Macky Sall : Une atmosphère de fin de règne en début de mandat !

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Passes d’armes à l’Assemblée nationale, levée d’immunités parlementaires de députés, arrestation d’Aïdara Sylla, reprise des embarcations en direction de Barça ou Barsakh, auto-immolation d’un despérado, grève des enseignants et réclamations salariales… le Sénégal de Macky Sall, en neuf mois de pouvoir, semble paradoxalement baigner dans une atmosphère de fin de règne même si nous sommes à cinquante mois de l’expiration de son mandat…

La tourmente dans laquelle vit le peuple sénégalais depuis un certain temps nous renvoie à une atmosphère de fin de règne difficile. Trop de bruits autour des audits et de la traque des biens mal acquis rythment les incessants ballets à la Section de recherches de la gendarmerie de Colobane de certains pontes libéraux. Le camp présidentiel et la minorité oppositionnelle jouent les prolongations du match électoral du 25 mars dernier. A l’Assemblée nationale, haut lieu de l’expression démocratique, le débat est au ras des pâquerettes avec les joutes oratoires injurieuses entre Bennoo Bokk Yaakaar et le groupe Libéral-Démocratique.

Nous assistons à une confrontation entre une mouvance présidentielle arrogante usant et abusant de sa majorité parlementaire et une minorité oppositionnelle boudeuse et grincheuse privilégiant le négativisme discursif plutôt que le débat constructif. La demande de levée de l’immunité parlementaire de trois députés ex-ministres du régime d’Abdoulaye Wade (Oumar Sarr, Ousmane Ngom et Abdoulaye Baldé) est venue s’ajouter à cet imbroglio judiciaire autour des audits et de la traque des biens présentés comme mal acquis. A cela s’ajoute la polémique née d’une supposée irrégularité de la procédure visant à lever l’immunité de ces députés et la démission – sans surprise pour dire vrai – de Modou Diagne Fada, président du groupe parlementaire Libéral-Democratique, de la commission ad-hoc devant entendre ces parlementaires de son camp. Les partisans de Wade, qui se sentent persécutés par le régime présenté comme vindicatif de son successeur, qu’ils accusent d’abus de pouvoir, et par le comportement « dictatorial » du président de l’Assemblée nationale, M. Moustapha Niasse, ont commencé à sonner la mobilisation des troupes libérales disséminées sur l’ensemble du territoire national.

Mais les choses semblent aller de Charybde en Scylla car, au moment où la République est secouée par cette histoire de traque de biens mal acquis, voilà que surgit l’arrestation de l’ex-député libéral Alioune Aïdara Sylla mêlé à une nébuleuse histoire de blanchiment d’argent portant sur presque trois milliards de francs. L’ex-député et homme d’affaires, ayant bénéficié indûment de plusieurs passe-droit sous le règne de Wade, n’est pas parvenu à convaincre le procureur de la République sur la licéité de l’argent des chèques dont il était porteur au moment de son appréhension. L’affaire Alioune Aïdara Sylla tombe comme un cheveu dans la soupe amère des libéraux très mal en point avec cette histoire d’enrichissement illicite dont certains parmi eux sont accusés.

Reprise de l’odyssée de Barça ou Barsakh et résurgence des immolations par le feu

Parallèlement, le Sénégal renoue avec les immolations par le feu qu’il avait connues à la pelle sous l’ère wadienne. Le jeune Cheikh Anta Mbaye, qui s’est aspergé d’essence avant d’y mettre le feu avant-hier devant les grilles du palais de la République, a finalement rendu l’âme, son pronostic vital étant très faible après qu’il s’est cramé au troisième degré. Est-il le symbole de ce mal-vivre des jeunes « goorgoorlus » sénégalais qui souffrent encore le martyre de la cherté de la vie héritée du régime libéral ? Est-il le symbole de cette jeunesse qui, dégrisée par les promesses trop mirobolantes du concepteur du programme « Yoonu Yokkuté », commence à reprendre stoïquement le chemin mortel du Barça avec les embarcations de fortune ?

