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Pétrole et gaz du Sénégal : Potentielles Menaces de déstabilisation (Par Dame Babou)

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Depuis que le Sénégal est entré dans le cercle fermé des pays producteurs de pétrole et de gaz, le débat sur les convoitises suscitées par le pays ne cesse d’enfler.

Des contrats de Petrotim aux derniers financements, supposés ou réels du Qatar, évoqués dans un article de l’hebdomadaire français,  « Le Canard Enchainé », tout le monde y va de ses informations, des plus saugrenues aux plus drôles. C’était d’abord le frère du Président Macky Sall, Aliou Sall, à qui on aurait vendu à vil prix le pétrole du Sénégal, allant jusqu’à lui réclamer en guise de remboursement la bagatelle de 400.000 FCfa pour chacun des 17 millions de Sénégalais. Ensuite , il a été question du Sénégal qui aurait vendangé son pétrole et son gaz en signant un accord qui ne lui offre que 10% des bénéfices de la compagnie qui exploitera ses ressources naturelles.

En ce qui concerne ces contrats pétroliers et gaziers   on n’a pas réellement besoin de trop s’étendre sur la question puisqu’ils sont en grande partie publiés sur www.itie.sn, le site de L’Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE). La plupart de ces contrats ont d’ailleurs été signés par le Président Abdoulaye Wade, son fils Karim, alors ministre de l’Energie.

En les lisant ou en les relisant, on est frappé par le fait qu’ils s’inscrivent dans le sillage des formats standardisés. Ce sont ces mêmes transactions normées que l’on retrouve au Venezuela comme en Norvège en passant par l’Angola et l’Arabie Saoudite, etc., sous l’œil vigilant de l’OPEP (Organisation de Pays Exportateurs de Pétrole.)

Du fait que l’exploitation du pétrole et du gaz est un domaine relativement connu, il va de soi que nous sommes souvent dans le fantasme en pensant que quelqu’un peut tout bonnement se présenter avec des valises remplies de dollars pour corrompre les gouvernants et s’en aller avec nos ressources pétrolières et gazières.

Il est d’abord à relever que le pétrole et le gaz sont devenus des ressources dont la durée de vie ne va pas au-delà de  30 ans. Ce qui veut dire que d’ici 2045 au plus tard, elles ne seront plus que très peu d’industries à utiliser de l’énergie fossile. Même si le gaz est moins polluant que le pétrole, les deux ont le même destin, à savoir une disparition certaine au bout de trois à quatre décennies. C’est ce caractère transitoire qui en fait des produits très dangereux entre les mains de pays dotés d’institutions encore faibles et de forces de défense à l’état de construction.

Les cinq pays qui dominent la production et l’exportation  de ces ressources sont : les Etats-Unis avec 934 milliards de mètres cubes,  la Russie avec 701.7 milliards, l’Iran avec 256.7 milliards, la Chine 209.2 et enfin le Qatar avec 177 milliards de mètres cubes. Parmi ces cinq producteurs, il se trouve qu’il y en a deux qui n’ont pas besoin du marché mondial pour leurs exportations. En dépit de  l’immensité de leurs productions, les économies de la Chine et des Etats-Unis, grosses importatrices de ressources énergétiques, sont insatiables en matière de  gaz et de pétrole. La Russie, jusqu’au déclenchement de la guerre en Ukraine, avait un marché assuré avec la deuxième base industrielle du monde, l’Europe occidentale, en particulier l’Allemagne sa première économie.

Par conséquent, retenons que les deux autres pays, l’Iran et le Qatar ,  de même que les producteurs/explorateurs de tailles  relatives, ont entre leurs mains un vaste marché très lucratif. Lucratif mais transitoire. Le contrôle de ce marché dans les 25 ans à venir est crucial pour l’Iran et le Qatar. Et ce contrôle ne saurait signifier aller piller les gisements des nouveaux arrivants comme le Sénégal et la Mauritanie.

Le Sénégal et la Mauritanie ne seront pas considérés comme de petits concurrents dans un marché qui disparaitra au bout d’une génération. Dans un article daté du 16 septembre 2022, le quotidien français Le Monde, parlant du Sénégal, affirme que « Le pays, qui va exploiter, avec la Mauritanie, un grand champ offshore, veut profiter du tarissement des livraisons russes vers l’Europe pour s’imposer comme fournisseur du Vieux Continent. »

Le journal poursuit : « Dès le mois de mai, l’Allemagne a annoncé être en discussions « intensives » avec le Sénégal afin de s’y fournir en GNL (gaz naturel liquéfié) Au total, 500 milliards de mètres cubes de gaz ont été découverts dans le gisement de la Grande Tortue Ahmeyim (GTA), situé lui dans les terres, à la frontière avec la Mauritanie. » 

