Pierre Thiam, specialiste de la cuisine ethnique, chef à New York « Notre cuisine a joué un très grand rôle dans le patrimoine culinaire du monde »

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Malgré 25 années passées à New York, il n’a rien oublié de ses origines casamançaises. A Dakar où il a grandi comme à Brooklyn où s’est enraciné son restaurant, « Le Grand Dakar »*, Pierre Gorgui Ma Thiam est parmi les chefs africains ou Blacks qui comptent en Amérique. Il avait dès le départ, fait de la cuisine une arme. Curieux destin pour un physicien. Adepte et défenseur de la nourriture des terroirs, le Chef sénégalais qui veut garder sa lucidité et sa simplicité est devenu au fil des ans, un spécialiste des rencontres culinaires dans le monde, parlant à l’envi de l’influence noire et africaine dans la cuisine américaine. Dans cet entretien marqué par les hommages et souvenirs d’enfance, le récit est poignant, parce que mélange de passion et de nostalgie. Quasiment inconnu au Sénégal, son livre Yolele, sur les recettes de la cuisine sénégalaise est un succès de librairie aux Etats-Unis depuis 2008. La question de l’esclavage et l’influence des femmes noires sur la nourriture américaine ne lui échappent pas. C’est comme si on écoutait un conteur entouré d’enfants séduits et curieux, qui éveille leur conscience sur les merveilles inconnues de l’Afrique. Normal quand on aime les vieilles marmites.

Pierre, vous êtes la preuve que l’Afrique peut proposer des choses intéressantes au monde. Vous l’avez fait à travers la cuisine. D’où vous vient votre passion pour la cuisine ?

Çà a été un concours de circonstances. Un vrai hasard. J’étais à New York, en route pour l’Ohio, après deux années d’étude en Physique et Chimie, à l’université Cheikh Anta Diop de Dakar. La dernière année, en 1988, a été marquée par une année blanche. Et pour moi, c’est cela le déclic. Et comme je n’avais pas de destination précise, la cuisine pouvait en être une comme aussi poursuivre les études que j’avais commencées ici. Mais à vrai dire, le choix de faire de la physique à l’université m’avait été imposée ; pour dire que ce n’était pas vraiment un choix de carrière. J’ai fait un bac C et après le diplôme, je suis allé en Pc (Physique et Chimie) alors qu’il y avait aussi les Mp (Mathématique et Physique). Il y a aussi que j’aimais la physique et la chimie. Mais avec l’année blanche, le choix était bien difficile. C’était soit je continue, soit je reste dans un pays où je ne savais plus ce qui pouvait se passer. Et c’est comme ça que j’ai une inscription au Baldwin Wallace College qui se trouvait dans l’Ohio (Grands lacs). Comme ils acceptaient les crédits que j’avais déjà eus à l’Université de Dakar, le coup était parfait pour moi. Et, c’est comme çà que je suis parti pour les Etats Unis. Et, arrivé à New York malheureusement, j’ai eu un incident qui va bouleverser mes plans. J’ai perdu le sac de voyage dans lequel se trouvaient tous mes objets de valeur et mon argent. Je n’étais arrivé aux Etats Unis que pendant trois jours. Tout m’a été volé. Et donc j’étais coincé à New York au lieu d’aller dans l’Ohio une semaine plus tard comme c’était prévu. Je voulais visiter cette ville avant de continuer sur l’Ohio et voilà que j’y étais coincé sans un sou.
Et le premier boulot que j’ai trouvé était dans un restaurant qui se trouvait dans West Village. Un quartier connu pour ses restaurants et ses offres en matière de cuisine surtout, pendant les week-ends où c’était très animé. J’ai trouvé ce travail dans ce restaurant qui était le plus en vogue à l’époque, « The Garvins ».

Et c’est dans ce restaurant que tout va commencer pour vous ?

