Emmanuel Macron vient d’être réélu, pour un second mandat de cinq ans, à la tête de la République française, avec plus de 58% des voix. Il a ainsi fait mentir ce qui commençait à s’installer comme une règle de la vie politique française, depuis le départ du pouvoir de Jacques Chirac, qui voulait que plus jamais un président de la République ne fasse plus d’un quinquennat. Jacques Chirac n’avait pas songé, en 2007, à tenter de chercher un second quinquennat (il avait déjà fait un septennat de 1995 à 2002) et Nicolas Sarkozy (2007-2012) ainsi que François Hollande (2012-2017) n’avaient pas réussi à se faire réélire. Mais le succès d’hier du Président Macron tient aussi à l’ampleur de sa victoire. On pourra certes dire qu’il n’a pas réalisé le raz-de-marée électoral de 2017 face à sa même rivale, Marine Le Pen (66,10 % des suffrages), mais avec un score de plus 58% des suffrages exprimés à l’issue du scrutin du 24 avril 2022, Emmanuel Macron peut se compter parmi les présidents français les mieux élus de ces cinquante dernières années. Seul Jacques Chirac pouvait se targuer d’avoir fait mieux, quand il avait battu Jean-Marie Le Pen avec 82,21% des suffrages. C’est dire que le Président Macron sera tout aussi légitime pour la fonction présidentielle, qu’il l’avait été il y a cinq ans. C’est sans doute une autre leçon à apprendre en Afrique, qu’un Président élu sans un score «à la soviétique» n’en est pas moins légitime.
2017-2022 : Le mandat des calamités
Le Président Macron a acquis sa victoire avec panache mais aussi de haute lutte. Il n’a pas vaincu sans péril et donc peut considérer avoir triomphé avec gloire. Le duel de cette année qui l’opposait à Marine Le Pen était assez risqué, d’autant que la classe politique française avait fini de considérer que le Front républicain contre les Le Pen ne saurait encore être de rigueur. Emmanuel Macron avait d’ailleurs pris les devants, pour indiquer qu’il ne saurait être question d’un front républicain. Ainsi, Eric Ciotti et nombre de ses amis du parti gaulliste Les Républicains (Lr), pouvaient ne pas se sentir gênés par leur décision de ne pas voter Macron ou même parfois de voter pour la candidate du Rassemblement national (Rn). Aussi, le non-soutien à demi-mots de Jean-Luc Mélenchon, ou même son ambiguïté, ne pouvait trop embarrasser les Insoumis. Emmanuel Macron a labouré son électorat, leur répétant que les jeux étaient loin d’être faits et que sa victoire devait être méritée.
Après coup, on mesure à quoi Emmanuel Macron a été confronté durant son premier mandat et ce qui lui a permis de tenir le coup pour arriver à se faire réélire. Il est rare dans l’histoire politique de la France de voir un président de la République affronter la bourrasque des manifestations populaires des «Gilets jaunes» et, à peine qu’il a pu sortir la tête de l’eau, se trouver confronté à l’effroyable crise de la pandémie du Covid-19. En outre, comme il semblait écrit que rien ne devait être facile pour le Président Macron, il a terminé son mandat dans un contexte de guerre entre la Russie et l’Ukraine ; un engagement militaire qui est parti pour continuer de secouer l’Europe et le monde pour de longues années encore.
