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Ousseynou Kébé, cuisinier des Thiantacounes : «Je peux cuisiner quarante ‘mbanas’ par jour»

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Des hommes qui font la cuisine dans les grandes cérémonies à Dakar sont légion. Actuellement dans la capitale dakaroise, les cordons-bleus, ce sont les hommes, qui ravisent la vedette aux femmes en matière de cuisson. Ousseynou, ce jeune garçon d’une trentaine d’années fait partie de cette catégorie de personnes. Il prétend cuisiner quarante «mbanas» par jour pour le plaisir des invités.

Quand avez-vous commencé à cuisiner ?

J’ai commencé à faire la cuisine en 2000, pour mes amis «Thiantacounes» avant tout. Mais surtout pour la 3e femme de Cheikh Béthio Thioune, Sokhna Aïda Diallo. Car, je me rappelle que j’ai fait mon acte d’allégeance auprès de Cheikh Béthio, le 17 avril 2000. Au fur et à mesure que je le fréquentais et voyais ses œuvres envers Serigne Saliou, je me suis dit qu’il fallait que je fasse quelque chose pour lui. Et depuis lors, j’ai commencé à faire la cuisine pour tous les «Thiantacounes», sans distinction.

Vous faisiez de la cuisine auparavant ?

Non, je n’ai jamais pensé faire de la cuisine de ma vie. C’est seulement avec Cheikh Béthio Thioune que j’ai commencé à faire ce type de métier. Surtout avec les «Berndé» que le Cheikh faisait pour Serigne Saliou.

Qu’est-ce qui vous a poussé à faire la cuisine dans les grandes cérémonies ?

Je me rappelle que cette fibre m’est venue, le jour où Serigne Saliou avait dit qu’un talibé mouride avait comme vocation de faire de bonnes œuvres dans la vie. C’est-à dire donner à manger aux gens. Et surtout de la bonne nourriture. Bien préparée. C’est ce que l’on appelle, d’ailleurs, le «Berndé». Et puis, c’est une source de motivation pour moi que de donner à manger aux gens. Cela me fait plaisir. Énormément plaisir. C’est d’ailleurs, ce qui m’a poussé à faire la cuisine lors des grandes cérémonies religieuses.

Etes-vous marié ?

Oui ! Ma douce moitié s’appelle Mame Boussou Niang. C’est une «Thiantacoune» comme moi. C’est d’ailleurs Cheikh Béthio Thioune qui me l’a donnée en mariage. Je la surnomme la voix douce.

Votre femme n’y trouve-t-elle pas d’inconvénient à ce métier que vous faites ?

Non, je ne crois pas. C’est une talibé comme moi. Je vous l’ai dit tantôt, c’est Cheikh Béthio, notre marabout. Et d’ailleurs, elle aime tout que ce que j’aime. C’est une femme sage. On travaille pour Serigne Saliou. Donc, elle ne trouve pas d’inconvénient à ce que je fasse ce métier. Bien au contraire, elle m’encourage et m’aide pour beaucoup.

On vous paie combien par cérémonie ?

Ce travail de cuisinier, il n’y a pas longtemps que j’ai commencé à le faire. Au tout début de mes activités, je cuisinais pour la troisième femme du Cheikh qui s’appelle Aïda Diallo. C’est d’ailleurs, le Cheikh qui m’a mis en rapport avec elle. Depuis lors, je cuisine pour elle, lors des «Gamous» du 17 avril, qui commémore la rencontre de Cheikh Béthio Thioune à Serigne Saliou, des «Magal», de «Layla toul kadre». C’est ainsi que les gens ont commencé à s’habituer à ma cuisine. Et certains m’ont proposé d’en faire un métier. En me faisant croire qu’avec ce travail, certains y gagnent leur vie noblement.

Combien de «mbanas» préparez-vous par jour ?

Si c’est lors d’un baptême, il m’arrive de préparer plus de cinq «mbanas». Et il m’arrive de faire plus de cinq baptêmes par jour. Si c’est lors du «Magal» de Touba, le 17 avril ou le «Gamou», je peux cuisiner jusqu’à 40 «mbanas». Car la troisième femme du Cheikh, en l’occurrence Sokhna Aïda, prépare beaucoup pour le Cheikh à Dianatoul Mahwa, dans sa demeure. Je ne cuisine que pour elle. Mais n’empêche, celui qui veut que je prépare pour elle, je le ferais volontiers. C’est le Cheikh qui m’a mis en rapport avec elle. Et m’a exhorté de préparer dorénavant pour sa troisième épouse. Une tâche que je m’acquitte parfaitement pour le bonheur du Cheikh.

Etes-vous allez à l’école française ?

Oui ! Mais j’ai arrêté en classe de quatrième secondaire. Depuis lors, je ne suis plus retourné à l’école. Je n’aimais pas trop aussi les salles de classe qui étaient comme une prison pour moi.