Oui. Parce que dans ce restaurant, le chef s’est avéré être quelqu’un qui va jouer un rôle important dans mon choix. D’abord, parce qu’on s’entendait très bien et c’est lui qui va me décomplexer parce que pour moi, la cuisine c’était une affaire de femmes à l’époque. Or dans cette cuisine, je voyais que des mecs. Et au début, j’étais Busboy. Celui qui nettoie les tables quand les clients ont fini de manger, récupérer les assiettes. Alors que tous mes amis dans ces restaurants étaient en cuisine, moi j’étais chargé de tout ramener ou sortir de cuisine. C’était le rôle du Busboy. Et comme j’aimais bien l’ambiance de la cuisine, j’ai senti immédiatement que j’allais faire quelque chose dans ce sens. Parce que l’espace me plaisait. Et le chef Billy qui avait du flair, avait senti la chose en moi et il a commencé à me confier des tâches en cuisine. La plonge et ensuite l’épluchage de légumes, oignons, pommes de terre, carottes, etc. Pour vous dire que j’ai commencé vraiment au bas de l’échelle dans ce métier. Mais j’ai aimé ce qui s’y passait. Et, j’ai patiemment enduré et appris. Je suis resté à Garvins un an environ. A l’époque, il y avait un nouveau restaurant qui débutait ses activités, dans le Village « Amazon ». Et fort de ma petite expérience, je suis allé dans ce nouveau restaurant où j’ai été embauché comme garde-manger. J’épluchais toujours les légumes mais je fais aussi quelques salades, c’est aussi là que j’ai appris la station du grill.
Nous sommes en 1989/90. Mon expérience à « Amazon » va me mener vers un autre restaurant qui s’appelle « Jean Claude », toujours dans West Village. Un bistrot français qui va m’aider à conforter ma passion pour la cuisine. Et de là, j’ai compris que j’allais rester dans la restauration un long moment.
J’ai donc pris en charge ma propre formation en allant régulièrement à la Librairie de New York où j’avais accès à tous les classiques de la cuisine que mon chef de l’époque m’avait conseillé de lire. Je les étudiais donc et revenais en cuisine pour les mettre en pratique. Et, là où j’ai senti vraiment le virus de la cuisine, c’est après « Jean Claude », dans un autre restaurant qui s’appelait « Boom », dans le quartier de Soho, un endroit chic de New York, où toutes les célébrités se retrouvent. A l’époque, ce quartier était très en vogue.
« Boom » était ainsi un coin très spécial où tout le monde venait. Et, le chef de l’époque Geoffrey Murray qui était un des plus talentueux était un adepte de la cuisine ethnique et s’intéressait beaucoup à ce qui se faisait en Asie du sud est. Sa carte se démarquait des classiques de la cuisine américaine, italienne et française qu’on connaissait plus à New York. La découverte de ces nouvelles saveurs me rappelait d’ailleurs ma jeunesse à Dakar avec mon parrain d’origine vietnamienne, excellent cuisinier. Il va d’ailleurs quelques années plus tard venir à New York m’aider à monter un restaurant de style vietnamien-kasher pour des clients juifs pour qui je faisais de la consultation.

Vous voilà donc bien motivé….

Je suis devenu sous-chef. Et, le chef a commencé à me demander de préparer des classiques de mon pays, le Sénégal. C’était son dada, cette cuisine ethnique. C’était le Mafé, le Yassa etc., que j’ai commencé à servir à la famille. Ici la famille, ce sont les employés de la maison (terme de la restauration pour désigner l’équipe ou le staff. Et, quand j’ai vu la réaction de ces derniers, à chaque fois qu’on leur servait un repas sénégalais, ils ont fini par se demander pourquoi on ne les servirait pas à nos clients. J’ai commencé à servir ces spéciaux ; la cuisine sénégalaise adaptée à la présentation de Soho : l’esthétique, les belles assiettes, le couvert etc.) La première fois qu’on a servi un de ses spéciaux, on a eu droit à la critique gastronomique du Daily News, qui a écrit un article sur le restaurant et parlé du plat qu’on avait servi. Il s’agissait d’un mafé. Le Daily News, un des grands quotidiens new yorkais découvrait le mafé.

C’est à ce moment que j’ai commencé à me demander pourquoi est-ce qu’une cuisine comme la nôtre n’était pas aussi populaire que les autres grandes cuisines du monde. New York étant la capitale culinaire du monde, j’étais maintenant convaincu qu’il y avait une place pour une cuisine africaine qui s’inspirerait de nos traditions culinaires. J’ai donc profité moi aussi de cette niche. Comme le restaurant avait beaucoup de succès, un autre a été ouvert à Miami (Floride). J’ai été choisi pour lancer le volet cuisine ethnique dans ce nouveau restaurant. Là bas, j’avais l’opportunité de faire tout un menu basé sur le thème de Boom. Et là, je vais introduire beaucoup plus de plats d’origine africaine. Par la suite, ce sera autour des Hamptons (le restaurant boom va y ouvrir une succursale pendant la saison d’été). Là bas, c’était encore Hollywood. Une clientèle fortunée qui commençait à apprécier ces nouvelles saveurs et entrainant les médias avec eux. Et, c’est là que j’ai commencé à penser faire un restaurant.

