Le gouverneur de la Bceao démissionnaire n’a pas attendu longtemps pour apporter des précisions sur sa décision. Au terme de la 15 session ordinaire des chefs d’Etat et de gouvernement qui s’est tenue à Bamako le samedi 20 janvier passé, M Philippe Dacoury Tabley a fait une déclaration dans laquelle il affirme être « poussé » à la démission. Par la même occasion, M. Tabley a décrié le fait que, d’après lui, la politique puisse s’immiscer dans la marche de la banque centrale des Etats de l’Afrique de l’Ouest (Bceao).
(Bamako – Envoyé spécial) – « La seule tristesse que j’ai en ayant rendu cette démission qui m’a été demandée, c’est qu’effectivement la politique est en train d’entrer à la banque centrale ». Cette phrase a été lancée par M Philippe Henri Dacoury Tabley qui vient de démission de son poste de gouverneur à la Bceao. Réagissant suite au 15ème sommet des chefs d’Etat et de gouvernement tenu ce week-end à Bamako, pour apporter des éléments de précision sur sa décision, Philippe Dacoury Tabley n’a pas manqué de faire part de sa déception suite au sort qui lui a été réservé. Il a estimé : « Face à l’incompréhension des explications données, face au fait que les uns et les autres n’arrivent pas à bien saisir ce qui se passe réellement sur le terrain, face au fait que la politique à tendance d’être introduite à la banque centrale, nous avons accepté de rendre la démission qui nous a été demandé ». Sur ce point, il faut noter que dans le communiqué final de la conférence des chefs d’Etat de l’Uemoa, il est indiqué : « la conférence des chefs d’Etat a pris acte de la démission de Monsieur Philippe Henri Dacoury Tabley de ses fonctions de Gouverneur de la BCEAO ». Avant de demander à « M. Alassane Ouattara, président de la République de Côte d’Ivoire, de proposer pour sa prochaine session extraordinaire, une candidature au poste de gouverneur, pour achever le mandat au titre de la Côte d’Ivoire ».
Dans ses explications, le gouverneur sortant a ajouté : « Je suis profondément attristé pour l’institution que j’ai servi pendant 35 ans. Je pense qu’il y avait mieux à faire que ce qui a été fait ». Sans rancune, M. Tabley poursuit : « je reste attaché à cet institution. Je crois à l’union monétaire et j’espère que les jours à venir ne seront pas sombres pour notre union et que nous pourrons continuer cet idéal d’intégration que nous avons commencé. Il est indispensable que notre espace monétaire continue d’être ensemble et de se consolider. J’y tiens énormément », a-t-il tristement servi.
A l’en croire, la banque centrale, après la proclamation des résultats au second tour de l’élection en Côte d’Ivoire, a senti que des difficultés économiques allaient apparaître au niveau de l’économie ivoirienne dans le cadre de l’émission des bons du trésor. « La Cote d’Ivoire allait connaître des défauts de paiement. Cette situation a interpellé la banque centrale au plus haut point parce que nous sommes garants de stabilité bancaire et financière de l’union. Aussi avons-nous pris des dispositions rapides pour sécuriser les remboursements des bons du trésor ivoirien ». D’après lui, avec ces actions qui se sont passées entre 1er janvier et le 23 du même mois, la banque avait dit qu’elle allait travailler avec le trésor qui était en place. « Nous avons donc pris toutes nos responsabilités pour éviter que le système bancaire puisse être atteint. On a mis en place un dispositif pour cela ». Selon M. Tabley, durant un mois, la banque centrale a résisté aux appels incessants, aux pressions qui « nous demandaient de nous prononcer sur la validité de l’élection de tel ou tel candidat ». Sur ce point, il a confié : « nous nous sommes dits que la banque centrale n’est pas un organe politique et n’a pas à proclamer des résultats d’élection. Notre position a amené des tensions assez vives au niveau de la banque centrale et a fait circuler beaucoup de rumeurs ».
C’est à cet instant que le conseil des ministres a pris la décision politique que l’union monétaire reconnaît M. Alassane Ouatara comme président légitime de la Côte d’Ivoire. « Dès cet instant, la banque centrale qui est un organe de l’union a pris acte de la décision et s’est inscrite totalement dans l’application de cette décision. Nous avons, à partir de là, écrit au gouvernement légitime pour qu’il nous envoie les représentants dans les organes de la banque centrale ». Ce qui a été fait, a-t-il renseigné, avant d’ajouter : « d’autres démarches ont été faites pour mettre en application, la décision du conseil des ministres ». Cependant, fait-il remarquer : « l’action concernant la signature au sein de la banque centrale des nouvelles autorités a rencontrée des difficultés majeures liées à la situation sécuritaire et observe que le pouvoir en place détient toujours l’ensemble des rouages de l’Etat ». M. Tabley pense que dans ces conditions, « il est parfaitement impossible à la banque centrale d’appliquer la totalité des décisions qui étaient prises par le conseil des ministres à Bissau ».
Le gouverneur sortant pense que cette difficulté rencontrée a fait croire à beaucoup que la banque centrale a refusé d’appliquer les décisions de Bissau. Par ailleurs, a-t-il poursuivi, « il convient de dire que l’ensemble des administrations du trésor, de la douane, des impôts continue d’être entre les mains du gouvernement sortant en Côte d’Ivoire». Ce qui, d’après lui, éloigne les conditions qui permettent à la Bceao de pouvoir établir des relations décisionnelles et institutionnelles avec le nouveau trésor qui a été mis en place. Il explique le refus de limoger son directeur national en Côte d’Ivoire du fait que « c’est un agent qui a toujours fait son travail et que confronté à des cas de forces majeures, il ne pouvait rien faire d’autre que ce qu’il a fait ».
Par la même occasion, M. Tabley a tenu à noter : « j’ai régulièrement rendu compte des difficultés rencontrées par l’institution dans l’application des décisions de Bissau dans l’espoir que le conseil des ministres aurait donné des instructions nouvelles, des orientations et des soutiens permettant d’aller plus loin dans l’application des mesures de Bissau. Ce qui n’a pas été le cas ». Il affirme avoir même déposé un rapport à la conférence des chefs d’Etat à Bamako, sur les problèmes que rencontre la Bceao face à cette situation de confiscation du pouvoir par le camp de Laurent Bagbo. « Les décisions s’appliquent avec l’assentiment, avec l’accord des uns et des autres. Nous ne pouvons pas exécuter ces décisions-là alors que ceux auprès de qui on doit les exécuter sont totalement hostiles », a-t-il tenu à faire comprendre.
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