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Pape Fall: « le ministère et la Sodav ne respectent pas la culture »

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XALIMANEWS- La situation précaire dans laquelle vivent certains artistes est de plus en plus préoccupante. Dans cet entretien a accordé à nos confrères du journal Le Quotidien, Pape Amadou Fall, du duo «Pape et Cheikh», ne mâche pas ses mots en évoquant cette situation. Convaincu que «la mauvaise gestion» de la Société sénégalaise du droit d’auteur et des droits voisins (Sodav) est à la base de ces problèmes, il estime que seul un audit de la structure permettrait d’y voir plus clair.

Il y a quelques jours l’artiste Demba Ba, connu sous le nom de Demba Kouss, est décédé. Il n’avait cessé d’appeler au secours durant sa maladie. En vain. En tant qu’artiste, comment réagissez-vous à cette situation ?
Tout d’abord nous présentons nos très sincères condoléances à sa famille. Certes on ne s’est pas connu lui et moi, mais je l’ai découvert à travers le rap, le théâtre et surtout, ces derniers temps, je le voyais fréquemment dans les scènes de télévision et dans certains clips avec des chanteurs. Je suis profondément attristé, car avant son décès il avait demandé du soutien. Et il y a quelques jours, c’était El Hadji Faye qui appelait au secours. Ce n’est pas nouveau dans notre métier qu’un artiste demande une aide ou bien finisse sa vie de façon misérable. Je crois que les gens à qui on a confié la culture, je parle du ministère de la Culture et de la Sodav, ne la respectent pas au fond. Je fais partie de ceux qui estiment que si la Sodav faisait bien son travail, il est clair qu’aujourd’hui le cas de El Hadji Faye, celui de Demba Ba, qui nous a récemment quitté, auraient été gérés d’une autre façon. Tout cela montre la gestion de la Sodav que nous déplorons depuis cinq ans… On nous avait dit que sa mise en place allait beaucoup améliorer nos conditions de vie, nous artistes. Mais malheureusement, tel n’est pas le cas. On souffre beaucoup plus. Ce n’est pas le seul en plus. Il y a beaucoup d’artistes qui sont aujourd’hui dans cette situation très précaire et c’est dommage. Il y a un groupe de personnes qui contrôlent la Sodav, qui fait ce qu’elle veut de l’argent des artistes. Ils organisent des séminaires, des formations, ils recrutent des gens, louent des appartements. Tout cela, avec les fonds destinés aux acteurs culturels qui ne peuvent en bénéficier. Si c’est comme ça la gestion, tout le monde peut faire ça. On te confie 1 000 F, tu prends les 700 F pour en faire ce que tu veux. Le 14 octobre dernier, Macky Sall a demandé l’audit de la Sodav. Tous les artistes attendent ça. En avril prochain, il y a l’Assemblée générale qui doit se tenir. Si l’audit n’est pas réalisé, ils peuvent rempiler en usant du même lobbying.

De quel lobby parlez-vous exactement ?
Quand on a élu le premier bureau de la Sodav, on était réuni au Méridien Président. Mais quand il a fallu renouveler, ils ont envoyé des cartons d’invitation. Et ils ont attendu que l’Equipe de football du Sénégal joue en Coupe du monde pour convoquer l’Ag et reconduire les mêmes personnes. Ce sont les mêmes qui dirigent la Sodav. Et le ministre en personne a dit que la façon dont on gère la Sodav n’est pas normale. Toute la presse a repris ça. Maintenant, ça fait cinq ans et nous n’avons même pas de carte de membre. On était 6 000 membres. Maintenant on parle de 11 mille. Sur quels critères ont-ils été recrutés ? Les équipes de navétane ont des cartes, les organisations féminines, les journalistes. Comment peut-on justifier cela ? En plus, l’argent destiné au fonds social est utilisé pour financer certains membres du Conseil d’administration au prétexte qu’ils sont des artistes.
Abdoulaye Mamadou Guissé, président de l’Omarts, a décidé de porter plainte contre la Sodav parce qu’il lui reproche de n’avoir pas porté secours à Demba Ba avec le fonds social de 100 millions et dont la gestion pose problème…
Dans leur rapport 2019, ce sont les dirigeants de la Sodav qui ont écrit qu’ils ont financé des membres du Conseil d’administration. Cette plainte, c’est Omarts et Say wi qui la portent et l’audit va nous permettre de savoir exactement qui est dans le vrai. On ne peut pas tenir l’Assemblée générale dans ces conditions.

