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Point de vue métaphysique de Dieu et de sa Majesté. Louis Alphonse J. SARR arbitre entre Bathie Ngoye et Thiantacoune

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Qu’est-ce qui pourrait servir de trait d’union entre la doctrine osirienne du ‘hadj ak sèdj’, le grand hymne à Jatti vivant d’Echnaton, le document philosophique de Memphis (D.P.M.) version du roi nubien Chabaka (1), la théorie métaphysique des états multiples de l’être tirée des limbes de la tradition indoue par René Guénon (2), la doctrine amonnienne du Dieu Vivant exaltée lors de l’intronisation du pharaon V.S.F. successeur de Miremptah fils de Ramsès 2 (3), la philosophie de l’Idée de Hegel, la dialectique marxienne et la bonne opinion, le bon jugement, si ce n’est le mystère insondable de l’ipséité divine ?

Dans le chapitre 4 de ‘la confrérie des éveillés’ intitulé ‘le scandale d’Al Karrawiyyin’, Jacques Attali rapporte ce qu’étaient au 12e siècle les points de controverse majeurs de la problématique récurrente Transcendance/Immanence en filigrane de laquelle s’inscrit la friction dans laquelle nous entendons apporter notre contribution. Il faut dire que les rigidités dogmatiques et les tentatives de déplafonnement menées par des intellectuels comme Averroès (Ibn Rushd) et Maimonide (Moshé ben Maimoune) ne se concédaient rien et glissaient très souvent sur le terrain de l’affrontement ou du crime. Il s’agissait, en effet, d’un combat pour asseoir définitivement le primat cartésien (aql) ou traditionnel (naql) respectivement grec et arabe ; donc de poser le problème de la supériorité de l’une ou l’autre civilisation selon que le moyen d’accéder à la vérité (même de la révélation) fut la logique aristotélicienne mise en branle dans son ‘traité de l’éternité absolue’, ‘le plus grand livre à avoir jamais été écrit par un être humain’ d’après ses disciples (qui le considéraient comme un prophète à l’égal de Mahomet (Psl), ou plus, puisque lui, sa prophétie, dégagée de tout alliage métaphorique impur, s’adressait, avec un langage universel à des intellectuels, là où d’autres n’ont eu pour interlocuteurs que de simples bergers) ou plutôt et exclusivement le verbe incréé de la révélation.

La confrontation Samba Ngoye Thiam/Thiantakoones (voir Wal Fadjri des 26, 27, 28 juillet 2010) nous semble, faisant écho aux prolongements soufis de la fin de la période classique de l’Islam (13e-15e s.), une autre paire de manche de ce corps à corps perpétuel entre Zahir et Baatiin, ésotérisme et exotérisme, accrochage qui, chez les humains, souvent est rupture de dialogue, mais qui, envisagé dans sa réalité absolue, est perspective de synthèse. L’erreur grave, de part et d’autre, à ne pas commettre est de ne considérer chez son vis-à-vis que lui-même et pas ce dont il est le symptôme, ce qu’il pourrait représenter.

Penser que M. Thiam ignore dans l’islam ce à quoi se rattachent ou font référence MM. Bocoum et Diagne du Thianth, dont les mises au point, de loin plus éclairés et doctrinaux que ceux de leurs prédécesseurs (le Tunisien Abdallah Fahmi et le conférencier en langue wolof spécialiste du Thiant, Saliou Mbow), serait peu sûr et mésestimer sa fonction. Ne serait-il pas plutôt un musulman averti qui, ‘informé’ de toutes les facettes de sa religion, a décidé de mettre à nu les déliquescences exaltées et les ‘courses hors piste’, pour un puriste, dont ne sont pas indemnes les Thiantakoone ? A coup sûr, M. Thiam connaît le talon d’Achille de l’islam soufi, à savoir l’incommunicabilité de toute vraie certitude, l’impossibilité d’ériger une expérience particulière avec Dieu en règle absolue ou discours officiel, au mépris de la loi religieuse et, ce fait indubitable en religion, que tout n’est pas à dire, même la plus incontestable vérité, du moment que Dieu la garde secrète en la faisant transiter par le canal de la réalisation spirituelle. Et sur ce plan, il ne sera pas le seul et le dernier musulman à se sentir agressé et humilié par les ardeurs oratoires d’aspirants zélés et incontrôlés, d’ogives nucléaires ivres de soif spirituelle, fils de leur temps et symboles parfaits de la délitescence d’un monde dont ils sont le tenace reflet.

Mais écoutons, avant de continuer, le conseil de l’Eveillé Abdallah al Mansour allias Al-Kindi à Ibn Rushd après sa confrontation-piège avec un syndicat d’imams et de théologiens professionnels et aspirants : ’Pour tes prochains cours, sois plus proche de la tradition, évite des interprétations trop complexes ou trop osées. Ne dis pas vraiment ce que tu penses, mais ne professe pas le contraire. La vérité n’est pas accessible à tous. Si tu rencontres séparément des théologiens, donne-leur en davantage. Et garde l’essentiel de ta démonstration pour une élite scientifique. A la foule illettrée il faut cacher les théories pour éviter d’ébranler sa foi et de diviser la nation musulmane en excitant les luttes entre des sectes ignorantes et acharnées.’

