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Penda Mbow – « La vérité sur l’argent des assises nationales »

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XALIMA NEWSMembre à part entière des Assises nationales, Penda Mbow a également été au cœur du financement de cette initiative citoyenne. Elle revient ici dans cet entretien, sur l’aspect financier des consultations citoyennes dirigées par Amadou Makhtar Mbow. Et donne aussi son point de vue sur l’affaire Lamine Diack et l’argent dans la politique. 

Lorsque vous avez entendu parler d’un financement de l’opposition venant de M. Lamine Diack, quelle a été votre première réaction ? 

Moi, j’ai eu un sentiment de compassion vis-à-vis du président Lamine Diack. Un homme de son âge qui se trouve face à des enquêteurs qui vous acculent. Je crois que c’est une réaction simplement de quelqu’un qui voulait préserver son image, s’en sortir. Et jusqu’à preuve du contraire, j’ai un sentiment de compassion en me disant que nous devons continuer à parler de présomption d’innocence. Mais vu le parcours qu’il a eu, un parcours exceptionnel pour un Africain adulé de par le monde, par les gens de différentes générations, et se retrouver ainsi face au monde entier, je pense que c’est extrêmement difficile. Sa réaction, je la lie à une pression immense qui doit s’abattre sur lui. C’est pourquoi j’ai un profond sentiment de compassion à l’endroit de notre compatriote Lamine Diack.

Dans l’immédiat est-ce-que vous avez pensé aux fonds qu’il avait déboursé pour les assises nationales ? 

Non pas du tout ! Parce que simplement Lamine Diack n’est pas à quelques dizaines de millions près. C’est quelqu’un qui a un parcours exceptionnel et certainement a dû gagner beaucoup d’argent dans sa carrière. C’est quelqu’un qui a beaucoup partagé, parce que je sais qu’il y a beaucoup de gens qu’il aidait. Devant sa maison, il y avait beaucoup de monde qui l’attendaient et il n’a jamais dit non à tous ces gens qui l’attendaient. Quand je suis allée, la première fois, chez lui, je me suis dit : « ah ! il a une maison si simple ! » Pour quelqu’un qui a eu une carrière pareille. Il ne vit pas dans un château. Il vit dans une maison relativement modeste. C’est la chose qui m’avait le plus frappée. Autre chose qui m’a aussi frappée, c’est qu’il est toujours avec ses compagnons ; les gens avec qui il a grandi, des gens qui sont de milieux très modestes. Ce sont ses amis et il est tout le temps avec eux.

C’est un trait que j’avais remarqué en lui. Je ne pouvais pas m’imaginer, pour un homme de cette dimension et de cette carrure, que pareilles choses puissent lui arriver. C’est tout à fait normal que je me dise : « écoutez, y en a qui n’acceptent pas la réussite des Africains qui sont toujours en train de chercher à démolir une image positive d’un Africain qui réussit ». Quelle que soit la situation, les Sénégalais doivent être solidaires de Lamine Diack jusqu’à la fin. Quelque part aussi, c’est l’image du Sénégal. On a beau dire, mais la France n’a jamais lâché Platini. Quand on a construit une carrière exceptionnelle, même si l’individu tombe de son piédestal, il ne faut pas l’accabler davantage. Il ne faut pas jeter l’anathème sur lui encore moins l’opprobre.

Il a tout de même avoué. Qu’est-ce qui peut l’avoir perdu à votre avis ? 

Je ne peux pas en juger, parce que jusqu’à preuve du contraire, je me dis que cet homme est très bien. Il a un cœur d’or. Mais je pense, et ça va être une très grande leçon que tous les Sénégalais devront tirer de cette affaire, nous tous, nous aimons nos familles respectives. Je tire deux leçons de toutes ces affaires du milieu sportif (IAAF et FIFA). Premièrement, il ne faut pas trop durer dans une institution, quelle qu’elle soit. Deux mandants de 5 ans doivent suffire. Deuxièmement, quand on a des responsabilités quelque part, il faut éloigner la famille. Quand on dure trop dans une institution, on a tendance à se confondre à l’institution. Et les personnes qui vous entourent ne sont plus des garde-fous pour vous. La famille a tendance à user de l’influence. Et en usant de l’influence, elle agit à des niveaux où il n’y a pas de contrôle, où la personne elle-même ne se rend pas compte.

Pouvez-vous nous expliquer le processus d’encaissement des 10 000 euros offerts par Lamine Diack, dans le cadre des Assises nationales ? 

