On peut ne pas être d’accord avec le Conseil constitutionnel, mais il faut à tout prix éviter de le discréditer et de le fragiliser. Le droit n’est pas une science exacte (y a-t-il d’ailleurs une science exacte ?) : tout est question de considérants, de prémisses et d’inférences. Evidemment que le droit a sa cohérence, sa rigueur intellectuelle comme toutes les sciences, mais l’application de la science déborde parfois le champ de la science. Il faut circonscrire toutes les conséquences à la fois logiques et morales de l’application de la science. Ce principe n’est pas seulement valable pour les sciences expérimentales, il l’est davantage pour les sciences humaines.
Les sages du CC ne sont pas des sages pour rien : tant que le droit peut être dit sans fausser le jeu démocratique et porter préjudice à la république, le bon sens recommande de prendre la décision la plus à même de se conformer et à la science et à la morale ! Le problème est que les hommes politiques veulent
souvent faire endosser leurs turpitudes aux juridictions alors que la société leur a trouvé des sphères et mécanismes pour vider leurs contentieux purement politiques.
On ne doit jamais oublier qu’en fin de compte, les gouvernants, les politiques, les juges et l’administration ne sont que des commis du peuple. Toutes les fois qu’il y a des apories préjudiciables à ce peuple, c’est à la sagesse de ce peuple qu’il faut faire appel pour trancher. Le conseil constitutionnel sénégalais est quand même expérimenté et professionnel : personne n’a presque jamais réussi à leur opposer des arguments purement scientifiques et suffisamment probants pour invalider leurs décisions. Le droit est subtil, on n’a pas besoin d’être juriste pour le savoir. En 2012 les politiciens ont fait de la surenchère contre la candidature de Wade pour se faire élire, mais en 2014 ils ont pratiquement tous reconnu que légalement ce dernier avait le droit de postuler ! Malgré les mensonges éhontés de Madiambal sur les juges, il a fallu moins de trois minutes à un des juges (voir documentaire publié par la TFM pour battre en brèche toutes les arguties politico-juridiques :
https://www.youtube.com/watch?v=Kov0Ys0RM5E&ab_channel=TFM%28T% C3%A9l%C3%A9FutursMedias%29)
Dieu nous a gratifié de juges qui ont jusqu’ici mis leur honorabilité au-dessus de tous les avantages et menaces. Sous ce rapport, il faut dire à ceux qui prétendent
le CC a cédé à la pression et aux menaces qu’ils sont du même acabit que les auteurs de ces menaces. Ces sages ne sont pas des surhommes, mais ils sont
généralement plus dignes de confiance et de respect que la plupart des politiciens. Ne les jetons donc pas en pâture à la justice de la vindicte populaire.
Le fait même que le vote soit possible au sein du CC pour prendre des décisions montre que le droit n’est pas une science exacte.
Nous avons un rapport pourri avec le pouvoir, avec les institutions, avec la république. Nous évaluons les institutions en fonction de notre posture au lieu
d’articuler nos comportements en fonction de ces institutions. « Ce genre de disposition aurait pu être rédigé autrement » dit le professeur Babacar Gueye
(9mn 13), un des rédacteurs de la Constitution de Wade ! On peut interpréter un texte de plusieurs manières renchérit son collègue Pape Demba Sy (10mn13). A-
t-on besoin de rappeler que nous n’avons pas de cour, mais plutôt de Conseil constitutionnel. Si la théorie est défectueuse, pourquoi devrait-on s’étonner de
voir la pratique souffrir de malaise ? Comparez l’argumentaire axiomatique et presque lumineux du prof Isac Yankhba Ndiaye aux accusations fantaisistes
qu’une certaine presse avait véhiculées contre les cinq sages !
Le problème n’est pas le Conseil constitutionnel, mais nos comportements : nous sommes tricheurs, calculateurs, manipulateurs. C’est difficile de nous régir par
des lois car notre ingéniosité en matière de tricherie et de félonie est une malformation culturelle.
Alassane K. KITANE
Nous avons le Conseil constitutionnel que nous méritons, respectons-le! (Par Alassane K. KITANE)
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