Votre problème, c’est la façon dont la Sodav est dirigée ou la gestion du droit d’auteur qui pose problème ?
Comment peut-on gérer un organisme comme la Sodav et refuser d’être contrôlé ? Ça fait cinq ans que ça dure. On nous accuse de vouloir nous accaparer des revenus tirés de la copie privée. Ce n’est pas ça. Nous voulons juste être des artistes libres. Quand nous ne serons plus là, notre droit d’auteur ira à nos enfants, comme Senghor, Abdou Diouf et Abdoulaye Wade l’ont fait. Même Macky Sall fera pareil. Leurs enfants bénéficient jusqu’à présent de leur droit d’auteur et nous voulons la même chose pour nos enfants. C’est uniquement pour ça que nous réclamons la transparence dans la gestion de ces fonds.

Tous ces problèmes que vivent des artistes en fin de carrière ne vous font pas peur ?
Bien sûr que j’ai peur. C’est bien pour ça que nous nous battons. Les artistes ont obtenu un fonds de 5,5 milliards au total. On remercie le président de la République pour ça. On avait eu 127 mille la première fois. Et cette fois-ci, nous aurons 100 mille. Mais il faut savoir faire la différence entre les artistes impactés par le Covid-19 et les autres. On ne peut pas mettre tous les artistes dans le même sac. On jouait 4 fois dans la semaine. On avait des contrats de plusieurs millions. Aujourd’hui, tout ça est perdu. Ce n’est pas la même chose que le musicien qui se trouve là-bas dans le village de mon grand-père. Pour la première vague, on avait chiffré ces pertes et on n’avait reçu que 127 mille. Dans chaque ville du pays, tout le monde sait qui joue, mais on ne peut pas mettre sur le même pied un Baba Maal et un Modou Diagne venu du fin fond du Sénégal. On peut donner à tout le monde, mais il faut ensuite voir qui est impacté et qui ne l’est pas. Actuellement, des musiciens sont en train de vendre leurs instruments et nous ne savons pas quand est-ce que cette pandémie va finir.

Beaucoup de gens ont décrié le fait que l’Etat ait donné 5,5 milliards aux artistes. Les médecins par exemple ont beaucoup protesté. Comment appréciez-vous cela ?
Si cela ne dépendait que de moi, je donnerais les 5,5 milliards aux médecins parce qu’ils sont en première ligne. Ou bien aux agriculteurs. Ce que nous réclamons, c’est juste de retrouver les salles de spectacle, travailler dignement et honnêtement pour gagner notre vie. Cette somme que nous avons reçue ne peut pas nous faire vivre. 6 milliards ou 100 milliards, qu’on les donne aux médecins, aux hôpitaux etc. Ce que nous voulons, c’est travailler et nous n’allons pas nous chamailler avec les médecins pour ça. Nous faisons aussi de la communication, il ne faut pas l’oublier. Nous intervenons dans la lutte contre la pandémie selon nos possibilités.

Du temps de l’ancien Président Wade, vous aviez réalisé son hymne de campagne «Goorgui doliniou». Depuis, on dirait que vous avez pris de la distance par rapport à la politique…
Côté politique, nous avons pris une distance. Nous sommes des musiciens. Il est préférable que nous prenions de la distance par rapport à la politique. Cette chanson que l’on avait dédiée au Président Wade, Goorgui doliniou, il nous avait payé nos droits d’auteur. Ce n’était pas une affaire de politique, mais une promesse qu’on lui avait faite. Et c’est comme ça que l’on procède avec tout le monde. Nous ne faisons les éloges de personne.

Mais en ce moment le champ politique est assez instable. Ne devriez-vous pas intervenir ?
Nous avons notre partition à jouer dans la musique et nous allons le faire comme il se doit. Mais ce ne sera pas d’aller à la télé ou sur les radios. Nous avons notre musique et c’est à travers elle que nous nous exprimons.

Votre prochain album ?
Nous sommes en train de travailler dessus. Et nous attendons le moment propice pour sortir non pas un album, mais des singles, un à un. Sortir un album, c’est en faire cadeau aux pirates.

Vous ne faites pas encore des prestations sur des plateformes live ou sur internet ?
Pas pour le moment. Mais bien sûr que nous aimerions en faire. C’est juste que l’on n’ait pas encore eu l’occasion.

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