Ainsi parlait le député français André LAIGNEL, en réponse à une interpellation de son collègue parlementaire Jean FOYER le 13 octobre 1981. De quoi s’agit-il ? La gauche vient d’arriver au pouvoir avec François METTERRAND, en mai 1981 ; gauche et droite s’écharpent sur la question épineuse des nationalisations. Pour la droite, les nationalisations sont inconstitutionnelles et FOYER défend l’exception d’irrecevabilité. D’où la réponse cinglante de LAIGNEL : « vous avez juridiquement tort, parce que vous êtes politiquement minoritaire ». En effet, le peuple français venait d’accorder une large majorité à MITTERRAND pour mettre en place son fameux « programme commun »
Nous emprunterons cette phrase devenue célèbre pour l’applique à notre futur ex-président Macky SALL, qui est encore le seul à croire que le Sénégal est une dynastie et qu’au moment de se retirer de la magistrature suprême du pays, il peut transmettre le pouvoir (du peuple) à qui il veut, à la seule et unique condition d’obtenir la promesse d’une impunité totale pour lui et sa famille et couler des jours heureux au pays de Ndoumbèlane (pourquoi pas au Qatar), après avoir sucé le sang des goorgoorlou que nous sommes. C’est vrai que Macky SALL a tendance à oublier que le Sénégal est une démocratie et que dans une démocratie, le pouvoir appartient au peuple qui l’exerce à travers ses représentants. Et que « la démocratie est le pire des systèmes à l’exception de tous les autres » comme le disait Winston CHURCHILL, le 11 novembre 1947, à la Chambre des Communes, l’équivalent de notre assemblée nationale.
Le président SALL est totalement en dehors des réalités de ce pays, dans lequel il est politiquement minoritaire et juridiquement encadré par la Constitution qu’il a contribué d’ailleurs à modifier considérablement à travers la loi n° 2016-10 du 5 avril 2016 et celle n° 2018-14 du 11 mai 2018. Il croit donc que la Loi fondamentale de notre pays est un costume taillé à sa guise, lui permettant de se comporter comme un monarque entouré de ploutocrates repus. Non, le président a juridiquement tort lorsqu’il viole la Constitution dans le seul but d’empêcher une transition paisible et rêvée par la très grande majorité du peuple, qui veut voir autre chose qu’une bande de menteurs, de prédateurs et de voyous détruire ce que nous avons de plus cher : la Nation.
Non, Mr le président, vous n’avez pas tous les droits. Vous n’avez que les droits qui vous sont conférés par cette constitution que vous avez tant aimée en arrivant au pouvoir, allant même jusqu’à vouloir réduire votre mandat (passer de 7 à 5 ans) et que vous foulez aux pieds aujourd’hui parce que le peuple (qui a bien lu la constitution) ne veut pas vous accorder un troisième mandat ! En procédant à des manœuvres bassement politiciennes, vous prêtez le flanc à tous ceux qui répètent à bon droit, qu’après avoir été un président menteur pendant 11 ans et 9 mois, vous êtes subitement un président voyou. Quelle tristesse ! Quelle fin de règne !
Non, Mr le président, vous faites offense aux présidents Abdou DIOUF et Abdoulaye WADE, qui ont su quitter le pouvoir la tête haute et se voir pardonner par le peuple toutes les erreurs et errements (ô combien nombreux) commis pendant leurs mandatures.
Oui, Mr le président, vous nous avez toujours menti, en revenant souvent sur des paroles ou des promesses faites avec la gravité et la solennité qui conviennent aux événements et nous vous avons souvent cru, mais pas toujours. D’accord, nous vous avons peut-être cru par naïveté certes, mais surtout parce que le peuple a toujours foi dans celui qui incarne la Nation et qui lors de sa prestation de serment nous déclare : « Devant Dieu et devant la Nation sénégalaise, je jure de remplir fidèlement la charge de Président de la République du Sénégal, d’observer comme de faire observer
scrupuleusement les dispositions de la Constitution et des lois, de consacrer toutes mes forces à défendre les institutions constitutionnelles, l’intégrité du territoire et l’indépendance nationale, de ne ménager aucun effort pour la réalisation de l’unité africaine ». Ce serment est lourd à porter, mais c’est vous qui avez demandé nos suffrages pour avoir le droit de le prononcer et de le porter en bandoulière. Or, dès le lendemain de votre élection, vous avez remis ce serment aux calendes grecques, oubliant que votre mission n’est que provisoire. Tout est éphémère dans la vie, sauf Dieu est éternel. Votre job s’arrêtera le 2 avril 2024 s’il plaît à Dieu. Et Dieu est avec le peuple sénégalais en ce moment et vous devez le savoir car vous faites face à des vents contraires, malgré la voyoucratie qui semble être votre nouvelle manie. Menteur, nous pardonnons, mais voyou, nous sanctionnons.
Oui, Mr le président, vous venez de franchir le Rubicon, car seul un politicien voyou peut nous dire samedi dernier, devant 16 millions de sénégalais, sur un ton solennel, que le pays connaît une crise institutionnelle (mais quelle crise ? ça va pas la tête Macky?), qui empêche la tenue de l’élection présidentielle à la date du 25 février 2024. Et donc, en vertu des pouvoirs qui vous sont conférés (surtout pas la Constitution, de grâce pas la Constitution !) avec la complicité de Karim Meissa WADE (autre menteur et arnaqueur) et d’une majorité de députés godillots et corrompus, vous avez décidé de reporter l’élection préférée des Sénégalais sine die. Quel crime de lèse-majesté contre le peuple !