On a l’impression qu’il y a eu comme une rencontre de quelque chose entre la cuisine et vous. La rencontre d’une certaine Amérique avec l’Afrique de votre enfance ? Comment avez-vous vécu cela ?

En fait, ce désir est né d’un constat que l’Afrique était méconnue du monde et cela à plusieurs niveaux. Surtout au niveau culinaire qui était mon domaine. Je savais aussi que la cuisine, c’était beaucoup plus qu’une assiette qu’on sert et des recettes. Etant donné que le New yorkais, est ouvert d’esprit, mon opinion est qu’il serait ouvert à une cuisine nouvelle, une cuisine africaine et sénégalaise par exemple, ils chercheront tout de suite à découvrir ce qu’il y a derrière. Au départ, ils viendront cependant avec un certain nombre de préjugés du fait d’une certaine idée qu’ils ont du continent qui leur a été inculqué pendant plusieurs générations. Leur étonnement est qu’ils ne s’attendent pas tout de suite à une cuisine africaine riche et diversifiée, aussi abondante, saine et pleine de vertus nutritives. Pour eux, l’Afrique, c’est la famine, il faut les aider…

Ignorant de toute la symbolique du manger en communauté autour du bol, certains voyaient en nous des primitifs. Voilà donc tout le sens de mon engagement ici. Je voulais par conséquent rectifier çà. C’était comme un combat et mon arme, c’était la cuisine…

Devenu sous-chef, vous vous êtes dit quoi ? Vous avez lu les classiques, mais cela ne faisait pas de vous, le grand cuisinier dont rêvaient les New yorkais. Comment la magie a-t-elle opéré ?

Pour moi, allez au-delà des classiques, c’était déjà me donner une base de travail. J’estimais que je devais réinventer une cuisine sans la trahir. Etant entendu que les classiques, c’est la référence en matière de cuisine. Quand je suis devenu sous-chef, je voulais être un innovateur et c’est là où mes différents chefs m’attendaient. Amener une touche africaine dans le paysage culinaire new yorkais et américain. C’était une unique opportunité. Cela me confortait dans l’idée que j’allais moi aussi y jouer un rôle de pionnier dans la réinvention de la cuisine de chez moi. Mais une réinvention qui me recommandait de rester fidèle aux saveurs authentiques, en remodelant et jouant sur la présentation ou même innover par l’utilisation d’épices et d’ingrédients venus du continent comme source d’inspiration… C’est là où mes recherches à la librairie de New York vont être déterminantes en m’aidant à donner un plus à certains classiques comme l’usage du fonio, par exemple.

De New York à Miami, c’est comme un voyage qui vous a mené du nord vers le sud de l’Amérique. A travers leur cosmopolitisme, les deux villes se ressemblent un peu, mais Miami est encore plus métissé que New York avec une forte présence de Cubains, de Haïtiens, de Noirs aussi. Comment l’autre population africaine (les Haïtiens et les Antillais par exemple) a découvert cette cuisine ethnique venue du continent ?

Ce qui est intéressant est que la clientèle que j’avais à Miami était exactement la même que celle que j’avais à New York. On était à South Beach du côté de Miami. Or ici c’est l’équivalent de Soho, à New York et tout comme Soho, c’était une clientèle huppée qui venait nous voir à South beach. Vu que c’était l’hiver, les gens de Soho venaient passer leurs vacances d’hiver à Miami); le restaurant se trouvait au cœur de South Beach (le quartier chic de Miami), avec une cuisine ouverte sur la salle; c’était les débuts de ce genre de design de restaurant aux Etats-Unis. Parce que c’était pratiquement la même clientèle qu’à New York, je connaissais presque tous les clients que je voyais directement de la cuisine. La plupart étaient souvent là bas pour les week-ends, j’aurais aimé par rapport à votre question avoir des clients haïtiens, antillais. Mai, le restaurant de Miami est resté sur le même modèle que New york. Il y avait une clientèle assez déterminée.
J’imagine cependant ce qu’aurait été leur réaction si nous étions localisés dans un quartier cubain ou haïtien (notre menu offrait les mêmes saveurs relevées des Tropiques comme c’est le cas pour la cuisine haïtienne, cubaine et antillaise. J’ai d’ailleurs récemment été invité à cuisiner à Cuba lors de la Biennale de la Havane. L’objectif pour moi était d’utiliser des produits cubains pour présenter une cuisine africaine. Nous étions dix chefs des Usa et chacun venait avec son style de cuisine. Vu que j’étais le seul chef d’origine africaine, présentant des recettes proches de la cuisine cubaine, il y a eu cette réaction-là à laquelle vous faisiez allusion dans votre question. La réalité est que tous, à travers la diaspora africaine, sont à la recherche d’une certaine connexion avec l’Afrique et la cuisine, est souvent le moyen le plus direct pour y accéder. D’ailleurs, lors de mon dîner, la télévision nationale cubaine a presenté une emission parlant de ce que je faisais.

