Pour la troisième année consécutive, l’Argentin remporte le Ballon d’or devant Cristiano Ronaldo et son coéquipier au Barça Xavi.
(AFP PHOTO / LLUIS GENE)
Il en fait collection. Lionel Messi a reçu sans surprise, lundi 9 janvier, à Zurich, son troisième ballon d’or consécutif. La distinction individuelle la plus prestigieuse, qui vient sacrer un talent hors norme et un palmarès 2011 long comme le bras (1). A seulement 24 ans, l’Argentin rejoint ainsi le Français Michel Platini, seul joueur à avoir conservé le trophée trois années de suite (1983, 84, 85) depuis sa création en 1956 par le magazine « France Football ». Sur la puce [pulga en espagnol, ndlr], comme on surnomme Lionel Messi pour son incroyable capacité à se faufiler là où la majorité des joueurs buttent, tout a été dit. Ou presque. En creusant un peu, il apparaît que le meneur de jeu du FC Barcelone n’est pas qu’un génie admiré de tous.
Dans son autobiographie, le Suédois Zlatan Ibrahimovic, qui a joué une saison sous les couleurs du Barça, dépeint un Messi capricieux, qui en fonction de ses intérêts, se mue en faiseur de rois ou en coupeur de têtes.
Au quotidien suédois « Aftonbladet », le fantasque attaquant de l’AC Milan racontait récemment :
« Quand Messi a commencé à l’ouvrir et a demandé à avoir un autre rôle sur le terrain, Guardiola l’a suivi. Il a préféré se contenter de Messi sans même daigner me regarder. »
Le correspondant de « L’Equipe » et de « RMC » à Madrid, Fréderic Hermel se souvient pour « le Nouvel Observateur » :
Un jour, Ibrahimovic est entré dans le vestiaire et a dit : ‘je suis le meilleur, vous devez jouer pour moi’. Quelque temps plus tard, Messi a confié à Pep Guardiola qu’il ne s’entendait pas avec le Suédois. »
On connait la suite. Moins d’un an après son arrivée à Barcelone, Zlatan Ibrahimovic faisait ses valises pour l’AC Milan.
Frédéric Hermel justifie :
Messi est le meilleur joueur du FC Barcelone. Celui qui fait la différence. Pep Guardiola a compris qu’il fallait qu’il soit dans les meilleures conditions possibles pour continuer à être décisif. Et si pour cela il doit en passer par l’éviction d’un joueur, il n’hésite pas. »
Symbole de l’importance de Lionel Messi au Barça, selon Frédéric Hermel, la récente prolongation jusqu’en juin 2013 de son meilleur ami au sein de l’effectif blaugrana, le gardien José Manuel Pinto, doublure de Victor Valdés.
Avant le Suédois, le Camerounais Samuel Eto’o, passé depuis par l’Inter Milan et Anzhi Makhachkala, et l’Espagnol Bojan, exilé a l’AS Roma, s’étaient fendus des mêmes critiques.
« Eto’o avait un problème personnel avec Pep Guardiola, mais c’est vrai que Bojan a été sacrifié au profit de Messi », précise Frédéric Hermel.
Pour Lilian Gatounes, spécialiste du football espagnol à Canal +, décrire Lionel Messi comme un coupeur de têtes est une ineptie :
Messi est l’anti-star par excellence. Ceux qui le connaissent bien savent bien qu’il n’est pas du genre à critiquer ses coéquipiers. Si Messi était dans ce registre, on le constaterait aussi avec l’Argentine. Or en équipe nationale, il accepte d’être baladé de droite à gauche. »
Pour expliquer les rancœurs de Samuel Eto’o et de Zlatan Ibrahimovic, Lilian Gatounes pointe leur « ego surdimensionné » et leur « jalousie face à l’éclosion d’un jeune prodige, qui les dépassera. »
Mais force est de constater que cette image de coupeur de têtes a la vie dure.
Dernièrement, on a prêté à Lionel Messi la mise sur le banc du champion du monde espagnol David Villa, transféré en 2010 du FC Valence au Barça pour plus de 40 millions d’euros.
Là encore, Lilian Gatounes balaye d’un revers de main toute intervention de l’Argentin :
« Ce n’est quand même pas Messi qui lui a cassé la jambe [victime d’une fracture au tibia gauche fin décembre, David Villa ne devrait pas retrouver les terrains avant la fin de saison, ndlr]. Plus sérieusement, il peut avoir des préférences à jouer avec un joueur plutôt qu’un autre, mais encore une fois, pas au point de demander sa mise à l’écart. »
Et Lilian Gatounes d’enfoncer le clou :
Messi est un bon garçon. Il répète à l’envi que sans ses coéquipiers, il ne serait rien. Ces critiques sont infondées. On lui fait un mauvais procès. »
De son côté, Lionel Messi répond, tranquille :
« Qu’on ne se passe pas le ballon avec Villa ? Mais quelle bêtise ! Repassez-vous les vidéos et vous verrez le nombre de buts inscrits par le Barça grâce à des combinaisons entre Villa et moi. Des problèmes avec Eto’o, Ibrahimovic ou Bojan ? C’est absurde. Je m’entendais très bien avec ces trois joueurs, et nous étions complémentaires. S’ils ne sont plus au club, ce sont pour des raisons purement techniques. Avec Ronaldinho, on s’appelle de temps en temps et on se raconte nos vies. »
Star parmi les stars, Lionel Messi suscite naturellement la jalousie et draine derrière lui des fantasmes.
(1) Une Liga, une Ligue des champions, un mondial des clubs, une super Coupe d’Europe et une super Coupe d’Espagne, meilleur joueur de la Ligue des champions