En tout cas, le choix géographique de Cheikh Anta Mbaye pour perpétrer son acte sacrificiel n’est pas fortuit ni anodin. En s’immolant par le feu devant la symbolique du palais présidentiel, ce jeune trentenaire, à l’instar de plusieurs Sénégalais, désigne à tort ou à raison le pouvoir d’aujourd’hui comme étant le principal responsable de ses mauvaises conditions de vie. Les propos rapportés par notre confrère Ibrahima Lissa Faye, administrateur du site pressafrik.com, et qui prétendent que le jeune homme marmonnait quelques minutes avant son immolation que la vie sous le régime du président Macky Sall est à ce point difficile qu’elle fait regretter le pouvoir de son prédécesseur, peuvent effectivement être considérés comme un témoignage à charge pour le « Yoonu yokkuté ». Si cela était vrai, il serait souhaitable que le niveau insoutenable de la douleur auto-infligée par le jeune désespéré Cheikh Anta provoque une onde de choc au niveau de l’autorité présidentielle à qui s’adresse ce message dramatique.

Réchauffement du front social

Sur le front social, les syndicalistes du Cadre unitaire des syndicats d’enseignants du moyen secondaire (Cusems), du Syndicat autonome des enseignants du moyen secondaire du Sénégal / Cusems (Saemss / Cusems) et du Syndicat des enseignants libres du Sénégal (Sels) ont déterré la hache de guerre contre le gouvernement en procédant successivement mardi et mercredi à un débrayage et à une grève totale. Encore une fois, les questions pécuniaires qui avaient failli provoquer une année blanche en 2012, refont surface. Les syndicalistes grévistes réclament à l’Etat des arriérés de salaires pour les corps émergents, des indemnités de correction et de déplacement du Bac et du BFEM.

Le plus révoltant, c’est que cette situation de non-paiement desdites indemnités jure avec les propos du ministre de l’Education, Serigne Mbaye Thiam qui, depuis l’examen du budget de son département à l’Assemblée nationale, avait assuré que l’argent était disponible dans toutes les inspections d’Académie. Avec ce primum movens des syndicats, le spectre d’une année trouble comme 2012 commence à hanter déjà les esprits des élèves et parents d’élèves. Le gouvernement, n’ayant encore ouvert aucune plate-forme de discussion, prête le flanc à ces enseignants qui, à la moindre revendication pécuniaire, jettent la craie et désertent les établissements scolaires.

Dans la même fièvre des revendications financières, les travailleurs de la mairie de Dakar réclament à leur édile Khalifa Sall leurs salaires du mois de décembre. Pourtant grâce à un milliard cinq cents millions de la mairie, la capitale, en cette fin décembre, s’est parée de mille feux avec un parcours d’illuminations, de projections d’images géantes, de spectacles sons et lumières, de parades lumineuses à travers la ville. Quel paradoxe ! Au moment où, devant les plus hautes autorités de la République, l’on réduit en cendres, en quelques minutes, plusieurs centaines de millions, parce que, simplement, l’on doit sacrifier au rituel de la Saint-Sylvestre qui pousse à certaines folies dépensières, des pères et des mères de famille, travaillant dans l’institution qui a généré ces fonds, broient du noir avec leurs enfants dans la plus grande amertume. Et pendant que la ville est encore inutilement inondée d’atours et parures lumineux, les délestages font leur loi à la Médina, aux Parcelles assainies, à Grand-Yoff et dans d’autres quartiers périurbains.

Tous ces problèmes font qu’aujourd’hui rien ne semble présager une année 2013 souriante nonobstant le discours de fin d’année du président de la République. Lequel, paradoxalement, prolonge l’espérance d’un mieux-vivre des Sénégalais toujours écrasés par la vie chère. La voie encore infernale du «Yoonu Yokkuté » est-elle pavée de bonnes intentions ?

Serigne Saliou Guéye

Journal le Témoin

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