Petite réflexion sur la théâtralisation des revues de presse ou culture de la facilité. Par Ndiaga Loum
Des célébrités précoces surgies du néant sans commune mesure avec des mérites personnels débouchent souvent sur les inconséquences de l’imposture. La presse n’est certes pas le seul secteur professionnel à souffrir de l’imposture. Mais le caractère naturellement public des professions médiatiques la rend plus visible et donc plus choquante. Que les professionnels de la presse ressentent aujourd’hui le besoin de repréciser ‘’l’orthodoxie’’ d’un genre rédactionnel comme la ‘’revue de presse’’ est salutaire. Mais, là, encore une fois, le problème échappe au contrôle des représentations syndicales de la profession qui gèrent des intérêts corporatistes. La théâtralisation des revues de presse est un problème constaté dans la communication. Mais ce n’est pas un problème de communication. Or, donc, on ne résout pas un problème constaté dans la communication, mais qui n’est pas un problème de communication, en restant dans la communication. Comment résoudre un problème qui se déploie dans la communication mais qui est hors du contrôle du pouvoir des acteurs professionnels du champ de la communication médiatique? Pour comprendre le problème posé dans le champ de la communication médiatique par la théâtralisation des revues de presse, il faut sortir de la communication. Pour comprendre pourquoi ce n’est pas un problème interne à la communication, il faut réfléchir sur ce qui aujourd’hui structure l’offre médiatique, la nature de la propriété. L’on comprendrait ainsi que le problème est dans la recherche effrénée d’une audience qu’on ne cherche plus à éduquer et à former (une des fonctions essentielles de la presse), mais à séduire et à fidéliser en comptant sur l’abaissement continu des niveaux d’un public dont on ne soucie pas de la crédibilité, et donc, de la fiabilité. D’ailleurs, ‘’le public est intelligent’’ disent de nombreux professionnels et même des chercheurs en parfaites ignorance ou négligence de l’exigence critique. Si les publics sont intelligents et qu’ils trouvent leur satisfaction dans des programmes que l’on considère par ailleurs de plus en plus médiocres, c’est qu’il y a quelque part une erreur. Où se situe l’erreur? Pas besoin de se triturer les méninges longtemps. L’erreur se situe à trois niveaux.
- Le premier est l’accaparement des supports médiatiques par des marchands professionnels faisant fortune ailleurs, et qui font de l’information un bien de consommation comme n’importe quelle marque de lessive ou un produit alimentaire accessible au plus grand nombre.
- Le deuxième est la perte d’autonomie des professionnels ‘’formés à bonne école’’ qui, réalistes, ont compris l’étroitesse de leur marge de manœuvre depuis que le vrai rédacteur en chef n’est pas le journaliste, mais le ‘’patron’’ actionnaire majoritaire ou exclusif qui ouvre les vannes du compte à sa guise.
- Le troisième est le désert critique qui assèche la production scientifique de ceux qui font des journalistes et de la matière sur laquelle ils travaillent (l’information) leurs objets d’études.
La conséquence de ces trois ‘’erreurs’’ cumulées est désastreuse, pas seulement pour les professions médiatiques (elles ont le temps de se ressaisir), mais surtout pour les publics dont les attentes de moins en moins exigeantes en terme de contenu qualitatif sont pourtant le nouveau critère d’appréciation de ceux qui se situent du côté de l’offre médiatique, plus sensibles aux côtes d’écoute, et en parfaite intelligence avec les annonceurs (tous les annonceurs : entrepreneurs, affairistes, politiciens etc.) dont le nombre est relativement réduit dans un contexte général de précarité.
On est ici dans un débat de fond des plus périlleux et des plus ennuyeux, lorsqu’il avoisine d’ailleurs le cynisme des chercheurs aériens distants de la réalité sur laquelle ils sont appelés à jeter un regard d’observateur et non d’acteur. Une réalité dont il est plus confortable de s’accommoder que de chercher à comprendre. Chercher à la comprendre est terriblement inconfortable, cela peut déboucher sur des impressions sérieuses de ‘’dissonance communicationnelle’’ interne qu’on va chercher à résoudre par ce que De Guise nomme l’exposition sélective : c’est-à-dire aller vers l’information qui vous renforce dans vos certitudes primaires ou s’éloigner de celle qui risque de vous plonger dans l’inconfort des nouvelles incertitudes.
Enfin, on retiendra que la théâtralisation des revues de presse est la simple résultante des facilités cumulées : le gain facile, le succès facile; le travail facile.
La culture de la facilité et la culture de la médiocrité forment un couple inséparable : la renonciation à l’une ou son anéantissement sont la thérapeutique radicale qui assure l’éradication de l’autre. Autrement dit, elles sont condamnées à vivre ensemble ou à mourir ensemble.
Pr Ndiaga Loum, UQO
on the money… about time.
cher professeur tu nous propose quelque chose de meilleur!!!!