunion, Mme Aminata Tall, présidente du Conseil économique, social et environnemental, avait estimé devoir l’appeler pour lui prodiguer des conseils de bonne tenue. Mais Fatou Tambédou lui révéla un «je m’en foutisme» sidérant…
La rébellion des secrétaires d’Etat était perceptible à chaque activité du gouvernement et l’arrogance s’étalait au grand jour. Ils pouvaient se le permettre. Le ministre délégué chargé de la Micro-finance, Moustapha Diop, n’avait plus sa place en Conseil des ministres après ses insultes aux membres de la Cour des comptes. Les mauvais comportements étaient légion dans l’espace du gouvernement et le Président Macky Sall en était lui-même victime parfois. Nous ne nous y étions pas trompés dans une chronique intitulée «Mais Macky, où on va là ?», en date du 22 mai 2012. Déjà, nous tirions la sonnette d’alarme quant aux risques encourus avec les comportements de certains responsables de l’Apr. Plus grave, certains auront des comportements de «malotrus» en insultant dans les médias le ministre d’Etat Amath Dansokho qui s’était permis une critique de l’action gouvernementale. Voir notre chronique du 15 juin 2015. La pagaille semblait s’installer. Moustapha Diop traitera publiquement Mariama Sarr de «menteuse» au cours d’une réunion au Palais présidentiel. Nous continuons à prêcher dans le désert avec une autre chronique en date du 8 juin 2015, intitulée «Un Etat déboussolé», dans laquelle nous mettions en exergue une autre situation opposant le ministre Abdoulaye Diouf Sarr et le directeur général des Aéroports du Sénégal, Pape Maël Diop. Nous disions, faudrait-il le rappeler : «Il s’avère nécessaire de relever des situations ou des comportements qui portent atteinte à l’image de la gouvernance publique et l’accumulation de tels faits finirait par rendre sceptique le citoyen sur la capacité des gouvernants à incarner l’Etat.» Comme pour nous conforter une fois de plus, Youssou Touré démissionnera le 1er mars 2016 du gouvernement pour des caprices et se fera rattraper par un commando dirigé par la Première dame Marième Faye Sall. Cet épisode avait provoqué un grand embarras au plus haut niveau de l’Etat. Le ministre des Infrastructures, Mansour Elimane Kane, avait failli, le 21 avril 2016 à Washington, régler à coups de poing ses divergences avec le directeur du Département Afrique de la Banque mondiale, Makhtar Diop. Il n’en était point à son premier esclandre du genre. Fatou Tambédou sera-t-elle l’agneau du sacrifice ou son limogeage sera-t-il la bonne preuve que les choses auront véritablement changé ?

5 Commentaires

  1. Madame Tabédou est une femme : c’est plus facile de la virer que d’affronter les Souleymane Jules Diop, Yakham Mbaye, Moustapha Diop et consorts. Il faut du culot – pour ne pas dire des c*** – à un homme pour faire face à son alter ego. Ce qui fait manifestement défaut à Macky.

    Malgré toutes tes mises en garde, depuis 2012, Sall a persévéré dans l’erreur et le tâtonnement. Preuve qu’il n’est pas un bon chef. CQFD !

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