Est-ce le message que Bathie Ngoye Thiam, afin de décharger sa conscience, entend administrer au Thianth, en tant que musulman et comme le lui recommande sa religion ? La simple réponse affirmative à cette question suffit à certains pour légitimer amplement la réaction de ce dernier. Mais, ses remontrances, mêmes fondées, délégitiment-elles pour autant le Thianth dans ce qu’il incarne fondamentalement ?

Ces nœuds théologiques à dénouer

A un célèbre syndicaliste, un homme pas banal, outré par les ‘enfantillages’ de certains marabouts, et qui me confia avoir finalement choisi Omar Khayyâm pour guide spirituel, je dus m’employer de tout mon être pour lui démontrer qu’un poète mystique, quelque sublime que puisse être son élévation, ne saura jamais égaler en dehors et au-dedans une lieutenance divine, que l’accomplissement de la Révélation, jusqu’à ce que Dieu mette fin à son programme, se jouera toujours à visage humain, et que nos fondateurs de confréries sont l’interface par laquelle nous contemplons tous les prophètes de Dieu, qu’il avait donc tort de les comparer à n’importe qui.

Les nœuds théologiques à dénouer pour avoir le positionnement métaphysique idéal à une considération adéquate des phénomènes et évènements qui surgissent dans le cours de l’accomplissement de la Révélation, en relais de ceux qui sont déjà consignés dans le Texte, ne sont-ils pas souvent si difficiles à discerner, a fortiori s’en affranchir, qu’il faut convenir que cela ne peut être du ressort de personne de se délivrer et de s’abstraire de soi pour être libéré des liens contingents de la théologie et des différents systèmes religieux ? De pouvoir s’unir au divin et se retrouver dans la position centrale qui fait retrouver la permanente actualité de toutes choses dans le principe divin pour l’être réalisé auquel le dévoilement métaphysique aura ouvert grandes les portes mystères divin ? Encore faudrait-il pouvoir croire même en l’actualité de la révélation pour, ne serait-ce que consentir à accorder cet honneur à ses lieutenants présents. Car, là également, il est question d’élection divine. Parmi les phénomènes qu’il importe de bien comprendre dans une révélation en marche et qui témoignent de la vitalité et de l’ininterruption principielle de la Révélation, il y a le principe du ‘cheikhal’, principe vital de dédoublement spirituel par lequel le souffle de la révélation, par un mouvement de ressac et d’expir vital redéploie son élan auto exploratoire et dégage en puissance l’axe d’orientation de sa destinée embrassant toute la géométrie de son ipséité.

C’est dans ce domaine que s’exerce avec le plus de souveraineté l’autorité divine. Il peut, en effet, survenir n’importe quel type de phénomène et d’anamorphose, car tout ce que nécessite la révélation en marche, Dieu y pourvoie sans autre loi et code de conduite que l’impératif d’acheminement à bon port de son plan. C’est ici que se retrouvent les ‘bizarreries’ les plus inattendues et les plus déconcertantes de la religion. Quand, en effet, les viscères par lesquelles s’abat le travail d’amollissement et d’accommodement intimes et internes de la ‘Voie’ surgissent au-dehors, alors que ce dehors damasquiné, serti, surfacé, raboté, poli de la religion est fait pour être commode, n’y a-t-il pas là incident ? Assurément si ! On a beau aimer tendrement une femme (islam), ses intestins (baatiin) figureront-ils pour autant au catalogue des objets de pâmoison de l’amant normal (le croyant) ? Le matériau utilisé par Dieu dans les hauts-fourneaux de la cuisson religieuse pour nous servir un plat digeste à nos âmes, ce matériau, si nous savions de quoi il se compose, notre relation à la religion en aurait été modifiée. Or, il arrive à Dieu, par ce que la physique appelle ‘un trou de verre’, de libérer au-dehors certaines des énergies vitales internes de la révélation, sous forme humaine. A quoi peuvent alors ressembler ces énergies extraterrestres et surhumaines à visage humain parmi les humains si ce n’est à des monstres ? (…).

Considérés du pôle opposé à l’action présente de la révélation, c’est-à-dire du côté de la religion normale en tant qu’acte posé et dépassé de cette même révélation en marche, ces phénomènes peuvent donner l’impression d’anomalies sataniques à bouter de toute urgence de la religion. Mais considérés in divinis, ils retrouvent la beauté et la noblesse vitale de leur fonction fondamentale qui ne peut que dérouter les esprits ordinaires jusqu’à en susciter la haine. Mais Dieu en prend grand soin et pour cause.

Dieu n’engendre jamais de non-sens et préfère un monstre qui obéit à un ange qui roule des yeux, pour ce qui concerne l’acheminement de son plan. C’est pourquoi, la désinvolture avec laquelle le croyant rivé sur la lettre de la religion se signale au dénigrement de ces phénomènes, relève d’une discourtoisie souvent proche de la diabolisation à la place de ce qui ne devrait être que recul et distance, pas rejet catégorique (‘roomb ak roy’ dit la tradition mouride pour ne pas choir dans le ‘diingatt’ ou dénégation catégorique).