Aujourd’hui, on travaille sur un concept de cuisine du monde. Vous à Brooklyn, Alain Ducasse, Thierry Marx en France, êtes comme des inventeurs d’une cuisine qui allie un savant mélange de chimie, de technologies et de savoirs divers venus des terroirs. Pour le physicien que vous avez été, devenu restaurateur aujourd’hui, depuis les mélanges faits par la maman, qu’est-ce que le secret ?

Vous êtes bien généreux de me mettre en si bonne compagnie aux cotés de Ducasse et Marx. Ceci dit, c’est une question intéressante. Ma mère avait cette passion de cuisiner. Et, pratiquement, toutes les femmes de ma famille aussi. C’est d’ailleurs à elles que je rends hommage dans mon livre « Yolele ». Ma tante Marie en particulier, qui y a énormément contribué et qui est une véritable alchimiste en cuisine, Mame Rokhaya, tante Madjiguène, Henriette Sambou, ma cousine Amsy, qui d’ailleurs est présente dans le reportage de Food & Wine avec Sean Brock aussi. Chacune d’elles est une des magiciennes qui m’ont influencé d’une manière ou d’une autre. Mais, en particulier ma maman, parce qu’elle avait une collection du larousse culinaire. Mais, moi ce qui me fascinait le plus dans cette collection, c’étaient les images. De belles photos de plats. Moi, je restais fasciné par les belles images du livre. J’avais peut-être cinq à six ans, quand je me suis mis à feuilleter les pages de ce Larousse. Quand mes amis jouaient au foot dans la rue, moi, je regardais les images de cuisine du Larousse culinaire de ma maman (rires). Je salivais et cela me donnait l’eau à la bouche. Et c’est peut-être ce qui m’a donné le plus le goût de la cuisine dès ma jeunesse…
Mon passage au département de physique chimie, a la fac, surtout la chimie, a aussi joué un rôle important. Ce n’est que bien plus tard, quand j’ai atterri en cuisine que j’ai réalisé la connexion. La cuisine, ce ne sont en fait que des réactions chimiques. J’avais donc l’avantage de comprendre ce qui se passait au niveau moléculaire avec les ingrédients.

Vous avez eu le mérite de vous intéresser à la promotion de la cuisine africaine avant même qu’on en parle aujourd’hui avec les nouvelles tendances qui voudraient que l’on mange local. Comment appréciez-vous aujourd’hui la cuisine sénégalaise quand vous revenez à la maison et quand vous allez dans les restaurants ?

Il va falloir que je fasse attention à ce que je vais dire au risque de me faire des ennemis. J’adore la cuisine sénégalaise classique. Ce que je trouve regrettable c’est qu’on ne l’exploite pas assez. Il y a aussi un manque d’éducation, les consommateurs qui ne sont pas informés, s’empoisonnent de manière inconsciente à travers les mauvais emprunts issus des autres cuisines. C’est le problème des bouillons qu’on voit partout. Bien sûr, il y a des degrès de qualités dans la manière dont ces bouillons sont manufacturés. Il y en a qui sont meilleurs que d’autres, mais il y a cet abus excessif par le consommateur senegalais, dû au fait que des sommes énormes sont investies dans le marketing de ses cubes. Notre subconscient est en permanence agressé par la promotion de ces poisons. L’Etat laisse faire. C’est scandaleux. Il y a aussi l’abus d’huile, de sel, jusqu’à perdre le véritable goût des aliments. Du coup, il n’y a plus de goût et de subtilité dans les mélanges. En realité, ce n’est pas cela notre cuisine.

Vous avez dit que votre première surprise, arrivé à New York dans les restaurants, c’était d’avoir vu des hommes tenir les casseroles. Au Sénégal, de plus en plus, les femmes ont tendance à fuir la cuisine, à perdre le goût des bonnes choses. Résultats, nos filles et certaines femmes ne savent plus faire la cuisine.