Contre vents et marées, Macron est resté droit dans ses bottes
Emmanuel Macron a fait montre d’un grand courage, de ténacité et de résilience. Il n’a pas dévié de sa ligne et était resté ancré dans ses principes. Les crises ont révélé diverses facettes de la résilience de l’homme Macron. La crise des «Gilets jaunes» a montré que Emmanuel Macron a pu restaurer en France la part d’autorité que son prédécesseur, François Hollande, n’avait pas eue. Contre la classe politique de tous bords, contre les syndicats et l’opinion publique, Emmanuel Macron a tenu tête et mis en branle l’appareil d’Etat pour préserver la France de la déstabilisation économique et sociale. Il n’a pas hésité à recourir à des réquisitions d’agents publics, jusqu’à l’emploi de la force, pour libérer le blocage de dépôts de carburant ou pour libérer des axes de circulation ou pour libérer des zones comme la Zad dans le conflit avec des associations et des écologistes qui voulaient faire du site du projet de l’aéroport des Landes, un sanctuaire de non-droit. Emmanuel Macron a aussi joué sur le domaine sécuritaire en renforçant les moyens et les effectifs des forces publiques de police et de gendarmerie. La main de Emmanuel Macron n’a pas tremblé pour se séparer, dès juillet 2017, du Général Pierre de Villiers, chef d’Etat-major de l’Armée française, qui semblait se poser en objecteur à la politique militaire définie par le chef de l’Etat. La saute d’humeur ou la fronde d’un groupe de généraux hors-rangs n’a point ému le Président Macron. Ces différentes situations de tension ont été des occasions pour le Président Macron de reprendre en main l’action gouvernementale par des remaniements et même le sacrifice d’un Premier ministre très populaire, Edouard Philipe. Le Président Macron n’a pas non plus manqué d’autorité pour se fâcher avec Mme Ségolène Royal et donc se séparer en 2020 de son ambassadrice pour des questions climatiques et environnementales. Le Président Macron n’a pas non plus cédé au chantage des syndicats de magistrats qui voulaient l’obliger à se séparer de son ministre de la Justice, Me Eric Dupond-Moretti.
Sur un autre registre, Emmanuel Macron a su contenir les dégâts économiques et sociaux engendrés dans son pays par la crise de la pandémie du Covid-19. Il n’a pas hésité à ouvrir les vannes des dépenses publiques avec son slogan «quoi qu’il en coûte». Résultat des courses ? Aucun responsable politique de Gauche n’a pu lui faire le reproche d’une absence de politique sociale ou de soutien au secteur public et aux couches sociales défavorisées. On a bien pu observer que durant la campagne électorale, seule Marine Le Pen a eu à lui reprocher le niveau d’endettement public de la France et le candidat Macron avait le beau rôle de rétorquer que cet endettement a servi à sauver l’économie, les entreprises et les ménages. Ainsi tire-t-il les dividendes de tels efforts économiques de soutien aux entreprises qui ont permis de créer plus d’un million deux cent mille nouveaux emplois avec, à la clé, une baisse nette du taux de chômage.
Macron a montré qu’en dépit du populisme, les électeurs savent distinguer les vendeurs d’illusions
Au demeurant, le Président Macron est certes un homme chanceux, mais il doit beaucoup sa réélection à un certain langage de vérité devant les électeurs. Il a osé dire de manière claire et nette que la réforme du système de retraite ou de sécurité sociale, en vue d’en assurer un financement viable, était tributaire de l’allongement de l’âge de départ à la retraite. Attaqué de toutes parts par Marine Le Pen ou Jean-Luc Mélenchon ou par les électeurs de Gauche et autres syndicalistes, Emmanuel Macron a voulu tenir un langage de vérité et s’est montré démonstratif et n’a pas versé dans la démagogie. Il a peut-être risqué de perdre d’importantes voix mais il a gagné en ne prenant pas un engagement qu’il aurait renié au lendemain de sa réélection. Emmanuel Macron a joué la carte de la transparence sur tous les grands sujets de la campagne. Il n’a pas esquivé la polémique née de la révélation de recours à des services de conseil du cabinet privé américain McKinsey. Emmanuel Macron a martelé assumer ses choix et ses actions à la tête de la France. Il a totalement endossé son bilan.
En cours de mandat, Emmanuel Macron a perdu le soutien de grands militants écologistes pour avoir refusé de céder à la sirène de fermeture tous azimuts des centrales nucléaires. Il a risqué de se séparer de ministres écologistes comme Nicolas Hulot ou Barbara Pompili par exemple. La guerre en Ukraine, qui a mis en exergue la dépendance énergétique de l’Europe vis-à-vis de la Russie, a révélé la justesse de l’attitude de Macron pendant que l’Allemagne regrette aujourd’hui les choix stratégiques de Angela Merkel dans ce domaine. La crainte de la montée des voix d’Extrême-droite n’a pas poussé Emmanuel Macron à céder d’un iota sur la politique d’immigration ou sur son pari européen ou sur la question de l’interdiction du port du foulard dans la rue, que prônent Eric Zemmour ou Marine Le Pen.
Par Madiambal DIAGNE – [email protected]