L’un des moyens classiques utilisés pour déstabiliser un pays est d’y organiser des émeutes, afin que les Forces de Défense et de Sécurité soient toutes occupées à éteindre l’incendie intérieur.  Et cette déstabilisation est encore plus facile si des conflits transfrontaliers venaient à éclater entre/ou dans les deux pays. C’est pourquoi, il faut faire attention lorsque par exemple, des révoltes éclatent concomitamment au Sénégal en Mauritanie. Ou alors lorsque des hommes politiques promettent de remettre en cause les frontières héritées de la colonisation. En cas de conflits permanents, à l’intérieur comme aux frontières, ces deux pays n’auront d’autre préoccupation que d’accélérer la production pétrolière et gazière. Déjà, de voir le Canard Enchainé, hebdomadaire généralement bien informé, parler de financement venant du Qatar, au plus fort des manifestations violentes du début de ce mois, suite à la condamnation de l’homme politique Ousmane Sonko, a de quoi interroger.

Dès lors, il ne serait pas hasardeux de dire que le Qatar et l’Iran ont un intérêt particulier à bien surveiller ce qui se passe au Sénégal. A défaut de pourvoir faire main basse sur les ressources énergétiques du Sénégal et la Mauritanie, les deux pays précités, grands exportateurs, pourraient tenter de fermer les portes de ce marché abondant de la vente du pétrole et du gaz à tout nouvel arrivant.

Si les forces coalisées (sont nombreuses) contre le Sénégal et la Mauritanie arrivent à créer un climat d’insécurité totale dans la sous-région, aucune activité d’extraction et d’exportation de grande envergure n’y serait possible. L’océan qui abrite les installations portuaires et aéroportuaires sera infesté de pirates maritimes ; comme c’est le cas autour de la Somalie depuis 40 ans. La sécurité sera difficile à assurer. et les coûts de frêt  et d’assurance pour la marine marchande seront si élevés que nos ressources énergétiques ne pourront être compétitives sur le marché mondial.

En matière de déstabilisation et les conséquences y découlant, la République Démocratique du Congo et le Mali, sont des exemples patents.  Depuis la crise résultante du Génocide au Rwanda, l’Est du Congo, riche en diamant et autres minerais précieux, est devenu un « no man’s land », où chaque seigneur de guerre contrôle une portion du territoire, crée ses aérodromes, voire ses aéroports, exploite et exporte ses minerais, au vu et au su des autorités congolaises impuissantes. Ces mêmes installations illégales servent également à toutes sortes de trafics. Ce n’est pas pour rien que les observateurs avertis se demandent comment se fait-il que le Rwanda qui produit peu, ou pas de pierres précieuses,en devient un grand exportateur.

C’est la même situation au Mali. Partant des revendications irrédentistes de groupes Touaregs comme l’Azawad et autres, on a fini par assister à la destruction  d’un Etat et d’une République. L’Etat malien est tellement faible, que des trafiquants de drogue de la mafia internationale ont pu s’installer dans le désert, construire une piste d’aviation pour gros porteurs, y faire  atterrir un avion-cargo ayant dans ses  soutes, de la drogue d’une valeur de plus de 300 millions de dollars, sans que l’Etat ne puisse faire quoi que ce soit. (voir Serge Daniel, « les Mafias du Mali »).

Si aujourd’hui la France possède ses grands stocks d’or sans en être productrice, le Mali y a beaucoup contribué, contre sa volonté. Le cas du Mali est l’un des rares exemples d’accord de défense ou un Etat se voit interdire l’accès à une partie de son territoire (« le Mali utile »).

Et bizarrement il semble s’annoncer au Sénégal le même type d’alliances tactiques contre nature entre la France et les diverses forces qui ont détruit l’Etat malien. En principe, l’opposition dite radicale composée du Pastef, de Frapp France Dégage et autres radicaux de diverses branches, et la France, ne devraient pas se retrouver dans le même camp.

Et pourtant, au moment même où des troubles principalement animés par les militants du Pastef de Ousmane Sonko et une partie de Yewwi Sénégal, la France, ancienne colonisatrice, monte au créneau pour accabler le gouvernement par la voie de ses « Voix » médiatiques.

La réaction de la France ne devrait pourtant pas surprendre. Ce pays, en train de devenir un poids moyen en Europe, compte toujours sur ses anciennes colonies pour continuer de garder vaille que vaille son statut de grande puissance sur la scène mondiale. Par conséquent l’Elysée ne pourrait voir d’un bon œil que le Sénégal devienne un poids lourd du pétrole et du gaz, sans que la France, qui n’a pas les moyens d’y peser, ne reçoive son quota. A défaut de contrôler cette manne de ressources naturelles entre les mains du Sénégal, l’ancien colonisateur, partie prenante d’ accords de défense des plus nébuleux, ne pourrait rater l’occasion d’attiser le feu pour offrir après « sa protection » en cas de déflagrations.

Le Sénégal du pétrole et du gaz devrait s’attendre à des tentatives de déstabilisation venant d’ennemis et « d’amis », de l’intérieur comme de l’extérieur. Aux  élites, dirigeants et citoyens d’en prendre la mesure.

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