Voilà un autre cas très triste. Nos grands-mères et nos mamans ont joué un rôle tellement important dans l’évolution de la cuisine du terroir. La diaspora noire doit l’essence de sa cuisine à ses femmes. C’est en voyageant dans le sud de l’Amérique, les Caraïbes et aussi en Amérique Latine, que l’on se rend compte de l’impact que nos grand-mères ont eu dans la cuisine de toutes ces régions. Ce sont elles qui ont amené cette cuisine africaine dans cette partie du monde. Voyez la cuisine brésilienne par exemple, le rôle qu’elle joue dans la culture de ce pays est de plus en plus proéminent et ceci, grâce aux influences africaines. C’est le cas pour toute la cuisine du sud de l’Amérique. Malheureusement, elles ne reçoivent pas les accolades qui leur sont dues pour l’immense contribution qui est la leur.
Ce savoir, si on le perd maintenant, parce que nos sœurs ne l’ont pas appris, vous imaginez vous la perte que cela représente. Ce riche patrimoine culinaire des Amériques existe grâce aux femmes venues d’Afrique. D’ailleurs, un des plus grands chefs américains du moment, Sean Brock reconnaît que les influences de sa cuisine sont venues d’Afrique via la Louisiane, Caroline du Nord et du Sud. Aujourd’hui, son restaurant est considéré comme l’un des meilleurs en Amérique du nord au cours de ces dernières années, plébiscité par tous les grands magazines. Il est d’ailleurs venu au Sénégal récemment avec une amie journaliste dans le cadre d’un article et d’une émission de télévision américaine, pour parler des origines de sa cuisine. Il a d’ailleurs collaboré avec Fati Ly, l’une des membres fondatrices d’Afro Eats ainsi qu’avec ma tante Marie et sa fille Amsy.

Comment s’est passé ce séjour ?

C’est avec cette même journaliste que je travaille sur mon prochain livre « le Sénégal, de la source à la table » attendu pour l’automne prochain, Inch Allah). On a fait un voyage du nord au sud du Sénégal et nous avons rencontre les producteurs et paysans de Saint louis, en passant par Sakal et Louga, les femmes qui récoltent le riz en Casamance et on est allé en mer avec les pêcheurs de Ouakam. Nous sommes allés vers Mbour, joal pour en savoir plus sur le poisson séché (guedj), le yet la préparation du Kethiakh à Mballing etc. Nous avons aussi eu des rencontres avec les chercheurs de l’Ita. C’est ce voyage qui a inspiré l’article du magazine « Food & Wine » avec chef Sean Brock.
C’est ainsi que Sean Brock est venu au Sénégal et a pu voir comment étaient préparés les plats de chez nous avant la grande traversée et leur adaptation à la cuisine américaine. Il a vu le soupe kandia avant qu’il ne devienne le fameux gumbo plat symbolique de la Louisiane ; le Thiébou niébé aussi avant qu’il ne devienne le « Hoppin johns » de la Caroline du sud. Ce voyage de Sean Brocks sera documenté dans un magazine a forte distribution et sur Pbs, une grande chaine de television américaine le thème traitera sur l’influence du Sénégal dans la cuisine américaine d’hier et d’aujourd’hui.

A vous écouter parler, on se retrouve dans ce qu’on pourrait qualifier aujourd’hui de diplomatie culinaire qui s’installe et qui permet à l’Afrique d’aller encore plus vers l’Amérique. Qu’en pensez-vous ?

Oui en effet. Je crois que c’est intéressant que d’ utiliser le mot diplomatie. Parce que la cuisine pourrait etre un formidable outil pour la recherche de la paix. Et, si on s’asseyait autour d’un bon repas, israéliens et palestiniens par exemple, peut être qu’on aurait vite trouvé des solutions aux problèmes entre ces deux peuples de manger peut-être un instrument diplomatique très puissant. Si chacun invitait son voisin à sa table et lui offrait ce qu’il a de meilleur, le monde serait plus plaisant. Au Sénégal par exemple, nous avons cette belle tradition qui veut que les Chrétiens offrent du Ngalakh aux Musulmans le Vendredi saint et vice versa les Musulmans de la viande de mouton à la Tabaski.

