LETTRE OUVERTE AU PRÉSIDENT DE LA RÉPUBLIQUE DU SÉNÉGAL
Monsieur Le Président de la République,
L’accès à l’information ou à la documentation ou à la culture est un droit pour le citoyen mais c’est un devoir pour un Etat ou une administration de diligenter la politique de mise à disposition de celle-ci.
La politique documentaire est un exercice professionnel qui, est en fait la « conception et mise en œuvre de méthodes et d’outils permettant de répondre aux missions de la structure et aux attentes des usagers » selon Bertrand Calenge un des précurseurs de ce domaine.
Les usagers étant le peuple, les nobles citoyens qui vous ont élu, le médiateur (ce professionnel de l’information dont vous ignorez sans doute, son importance et qui est le pont entre cette information et les usagers) reste incontournable. Son rôle est décisif dans le processus de traitement, de localisation et de mise à disposition de l’information.
La gestion de l’information connaît encore des limites en Afrique dues certainement aux problèmes liés à la connectivité et la fracture numérique.
Il est important de noter que le métier de l’information-communication est méconnu ou pas pris au sérieux par les gouvernements africains. Le récent recrutement de la fonction publique sénégalaise a été très parlant. Seul un professionnel de l’information documentaire a été recruté. Permettez-moi de dire que c’est hallucinant !
Faites-en sorte Monsieur Le Président que le Sénégal sorte du lot. L’EBAD a toujours été un terreau fertile pour la formation des professionnels de l’information documentaire du Sénégal et d’ailleurs. La preuve, les alumni sont prisés pour leur recrutement que ce soit dans les entreprises privées ou dans les ONG. Nous avons eu une très bonne formation qui nous a permis de développer des compétences telles que la polyvalence, l’efficacité et connaissance de l’administration.
C’est clair que tous les professionnels sont interpellés que ce soit ceux qui sont en formation ou ceux qui sont en poste. A vrai dire, nous avons peur pour l’avenir de ce métier au Sénégal !
Monsieur Le Président, la recherche scientifique est un critère obligatoire pour le développement d’un pays en ce sens qu’elle permet d’évaluer la production scientifique.
La culture aussi doit être vulgarisée et le livre en constitue une belle parure. Il faut savoir que cette dissémination est l’apanage de ces professionnels de l’information documentaire.
Les pays occidentaux parlent maintenant de valorisation des travaux de recherche, de création de solution de gestion, de diffusion et de ré-exploitation de données brutes de la recherche. Ces activités sont essentiellement l’œuvre des professionnels de l’information documentaire. Pourquoi ne pas copier de telles initiatives ? Il faudrait déjà comprendre les enjeux, me direz-vous.
Alors qu’au Sénégal, nous en sommes au stade de recrutement de ces braves hommes et femmes qui se mettent à la disposition du peuple en leur offrant la sève nourricière de l’âme : le savoir.
Monsieur Le président, nous sommes sûrs que les chercheurs, autant qu’ils sont, sont déçus de ce recrutement qui devrait être une manière de nous montrer votre bonne volonté. Ils s’attendaient certainement à un recrutement massif de cette corporation car connaissant leurs rôles dans la mise à disposition et la sauvegarde de l’information.
Ils ont compris que les bibliothécaires, archivistes et documentalistes sont des acteurs inéluctables, leur place dans la société de l’information n’est plus à débattre.
Au contraire, leurs rôles évoluent avec les TIC. Ce qui devrait nous pousser davantage vers la formation car, la mise à jour des connaissances et des compétences est très importante.
Nous avons comme l’impression que vous et votre gouvernement avez tout compris sauf l’essentiel. Il faut que cesse le recrutement partisan ou ethnique. Le Sénégal mérite mieux.
Monsieur le Président, nous nous attendions à ce que vous nous parliez de la construction prochaine de la bibliothèque nationale du Sénégal qui est jusque-là, un projet fantaisiste, une promesse de campagne. La logique voudrait même que vous mettiez le Building administratif au profit de la Direction des Archives du Sénégal.