Non, Mr le président, personne n’est dupe de vos manœuvres : le monde entier a compris que le samedi 3 février 2024, vous avez commis un coup d’état institutionnel, en utilisant des méthodes de voyou. En effet, vous avez annoncé le 3 juillet 2023 votre intention ferme de ne pas briguer un deuxième mandat (c’est vous qui le dites, mais pour nous c’est bien un troisième mandat même si ça ne vous plaît pas) et de veiller au bon déroulement de la transition jusqu’à l’installation d’un nouveau président. Vous avez même dans la foulée, fait venir votre ami Badio CAMARA (magistrat à la retraite) pour présider le Conseil Constitutionnel et nommé Cheikh Tidjane COULIBALY (autre magistrat à la retraite) pour intégrer la Haute juridiction constitutionnelle. Nous savons aujourd’hui que ces nominations avaient pour but de comprimer au maximum la liste des candidats pour servir vos desseins : éliminer les candidats patriotes (Ousmane SONKO, Bassirou Diomaye Dikhar FAYE et consorts) et ouvrir un boulevard à votre poulain Amadou BA. Le CC n’ayant pas suivi vos désirs, vous cherchez à le discréditer dans cette ligne droite vers la chute de votre régime, en le traînant dans la boue d’une part, et d’autre part, en encourageant la création d’une commission d’enquête parlementaire farfelue et en faisant voter une loi scélérate pour vous permettre de rester au pouvoir encore un an ou plus (ce qui constituerait un vrai-faux 3ème mandat).
Non, Mr le président, cette machination ne passera pas, car la loi qui vient d’être déférée au CC par les députés de l’opposition a mille chances d’ être déclarée inconstitutionnelle par les 7 sages, contrairement aux affabulations de votre valet Ismaïla Madior FALL (qui gère le service après- vente), pour les raisons que vous savez parfaitement ou que vous semblez ignorer comme tous vos thuriféraires : la première est que cette loi introduit une disposition transitoire, or – comme le souligne si bien le Pr Sidy Alpha NDIAYE – le CC dans sa jurisprudence constante a toujours rejeté l’introduction des dispositions transitoires dans la Constitution (décision du 12 février 2016). Ensuite, la deuxième raison tient au fait que le report de l’élection présidentielle n’est possible que dans un seul cas, qui est le décès d’un candidat avant la date que vous avez fixée vous même par décret, à savoir le 25 février 2024 ; dans ce cas, c’est le CC qui entre en action et reporte l’élection, le temps d’examiner de nouvelles candidatures (article 29 de la Constitution). Et enfin, il y a une troisième raison, qui découle de l’article 103 alinéa 7 de la Constitution : « la forme républicaine de l’ Etat, le mode d’élection, la durée et le nombre de mandats consécutifs du Président de la République ne peuvent faire l’objet de révision ». Voilà qui est dit, et ce n’est rien d’autre que du Droit.
Vu tout ce qui précède, Mr le président, nous pensons que les membres du CC que vous avez cherché à humilier, en les jetant en pâture à la population, aidé par vos vilains petits canards de l’ Assemblée nationale, tiennent là une occasion de vous faire payer vos turpitudes récentes.
Oui, Mr le président, la communauté internationale vous a vomi, le syndicat des chefs d’états de la CEDEAO vous a déjà (presque) enterré, l’opposition est en ordre de bataille sans précédent, la France vous a (presque) lâché, de même que les Etats-unis et l’Allemagne. En ce vendredi saint, le peuple est dans la rue pour dire stop, assez (enough is enough). Face à tous ces vents contraires, les goorgoorlou que nous sommes, peuvent vous réhabiliter, à 2 conditions cumulatives : 1- retirer purement et simplement la loi saugrenue que vous avez fait voter, ou ne pas la promulguer au cas où le CC déciderait de passer l’éponge sur vos offenses et de la valider ; 2- se réfugier dans la mère- patrie, le pays de Ndoumbélane, pour implorer son pardon, qui passe par la libération de tous les détenus politiques (y compris le plus célèbre du continent africain, celui dont vous n’osez même pas prononcer le nom et que vous appelez « boy bi ») afin d’organiser non pas un dialogue national pipé d’avance, mais une élection inclusive, comme vous l’avez déclaré le samedi 3 février 2024. Et pour montrer enfin que vous avez encore de l’empathie pour le peuple sénégalais, vous serez bien inspiré de penser à indemniser toutes les familles éplorées par la disparition d’un proche à l’occasion des troubles de 2021 et 2023 que vous avez encore du mal à encaisser ; car, comme d’habitude c’est toujours la faute des autres et jamais la vôtre !
Alors, et alors seulement, nous enfants de Ndoumbèlane nous déciderons du sort que nous entendons vous réserver, au soir du 2 avril 2024, lorsque vous aurez quitté le palais Léopold Sédar SENGHOR.
(*) juriste, militant syndical à Bordeaux, « wa keur Ndoumbèlane »