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Monsieur le Premier ministre, le pilote automatique a été déclenché avant l’altitude requise( Mohamed Dia)

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George Orwell disait: le discours politique  est destiné à donner aux mensonges l’accent de la vérité, à rendre le meurtre respectable et à donner l’apparence de la solidarité à un simple courant d’air.

En répondant à une tribune intitulée « Le plan d’infrastructures de Macky Sall envoie le Sénégal droit dans le mur », le Premier ministre avait tenu ces propos : « A partir des années 1980, trois économistes désormais entrés dans l’histoire : Lucas, Romer et Barrow, considérés comme les théoriciens de la croissance endogène, ont démontré de manière séparée que le processus de croissance économique une fois enclenché, pouvait s’auto-entretenir et être ainsi durable, si le processus cible de manière intelligente et coordonnée le capital physique, le capital humain et le capital technologique ». Il a parfaitement raison cependant, est-il possible de mettre un avion qui n’a pas encore décollé en mode pilote automatique ?

 La croissance endogène dont le PM nous parle

La croissance endogène est une théorie qui prend en considération quatre facteurs explicatifs de la croissance que sont les rendements d’échelle, l’intervention judicieuse de l’État, la recherche ou l’innovation et le capital humain. Selon Romer, la théorie du « learning by doing » qui avait été déjà formulé par Arrow en 1962 est capital pour une croissance endogène, car avec la production, les entreprises gagnent en expérience. Cette expérience les permet d’être plus performantes et aussi l’effet d’imitation sera un aspect positif pour les autres entreprises dans le marché. Selon Lucas, il faut plutôt faire de telle sorte que chaque individu soit éduqué comme le modèle du capital humain de Becker. Cette population investira dans l’éducation au lieu de la consommation pour favoriser la productivité sociale au dépens de la productivité privée. Pour Barrow, la dépense publique est productive donc doit être considérée comme un des facteurs de la croissance. Il pense que le capital humain, les infrastructures et la communication présentent un effet cumulatif qui augmentera la croissance qui à son tour élargira les recettes fiscales qui accroîtront les recettes publiques, dépenses publiques et qui favoriseront la croissance.

Et le Sénégal dans tout ça

Faisant partie des pays les plus pauvres, le Sénégal peine toujours à décoller. Sa capitale, Dakar, représente 0.3 % du territoire national et abrite plus de 25 % de la population. L’incapacité de l’Etat de construire des infrastructures appropriées pour faire face à la démographie croissante est l’une des raisons principales de la naissance de Diamniadio. Nonobstant la création de cette cité qui est une bonne vision pour la décentralisation, cela risque de devenir un problème dans l’avenir avec l’urbanisation croissante. Nous voulons éviter que cette même vision soit portée par le prochain président, que cela soit le président Sall ou un autre président, vu que la population actuelle est de plus 15 millions d’habitants avec un taux de croissance d’environ 3 % par année. Pour une émergence durable, il faut construire sur des bases solides. Les infrastructures sont certes une nécessité pour le développement de l’économie et de l’amélioration des conditions de vie des citoyens, mais le Sénégal est dans cette lancée depuis l’an 2000. Si dix-huit ans plus tard, notre croissance est toujours relativement fragile, les niveaux de vie des Sénégalais toujours bas, la pauvreté endémique, le taux de chômage toujours élevé, nous pensons qu’il est temps de chercher les solutions autres part. Nous ne disons pas que nous n’avons pas besoin d’infrastructures, bien au contraire, le manque d’infrastructures est un frein au développement, mais il faut savoir identifier quelles infrastructures sont prioritaires. Au lieu de seulement créer des infrastructures de nouvelle génération pour faire face à l’exode rural, l’Etat devrait aussi corrélativement essayer d’encourager l’exode urbain en développant les régions pour que la tendance soit inversée. Les régions doivent être dotées d’infrastructures adéquates pour que les industries puissent s’y implanter. Tous les programmes mis en place par le gouvernement (CMU/Bourses Sociales, PUDC, CAPSU, PUMA, Promovilles) sont des programmes nécessaires pour la plupart, mais il faudrait aussi penser à comment arrêter les subventions et de faire de chaque citoyen un acteur de développement.

Que faire ?

Nous pensons qu’au stade où nous en sommes, il est plus sage d’utiliser « le modèle de l’industrialisation fondé sur la promotion des exportations ». Ce modèle a été utilisé par les pays de l’Asie de L’Est qu’on appelle les pays nouvellement industrialisés (Corée du Sud, Singapour, Taïwan et Hong Kong). Nous devons davantage investir dans les infrastructures de santé et d’éducation pour avoir une base solide puis nous pourrons élever ce que nous désirons sans risque d’effondrement. Les fondements de l’émergence résident dans les changements sociaux, politiques, économiques et institutionnels pour une image saine de notre nation qui attirera les investisseurs nationaux et étrangers. Le Sénégal étant un pays religieux, il est difficile voire même impossible de parler de réduction de la population et dans ce cas la solution est de faire en sorte que chaque citoyen puisse avoir un emploi décent. Cela permettra aux parents une meilleure scolarisation à leur progéniture et l’Etat n’aura pas à subventionner tous les secteurs pour venir en aides aux plus faibles. Il est aussi impératif de se frotter aux pays plus riches pour le transfert des technologies pour mieux produire. Cela boostera notre croissance économique et favorisera la création des PME. Il faut reformer l’éducation et faire de telle sorte que chaque enfant aille et reste à l’école que cela soit en langue française ou en langue nationale. Les bourses familiales octroyées requièrent que l’enfant aille à l’école aussi, mais c’est une mauvaise politique, car cela n’a pas été fait de manière concrète mais plutôt électoraliste. Le développement d’un pays ne dépend pas de ressources naturelles disponibles en abondance, car nous avons vu des pays sans ressources naturelles se développer. Un pays qui est en bonne santé, qui s’assure que sa population est éduquée a plus de chance de se développer sans ressources naturelles et a plus de chance à se développer plus vite avec des ressources naturelles. Tant que nous ne sortons pas de ce cercle vicieux de « boule-de-neige », nous pouvons dire au revoir au développement. Notre population n’est pas abondante donc il suffit de booster le secteur privé pour que la majorité ait accès à des emplois décents.

Enfin

Monsieur le Premier ministre, au stade ou le Sénégal en est, il lui est impossible d’émerger selon votre « modèle économique » qui n’est pas vraiment un modèle économique. Nous ne pouvons pas copier le modèle des pays déjà industrialisés pour aspirer au développement. Nous pouvons cependant copier le modèle des pays qui nous ressemblaient au moment où ils aspiraient à émerger comme la Corée du Sud. Nous allons bien sur ajuster le modèle économique selon nos propres réalités socioéconomiques et culturelles. Il n’est pas difficile de développer le Sénégal si nous arrêtons la politique politicienne. Vous n’allez même pas avoir besoin de battre une campagne car le bilan réel sera ressenti à travers le pays. Si les hauts fonctionnaires sont en train de sillonner le pays au lieu de travailler, c’est parce que le bilan est superficiel et il faut le justifier. Les Arabes disaient : chercher à se justifier quand on n’est pas coupable, c’est s’accuser.

 

Mohamed Dia, Consultant bancaire

Email : [email protected]

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