Une nécessité vitale pour l’humanité

Le ‘dérèglement du monde’ au sens mahloufien peut-il ne pas s’être répercuté sur la constitution psychophysiologique des êtres qui lui sont contemporains ? Et alors, devant des êtres endurcis et épaissis spirituellement, l’alternative islamique à une loi rigoureuse et inopérante parce que mortifiante, soufferte et non acceptée parce que non comprise, n’est elle pas le ré enchantement par plus de miséricorde que seule la majesté divine peut descendre en visage humain et instiller ainsi le sens et l’espérance, raviver la foi engagée et volontaire, vivante et agissante, celle qui transforme, rend utile et transfigure, qui sauve ? Pour cela, le ciel n’a-t-il pas besoin d’un aimant dont le magnétisme agit avec fulgurance ? N’est-il pas dès lors libre et souverain d’en produire ? En cette orée 3000, le signe le plus chargé de sens et de prémonition est celui d’une humanité qui, refusant de se soumettre à la loi du ‘nafs’ et aux tentations de ‘Satan’, ‘décide’ de se mettre au service de la révélation, et ce symbole peut s’apprécier en chair et en os, du moment que c’est la volonté du ciel !

La détermination du moment cosmique est toujours une nécessité vitale pour l’humanité. C’est le repère le plus sûr qui lui permet d’être en phase avec la marche de Dieu. Des symboles et signes pour guider l’humanité ou du moins lui montrer le mercure de sa température ambiante, ne feront jamais défaut sur terre. C’est à l’humanité d’être attentive et réceptive. Sous-estimer ce que représente l’humain dans la feuille de route de la révélation, c’est se condamner à ne jamais contempler la face de Dieu. Pour le présent cycle d’humanité, l’humain est le pivot de la norme, et achever de comprendre l’homme, n’est-ce pas démasquer Dieu ?

La cohabitation de ce que nous appelons le Mal avec ce que nous nommons le Bien dans le monde est un dilemme aigu que ceux qui considèrent la création comme l’œuvre directe de Dieu, ne pourront jamais accepter et comprendre. Ils n’ont, en effet, pas compris qu’au moment de ‘descendre’ la Révélation, Dieu a pris en compte et en priorité, le caractère fragmentaire de leurs essences et leur arsenal spirituel rudimentaire inapte à pénétrer le vrai sens de la Tradition. Le monothéisme version moderne ou version moiséeenne n’a-t-il pas été que la pale copie de ce que toute l’humanité a vécu durant tout le cycle d’avant Moïse, et qui est la doctrine de l’Immanence divine ? Le changement de ce paradigme socle, avec tout ce qu’il implique de subversion et d’affaissement spirituel, a donné naissance à la configuration actuelle de nos livres saints. Ce que Dieu a prodigué comme enseignement depuis le commencement de la marche des peuples, nous est restitué par nos livres dans sa dimension la plus diluée et vulgaire au sens noble du terme. Nous ne savons donc de Dieu que ce qu’il a jugé nécessaire de nous servir compte tenu de notre état spirituel, et seule la métaphysique, connaissance des principes universels, ou mieux, connaissance de Dieu par excellence, peut nous faire emprunter le chemin perdu de la gnose illuministe ou connaissance intégrale.

L’exemple du Bien et du Mal qui cohabitent sur terre alors que Dieu est Perfection, est assez illustratif de notre indigence spirituelle. Comment l’expliquer clairement sans invoquer au secours le mythe créationniste d’Adam et Eve, donc de Satan ? C’est un défaut de connaissance qui a rendu nécessaire l’explication forcée de cette dualité illusoire, mais en vérité elle est taillée à la mesure d’un monde qui avait déjà fait ses adieux à la véritable connaissance divine depuis mathusalem.

En vérité, chez Dieu le mal n’existe pas. Il existera seulement si l’on envisage toutes choses sous un aspect fragmentaire et analytique. Le Mal n’est donc, in divinis, qu’une relativité considérée analytiquement comme le pensent en général les soufis authentiques. Ce fut d’ailleurs le sens caché de la doctrine osirienne avec le surgissement d’Horus comme finalité d’une lutte fratricide Osiris /Seth qui n’est que de surface.

Si Dieu était descendu selon un mode qui voilerait sa présence à certains, fuyant devant le feu, la maladie, la pluie, les jalousies, etc., il aurait tout de même assez de logique pour concéder à ceux à qui il n’aura pas daigné se montrer le droit de lui contester sa divinité cachée. Et là, légitimement des interrogations ne manqueraient pas de naître quant à une intervention divine sans incidence universelle, comme si Dieu n’était pas au courant de la situation du monde en cette orée 3000 où toute vraie manifestation décisive du ciel ne peut passer outre le V.I.H., Al Qaïda, l’injustice du Nord envers le Sud, la mort, les guerres, le climat, etc.

Louis Alphonse J. SARR K.K. Guide spirituel du Groupe Touba Salikhiin e-mail : [email protected]

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