Mali, mon carnet de voyage (Par Mame Gor Ngom)

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Les Maliens sont résilients. C’est la première impression qui saute à l’œil, quand on «foule le sol» de l’aéroport international Modibo Keïta Sénou, au sud du centre-ville de Bamako, situé à une vingtaine de kilomètres. L’endroit n’est pas si animé, mais il vit. Il vivote, m’explique un des nombreux courtiers et autres qui s’activent dans le petit commerce ou les échanges de devises.

Une atmosphère chaleureuse à 38 degrés à l’ombre. Vers la ville, les motos sont remarquables, comme c’est le cas aujourd’hui, dans presque toutes les villes africaines. Ouagadougou la capitale burkinabè n’a plus le monopole des « deux roues ». Ici, il y a une discipline relative, une certaine volonté d’organisation, même si les conducteurs, conductrices et leurs clients sont souvent sans casques de protection.

Le pont qui enjambe le fleuve Niger, appelé ici Djoliba, illustre ce besoin d’ordre et de discipline. Les motos ont leur « chemin », bien différent de celui des automobiles. De Sénou à Darsalam précisément à l’avenue Van Vollenhoven, en passant par Koulouba le palais présidentiel haut perché sur une colline, des retentissements, un trafic intense mais maîtrisé.

Oui, si Dakar a son « Plateau », la partie la plus importante de la capitale où se trouvent notamment la Présidence, l’Assemblée, le siège du gouvernement, Bamako a ses collines.
L’une abrite le palais présidentiel, l’autre l’université. La « colline du pouvoir » face à la « colline du savoir ». Koulouba et Badalabougou sont séparées par le fleuve Niger.

Les deux espaces ont été toujours marqués par des heurts. Le président de la Transition, l’énigmatique Assimi Goïta, l’actuel locataire de Koulouba, nous apprend-on, est plus attiré par Kati, impressionnante ville-garnison, camp militaire Soundiata Keïta qui abrite également le Prytanée militaire de Kati, « frère » du Prytanée militaire de Saint-Louis.

Que de ressemblances entre le Sénégal et le Mali séparés par une frontière, liés par l’histoire et le sang, les us, les coutumes, les noms, les prénoms. La Diatiguiya malienne répond à la Téranga sénégalaise. Sabalibouga, le plus grand marché du Mali, ressemble trait pour trait à celui de Sandaga à Dakar. Il est bruyant, dans un charmant désordre à l’image de son « jumeau ».

Wolobougou-Bolibana, commune 5 de Bamako peut être considéré comme le pendant de Mbambara à Thiès. Un quartier sénégalais au Mali et un quartier malien au Sénégal. Le train Dakar-Bamako, les rails ont été sans nul doute à l’origine de cette caractéristique. Hélas, le train est mort.

Les bureaux de la régie des chemins de fer du Mali sont fermés et la gare ferroviaire presque abandonnée. Sinistre ambiance. Très éloigné le temps où le lieu grouillait de monde avec la liaison ferroviaire qui était un véritable liant. L’interdépendance entre les deux pays est d’une réalité touchante. Si le Mali tousse, le Sénégal s’enrhume. Et actuellement, le Mali est en train de tousser.

En dépit de la résistance et de la résilience les contrecoups de la crise sécuritaire combinée à une crise économique mondiale inédite sont visibles. Même si les apparences sont trompeuses.

L’embargo infligé par la Communauté économique des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Cedeao) -avec des mesures punitives prises le 9 janvier 2022 levé le 3 juillet 2022- a eu des effets néfastes. Le Mali est le premier partenaire commercial du Sénégal. Une preuve : près de 23 % des exportations sénégalaises étaient destinées au Mali, selon l’Agence nationale de la statistique et de la démographie (Ansd). Des statistiques du mois de janvier 2022. Nous sommes condamnés à nous donner la main.

Une Histoire commune et de petites histoires

Le Sénégal et le Mali avaient d’ailleurs « fusionné ». Entre 1959 et 1960 la Fédération du Mali a rassemblé le Sénégal et la République soudanaise (actuel Mali). Le temps d’une rose donc. Cette entente ne pouvait pas perdurer du fait des divergences dans les approches respectives entre Modibo Keïta d’une part et Léopold Sédar Senghor et Mamadou Dia d’autre part.

Ce point de vue d’un Français rapporté dans le livre « Ma vie de soldat », du Capitaine malien Soungalo Samaké -un des auteurs du coup d’Etat qui a fait tomber Keïta- est caricatural certes mais ne manque pas d’intérêt :
« Quand nous étions en Algérie nous avons appris que le Sénégal et le Soudan se sont regroupés pour constituer une Fédération, la Fédération du Mali dont le président est Modibo Keïta. Aussitôt, narre-t-il, un officier français est parti d’un grand éclat de rire. Je lui ai demandé pourquoi il rigolait ainsi. Il a répondu : mais c’est ridicule, c’est de la bêtise ; le Sénégal et le Soudan ? Je donne un an pour la durée de vie de cette fédération (…) N’allons pas loin. Prenez seulement l’exemple du Sénégalais Antoine Chambaz et de toi le Soudanais Soungalo Samaké. Diamétralement opposés. Chambaz joue à l’intello, au petit malin, Soungalo joue au gros nerveux et à la grande fierté. Ils ne s’entendent jamais. Le Sénégal et le Mali sont comme ça je les connais ».

Aujourd’hui encore la France a son « mot » à dire dans les relations entre les deux pays frères à la croisée des chemins.

Elle entend les moindres bruits. D’ailleurs à Bamako, les manifestations monstres se tiennent à la Place de l’indépendance attenante à l’Institut français de Bamako-Coura.

Dans l’immédiat : incertitudes chez nous à Bamako avec une junte qui se cherche. Incertitudes chez nous à Dakar, avec un pouvoir démocratiquement élu et réélu, qui tente de plus en plus le diable et maintient le suspense sur une troisième candidature crisogène. MGN

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