Quels sont les avantages de ce métier ?

La cuisine est quelque chose de très complexe. Chaque jour, j’apprends de nouvelles choses en faisant la cuisine pour mes amis «Thiantacounes». Actuellement, pas mal de talibés sollicitent mes services. Parce qu’ils apprécient la qualité de mes mets. Cela me fait toujours plaisir de cuisiner pour eux. C’est ma passion et c’est une fierté aussi de cuisiner pour mon guide religieux. J’aime faire la cuisine pour eux. Car nous avons en commun un seul guide, en la personne de Cheikh Béthio Thioune. C’est avec ce métier que j’entretiens ma femme et mes deux enfants.

Y a-t-il des désavantages ?

Je n’y vois aucun inconvénient à faire de la cuisine. Vous savez que c’est le cœur qui fait la cuisine. Alors que moi, si je prépare, c’est pour mon guide Cheikh Béthio. C’est pourquoi, tout ce que je fais, je le fais avec gaieté de cœur. Je n’y vois aucune difficulté.

Où avez-vous appris à faire la cuisine ?

Dans la cour de Cheikh Béthio. Mais, il faut comprendre que c’était toujours une passion chez moi aussi de faire la cuisine.

Vous êtes un homme, vous ne pouvez pas, du jour au lendemain, vous mettre à cuisiner, vous l’avez appris quelque part ?

En fait, c’est Khadim Diédhiou et Mya Coura qui m’ont appris à cuisiner. Mais aussi, les gens de l’Université. C’est là où j’ai appris à faire la cuisine. Et comme c’est ma passion, le processus a été rapide.

Vous avez l’air efféminé-là, on ne vous le reproche pas ?

Oui, je rencontre parfois, lors des cérémonies, des personnes qui me disent du n’importe quoi. Il y a même certains qui, s’ils savent que c’est un homme qui a fait la cuisine, ne mangent pas. Mais, je leur fais comprendre que ce travail est mon gagne-pain. Je ne vole, ni n’agresse. Je ne fais que mon boulot. Je ne fais que gagner ma vie à la sueur de mon front et l’amour que je voue à Serigne Touba et subvenir aux besoins de ma famille. Sinon, je n’aurais jamais fais ce travail.

Car avant de faire ce boulot, j’étais un marchand ambulant à Sandaga. Mais depuis que j’ai fait mon acte d’allégeance auprès du Cheikh, ce travail m’a motivé. D’autant plus que les personnes qui le font arrivent à voyager à l’extérieur pour faire la cuisine dans les grandes cérémonies pour des Sénégalais vivant à l’extérieur.

Ce métier nourrit-il son homme ?

Oui, je m’en sors bien. Car il peut arriver que l’on me paye, pour un «mbana», la somme de 20 à 25 mille FCfa. Parfois les talibés me donnent plus que je n’imaginais. Ce travail est rentable, il faut le dire. Je peux gagner, en une seule journée, la rondelette somme de cent mille FCfa (100 000 FCfa). Parfois plus même, et cela va crescendo. C’est un domaine qui me passionne, la cuisine. Et je pense que je peux faire vivre ma famille décemment avec ce travail. Le Bon Dieu m’aide aussi dans ce que je fais. Car ma cuisine est très bien appréciée par les gens. J’y mets toute mon énergie pour bien le faire.

A quand remonte votre rencontre avec Cheikh Béthio Thioune ?

Ma rencontre avec le Cheikh remonte au premier avril 2000. C’est un ami mouride du nom de Khadim Samb, qui fait partie de Touba Fass, qui m’a emmené une fois au veillé nocturne des samedis chez Béthio. Je ne voulais pas partir, mais il a insisté pour qu’on y aille ensemble. Une fois sur les lieux, j’ai fait mon acte d’allégeance. Mais ce jour-là, j’étais plus ému par les chansons de Ibrahima Diagne. Le samedi suivant, je suis revenu. Et depuis lors, je n’ai plus quitté Cheikh Béthio.

Echec lors d’une cérémonie ?

Oui, il m’est arrivé de préparer et cela s’est terminé par un échec total. C’était aux Hlm Paris, lors d’un «Thiant» organisé par Abou Lath Niang. C’était du macaroni. Le mets était comme de la bouillie. Ce jour-là, j’ai pleuré toute la nuit. D’ailleurs, c’est Sanou, un talibé de Cheikh Béthio, actuellement en France, qui m’encourageait. Mais, je ne pouvais l’accepter. Car c’est par plaisir et gaieté de cœur que je fais la cuisine pour le bonheur de mes amis «Thiantacounes». Et si cela rate, j’en suis malade.

Vous travaillez en équipe ?

Oui, je travaille avec d’autres amis «Thiantacounes». Qui m’aide sur certaines tâches.

Nb : «mbanas» : grosses marmites
lobs.sn

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