Quand nous avons lancé l’idée des assises nationales, j’ai joué surtout le rôle d’intermédiaire. Je le faisais toujours avec mon collègue Mouhamadou Mbodj du Forum Civil, avec les personnalités non politiques et la société civile. Lamine Diack, on n’est même pas allé vers lui. Quand il a appris l’idée des assises nationales, il a envoyé une de ses nièces qui est une amie, en lui demandant que j’aille le voir pour lui expliquer ce que nous voulions faire avec les assises nationales. Je suis allée et c’était pour la première fois que j’étais assise en face de lui. Quand je suis arrivée, il m’a dit : « vos assises nationales, de quoi s’agit-il? ». Je lui ai expliqué ce que nous voulions faire parce que la démocratie sénégalaise, il faut l’admettre, était passablement mise en branle. Il était très content, il était d’accord avec nous sur le principe. Il n’avait rien dit. Je suis repartie. Avant le lancement, en juin 2008, mon amie, sa nièce, m’a encore appelée pour me dire : « Tonton a mis à votre disposition 10 000 euros, mais je ne vais pas te donner les 10 000 euros. Je vais te les convertir en F CFA ». J’ai dit : « tant mieux, je suis très contente ». Je suis allée récupérer très tôt l’argent qui avoisinait un peu moins de 7 millions de F CFA. Je suis allée chez le président Mbow qui avait appelé le trésorier. Je profite de l’occasion pour rappeler que le trésorier était Babacar Ndiaye de la Cnes (Confédération nationale des employeurs du Sénégal, Ndlr) avec Mor Talla Kane du Congad et le défunt Mame Bou Diop de l’Unacois (Union nationale des commerçants et industriels du Sénégal, Ndlr). C’étaient eux les trésoriers, ceux qui s’occupaient des finances. J’ai aussitôt remis l’argent et c’était avant le lancement en juin 2008. Les dépenses des assises nationales étaient énormes et ne comptaient que sur l’argent des contribuables et des citoyens. Tout le monde pensait qu’on allait se faire financer de l’extérieur. C’était un point d’honneur, une des conditions pour que le président Mbow accepte de diriger les assises nationales. Combien de fois j’ai vu ce Monsieur digne, (Amadou Makhtar Mbow) prendre son chéquier et prendre de l’argent de son épargne de retraité et régler un problème lié aux assises nationales. Il n’y a pas très longtemps, on a payé une facture de près de 500 000F CFA de la Sonatel, restée en l’état.

Peut-on savoir le montant total de la participation financière du Président Diack pour les assises ? 

C’était un moment, à la fois, de sacrifice, sur le plan matériel, intellectuel. Mais on le faisait parce qu’on aime notre pays. C’était cela le fond du problème. Ce n’était pas pour de l’argent, mais on le faisait parce qu’on voulait relever le défi en disant que c’était une réflexion qui dépassait les questions de démocratie. Quand on a démarré, on avait encore besoin d’argent. C’est ainsi qu’on avait une fois de plus exigé des membres un autre effort financier. Lamine Diack, ne l’oublions pas, était membre des assises nationales. Le jour du lancement, il était là et il a toujours participé aux réunions, lorsqu’il était à Dakar. Alors il m’a encore remis 3 millions que j’ai versés au trésorier des assises nationales. Quand on comptabilise sa participation financière, c’est un peu moins de 10 millions de F CFA. J’insiste beaucoup sur ce fait. Les assises nationales étaient un effort national et patriotique. Lamine Diack était membre, il a cotisé selon ses moyens. Quelqu’un qui gagne des dizaines de millions par mois, sortir 10 millions pour une entreprise de sauvetage de la démocratie sénégalaise, ce n’est pas exagéré et on ne peut même pas imaginé que ça sorte ailleurs que de sa propre poche.

A part l’ancien patron de l’IAAF, peut-on savoir les noms des autres soutiens financiers des assises ? 

Lors des assises, tout le monde cotisait, tout le monde participait. Même ceux qui n’avaient pas les moyens achetaient les bons qui ne coûtaient pas chers pour montrer leur volonté de participation. Il y a des gens qui ont donné jusqu’à 100 millions de Francs Cfa. Moustapha Niasse est un très grand contributeur des Assises nationales. Bara Tall est un grand contributeur des assises. Si on prend par exemple le local qu’il a mis à la disposition des assises qui devait coûter minimum 2 à 5 millions par mois, ça fait presque plus de 200 millions de participation. Les partis politiques ont beaucoup cotisé. Le patronat sénégalais. La CNES a tenu à bout de bras, à travers son président et ses différents membres. Je ne parle même pas de leur participation intellectuelle. Mais sur le plan financier, la CNES a énormément fait, l’Unacois a énormément fait. Toutes les organisations de la société civile, Forum civil, mouvement citoyen, Congad ; tout le monde participait et les gens individuellement mettaient la main à la poche.

Mais est-ce qu’on peut savoir les montants de leur participation ? 