Un film « La couleur des sentiments » m’a replongé dans l’Amérique de l’exclusion des noirs. Un moment pathétique est dans ce film à travers la séparation d’un enfant blanc de sa nounour noire à la fin du film après la publication d’un livre sur la révolte de ces femmes de maison. Est-ce qu’à travers cette rencontre, vous n’êtes pas entrain de décomplexer l’américain blanc ringard et raciste ?

Décomplexer. Je ne sais pas si c’est le bon mot, à moins que vous ne vouliez parler d’un complexe de supériorité. Vu dans ce sens, je crois que oui ils ont cette image de l’Afrique qui ne reflète pas la réalité. Oui, je cherche à contribuer à changer cette image. C’était d’ailleurs l’idée du festival Afro Eats, (changer les perceptions négatives et les clichés lées à la cuisine africaine, retrouver une fierté dans notre produit) en faisant venir des chefs de grand acabit venus de divers horizons, (Français, Camerounais, Ivoiriens, Togolais etc.) Surtout des Américains. On avait décidé de présenter un voyage culinaire avec des étapes prises de l’itinéraire de mon prochain livre.

C’est ainsi qu’on a fait des sorties en haute mer avec des pêcheurs lébous de Ouakam. A Mbour, nous avons visité les productions de poisson fumé (Kethiakh), et de poisson séché etc. A Keur Moussa chez les Moines, nous avons vu la transformation de produits locaux tels le nectar de bissap, l’huile de baobab, le fromage de chèvre… Au Lac Rose, nous sommes allés en pirogue jusqu’au milieu du lac pour voir l’extraction du sel. On a fait des visites des marchés de Dakar afin qu’ils voient la diversité de nos produits ; et ce qui m’a intéressé, c’était leur réaction car j’étais sûr qu’ils allaient être impressionnés par ce qu’ils découvraient.

Parmi eux, il y en avait qui animaient des émissions de télévisions comme Christian Abégan entre autres. Il y avait aussi qui avaient des restaurants étoilés inscrits au Guide Michelin, comme Anita Lo ou Dave Arnold, fondateurs du Museum of Food and Drink de New York, Mofad. Ils retournent donc dans leurs pays respectifs avec une autre idée de l’Afrique. Certains parmi eux ont fait des cartes spéciales dans leurs menus inspirés par cette visite. Anita Lo a parlé de son expérience sénégalaise dans une interview accordée au Guardian (Grande bretagne).

Alexander Smalls qui était du groupe du Festival Afro Eats vient d’ouvrir son tout nouveau restaurant il y a à peine une semaine à Harlem. Le cecil’s, en partenariat avec Richard Parsons (ex.Ceo d’Aol et de Time Warner) et le thème du restaurant est un vibrant hommage à Afro Eats avec des ingrédients tels le fonio qui apparaissent dans le menu mais aussi le Yassa et le Dibi haoussa. Ce restaurant crée déjà un buzz extraordinaire dans les médias new yorkais Sean brock est revenu récemment avec la chaine pbs pour filmer le segment d’une émission de télévision très suivi « Mind of a Chef » qui devrait sortir en début de saison aux Etats Unis. En plus de cela, l’agence d’information reuters a envoyé une équipe de télévision pour couvrir les 5 jours de l’évènement ; ce qui a permis des diffusions sur les journaux de TV5 Monde et france 24 entre autres.

Voila quelques exemples pour vous donner une idée de l’impact d’Afro Eats. A travers toutes ces personnalités, Afro Eats à pu atteindre une plus grande audience ça aide à changer un tant soi peu la perception de l’Afrique. C’était l’un de nos challenges. L’autre étant que nous avons-nous aussi besoin de ces informations là. Parce qu’on ne mange plus local, on préfère importer alors que les produits de nos terroirs ont souvent plus de valeur. On ne sait plus cuisiner de façon saine, on abuse des bouillons, du sel, de l’huile, du temps de cuisson… Tout le message était là. Ça ne va pas se faire du jour au lendemain, bien sûr, mais c’était un pas à franchir.
(A suivre)

Avec la collaboration de Dame Babou, Correspondant du groupe Sud aux Etats Unis

sudonline.sn

1 COMMENTAIRE

  1. Voila le type de senegalais que je tiens le plus en estime. Ambitieux, rigoureux, travaileur, et courtois. Il nous faudrait une poignee de ce genre de concitoyens pour changer notre pays en un rien de temps.
    Bravo mob ok mi. Just keep it up. vous etes une reference pour les jeunes qui veulent transformer leur pretendu  » destin  » en une destinee.

    Good luck for the future .

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