Au moment où les autres pays parlent de l’aide à la publication scientifique par les professionnels de l’information visant à la construction d’une identité scientifique, vous nous avez encore oubliés alors que l’occasion vous a été offerte de renverser la donne, de mieux faire par rapport à vos prédécesseurs en donnant une place de choix aux sortants de cette prestigieuse école qu’est l’EBAD.
Anne-Marie Bertrand disait que la bibliothèque {et la médiathèque} sont devenues un atout majeur dans la politique de valorisation des villes, un marqueur de l’espace urbain. Elle montrait ainsi la corrélation existentielle entre les bibliothèques et les bibliothécaires et le développement d’un pays ou d’une ville.
Monsieur Le Président, qu’en est-il de nos archives et documents administratifs?
Ces derniers sont : « l’ensemble des documents quels que soient leur date, leur forme et leur support matériel, produits ou reçus par toute personne physique ou morale, et par tout organisme public ou privé, dans l’exercice de leur activité, et conservés en conséquence à des fins utilitaires (information, référence, justification, mémoire. »
Monsieur Le Président, à maintes reprises vous nous avait fait part de votre volonté et de votre engagement à mettre en place une administration performante et efficace, à instaurer une gestion des affaires publiques vertueuse, et à fournir un service public de qualité pour nos concitoyens.
Monsieur Le Président, votre ambition susmentionnée, ne peut se concrétiser sans la prise en compte d’un certain nombre de préalables, parmi lesquels figure la gestion des archives et documents administratifs. Ces derniers, sont en effet les éléments d’information du décideur que vous êtes, les preuves matérielles de l’action publique que vous conduisez, et la mémoire de l’administration publique sous votre responsabilité. D’où l’enjeu stratégique que comporte la gouvernance de l’information administrative et publique à travers de sérieuses et ambitieuses politiques de gestion des archives et documents administratifs.
Monsieur Le Président, malgré la longue tradition et le riche héritage archivistique dont notre pays est dépositaire, et l’existence d’une école (universitaire) de formation des archivistes (EBAD), le triste constat est que le Sénégal ne reflète plus cette image de vitrine en la matière en Afrique francophone. Dans notre pays, la fonction archives semble être oubliée et effacée, le métier d’archiviste méconnue ou incompris.
Monsieur Le Président, aujourd’hui, il est à constater et à relever qu’en matière de politiques publiques de gestion des archives et documents administratifs, notre pays est un véritable désert. Malgré l’existence d’un arsenal juridique consacré à cet effet, et les discours, engagements et décisions à répétition des pouvoirs publics, le Sénégal ne dispose ni d’une gestion harmonisée et coordonnée des archives et documents administratifs produits par ses différents organismes publics, ni d’une structure capable de coordonner la fonction archives au niveau national.
Monsieur Le Président, une telle situation est un véritable paradoxe dans un pays qui s’érige en modèle démocratique, un pays qui se dit être sur les rampes de l’émergence, bref un pays qui aspire au développement, car la démocratie, l’émergence et le développement sont intimement liés à performance de l’administration publique, à la qualité du service public et à l’accès des citoyens à l’information administrative. Le soubassement de ces différentes actions est une bonne politique de gestion des archives et documents administratifs.
Monsieur Le Président, au-delà de leurs fonctions mémorielles et patrimoniales (qui sont essentielles pour la connaissance de notre histoire et la sauvegarde de notre mémoire collective), la gestion des archives et documents administratifs permet aux pouvoirs publics, aux entreprises et aux particuliers de s’affranchir des lenteurs administratives (qui plombent leurs actions et démarches administratives) et de disposer de façon rapide d’informations fiables et stratégiques afin prendre des décisions, de réaliser un investissement, de monter un projet ou de jouir d’un droit ou de s’acquitter un devoir.