Il faut aller voir le trésorier, ou à la limite Ndella, l’assistante (de M. Mbow). Mais je signale qu’au moment où les assises se passaient, à chaque fois, on faisait un rapport financier et un bilan. Et tout était clean, net et mis à la disposition de tout le monde. Je me demande même si on n’avait pas publié à l’époque. Les participations étaient soit matérielles soit financières. Mais, je vous assure que toutes les personnalités ont participé. On l’a fait avec le cœur, avec amour pour ce pays.

Aujourd’hui, il y a des voix qui s’élèvent pour réclamer la transparence dans le financement des assises nationales. Etes-vous prête à vous soumettre à cet exercice ? 

Ah oui, bien sûr. On l’a déjà fait. Mais les gens oublient. On l’a déjà fait, on a publié les finances. Vous savez, le président Amadou Makhtar Mbow est quelqu’un d’extrêmement exigeant. Il n’acceptera jamais qu’on fasse des choses dans la non-transparence. Tous les jours, devant tout le monde, on faisait le bilan ; ce qu’on a eu, quels sont les problèmes financiers auxquels nous sommes confrontés. Parfois on était confronté à d’énormes difficultés. Il fallait terminer par exemple les consultations citoyennes et ça demandait beaucoup d’argent. Il fallait aussi faire un travail de restitution. Aller à Saly pendant trois ou quatre jours avec tous les participants, ce sont des choses qui coûtaient extrêmement cher. Et c’est sorti de la poche des différents membres et des organisations qui composaient les assises. Je crois honnêtement, très sincèrement que voilà un exemple de patriotisme très élevé. Et si les Sénégalais ne nous disent pas merci, qu’on n’essaie pas de jeter le discrédit sur ces assises nationales. Ce sont ces assises qui font que la démocratie se consolide qu’on ait pu avoir une deuxième alternance.

Alors que vous dites que le Président Lamine Diack a contribué à hauteur d’un peu moins de 10 millions de FCFA, le président Amadou Makhtar Mbow lui parle de 6,5 millions. Qu’est-ce qui explique cette différence des chiffres ? 

Le Président Mbow s’est limité à donner le premier chiffre, c’est-à-dire les 10 000 euros. Il a donné ce qu’il a retenu, parce qu’il ne peut pas, à son âge, retenir tout. Mais moi qui ai perçu toutes ces contributions, je sais qu’il a donné 10 000 euros plus 3 millions de Francs Cfa. Ce qui fait entre 9,5 et 10 millions de FCFA. Il n’y aucun problème, pas de contradiction.

Quand on va donner les listes, on verra. C’est moi qui percevais cet argent. C’est tout à fait normal que je me souvienne de tout ça.

Selon les informations du journal Le Monde, Lamine Diack aurait avoué avoir encaissé 1,5 millions d’euros des Russes et financé l’opposition avec. Avez-vous été mise au courant d’une façon ou d’une autre d’une contribution de M. Diack destinée à financer une campagne présidentielle ou législative ? 

Je suis de la société civile. Je suis avec les politiques sur des actions de principe, des actions de préservation de la démocratie. Mais comment les hommes politiques s’organisent pour remporter des élections, je ne suis pas à ce niveau de participation. Peut-être qu’il faut poser la question au président Diack et aux hommes politiques. Mais je n’ai jamais entendu et je n’ai pas souvenance de financement de l’opposition et des campagnes électorales par le président Diack. Par contre, ce que je sais, c’est qu’il y a trop d’argent dans la politique. Il y a trop d’exigences en termes d’argent. Personnellement, quand on m’a demandé si je voulais être candidate de Benno alternative, j’avais refusé parce que la recherche de financement me posait problème. L’autre raison est que je ne voulais pas disperser les chances de l’opposition de créer les conditions d’une seconde alternance.

Le financement des partis politiques et l’utilisation de l’argent dans les campagnes électorales doivent être règlementés. Il faut qu’on extirpe l’utilisation de l’argent de la vie politique sénégalaise. Quand le Président Wade gagnait la présidentielle en 2000, il n’avait pas les moyens. C’est pourquoi il a inventé la marche bleue. Mais une fois élu, il a fait le contraire de ce qui l’a amené au pouvoir, en mettant énormément d’argent chez les grands électeurs.

Nous devons règlementer et assainir la vie politique sénégalaise. Il y a énormément d’argent qui circule et qui sont sans commune mesure avec le niveau de développement économique du pays. C’est une des faiblesses de notre démocratie.

Comment expliquez le fait qu’aucun régime ne se précipite pour légiférer dans ce domaine ? 

Parce que les hommes politiques ont besoin d’argent. Il espère en entretenir une clientèle, à pérenniser leur pouvoir et dominer l’espace public. Mais c’est un leurre, parce que quand on voit les deux alternances qu’on a eu, ceux qui ont gagné ne sont pas forcément les plus riches. Tout cela est très relatif, mais ils s’imaginent que c’est avec l’argent qu’ils vont gagner les suffrages des Sénégalais.

EnQuête via Seneplus.com

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