La gestion des archives et documents administratifs permet également de garantir la transparence et la traçabilité dans la gestion des affaires publiques, en ce sens qu’elle permet de parer à tout risque de destruction, de disparition ou d’altération des preuves que sont les documents (en cas d’audits, de contrôles ou d’actions judiciaires), sans lesquels la reddition des comptes n’est guère possible.
Et enfin la gestion des archives et documents administratifs permet à nos organismes publics de pouvoir accéder, d’échanger et de communiquer l’information administrative, aussi bien en interne qu’en externe dans le cadre de leur mission de service public.
Monsieur Le Président, de telles fonctions ne sont-elles pas essentielles pour notre pays ? Oui bien sûr, mais à condition qu’elles soient exercées par des professionnels formés à cette tâche. Qui sont ces professionnels ?
Monsieur Le Président, de jeunes et brillants sénégalais, qui à l’issu d’un concours très sélectif et d’une formation universitaire, ont acquis des connaissances et compétences en gestion des archives et documents administratifs. Cependant, ces professionnels peinent à trouver un emploi dans un secteur où les besoins sont considérables et où il est possible de procéder à un recrutement massif. Ces diplômés de l’EBAD pour ne pas les nommer, ont encore subi un énième coup de poignard lors du dernier recrutement de la fonction publique (qui d’ailleurs est leur bassin naturel) où sur 5000 postes ouverts, UN SEUL, leur a été attribué.
Monsieur le Président, est-ce une méconnaissance des métiers de ces diplômés ? Nous sommes tentés de répondre par l’affirmatif, vu le rôle essentiel et stratégique que peuvent jouer les professionnels de l’information documentaire. Ces derniers sont les gestionnaires de notre mémoire collective, les garants de la bonne circulation de l’information administrative et de la traçabilité des actes et actions administratifs, et les médiateurs des savoirs et connaissances. Leur action est vitale pour le développement, la démocratie, la science et l’éveil des consciences, qui restent des défis pour notre pays. Ils doivent obligatoirement contribuer de par leur travail à la construction de notre développement, qui ne saurait se passer de leurs connaissances et compétences.
Un pays ne peut émergé sans des professionnels de l’information et de la communication. L’Ebad est une école qui forme des professionnels à la science de l’information documentaire. Notre pays a mis sur point un plan Sénégal émergé et poutant il néglige ses Documentalistes, Archivistes et Bibliothécaires. Parmi les 5000 personnes recrutés à la fonction publique seul un bibliothécaire est mentionné.
Quelle audace !
Je ne parle même pas du fait que cette bande s’est autorisée à s’adresser au Président de la république, mais du fait qu’elle s’autorise à parler au nom de tous les bibliothécaires. Vous n’avez pas la légitimité de parler à notre nom. Ni vous, ni personne ne doit parler à notre nom sans qu’il soit désigné. Votre lettre vous pourriez bien l’adresser aux associations des bibliothécaires.
D’autres comme vous se permettent de parler à notre nom. Des bibliothécaires qui n’ont aucune compétence se disent porteurs de nos paroles, s’autorisent parfois à s’exprimer à la télévision ou à la radio dans un français pathétique et avec des idées absurdes qui nous rabaissent. De tels actes comme cette lettre doivent arrêter. En vous exprimant, pensez aux milliers de professionnels qui ont été formés à l’EBAD et qui aujourd’hui occupent des postes de responsabilités dans de hautes institutions du monde.
Au-delà de cela, je vais me permettre de vous dire que la véritable injustice vient des professionnels de l’information.
Vous êtes tout, sauf unis. Le nombre d’associations en est une preuve. Vous êtes les premiers à encourager l’injustice en recrutant vos proches parents et en recrutant des non-professionnels.
J’ai tellement de choses à vous dire.
Je suis encore une fois heurté par cette lettre et par ces gens qui devraient avoir en réalité un seul droit : se TAIRE.
Le combat c’est entre nous ! l’injustice c’est nous !